Ils sont des conseillers auprès de la présidence de la République et celle du gouvernement, d’anciens ministres mais aussi des ministres et secrétaires d’Etat en exercice menacés de quitter l’arène du pouvoir pour mauvais rendement.

Ils sont également des députés, de dirigeants influents au sein de partis au pouvoir, de PDG d’entreprises publiques et de groupes puissants privés, de chargés de mission, d’universitaires et de diplomates à la retraite. Tout ce beau monde se bouscule, ces jours-ci, aux portes des médias, des réseaux sociaux et des décideurs influents (Nidaa Tounès, Ennahdha, UGTT) pour se faire remarquer et espérer que le prochain remaniement du gouvernement les touchera.

Concrètement, ils multiplient sorties publiques, déclarations et interviews.

Des assoiffés de pouvoir…

Lors de ces manifestations, les uns se targuent d’avoir été à l’origine de l’exploit du versement de la dernière tranche du prêt du FMI, et donnent leur parole pour redresser les déficits publics en des temps record.

D’autres promettent d’être des champions de nouveaux modèles de développement économique (économie solidaire et sociale, nouveau plan d’ajustement structurel…).

Les plus modestes se disent porteurs de projets et d’ambitions pour certains secteurs tels que l’énergie et les finances.

Mention spéciale pour les ministres et secrétaires d’Etat donnés partants, s’agissant notamment des indépendants et des représentants des partis de l’Union patriotique libre (UPL) et d’Afek Tounès. Certains s’engagent à réduire les déficits -tous les déficits-, à ne privatiser aucune entreprise publique et à maintenir tous les emplois.

D’autres jurent de mener une lutte sans merci contre la corruption, l’évasion fiscale et la contrebande.

Globalement, ces postulants de portefeuilles ministériels sont des inconnus et n’ont pas de background crédible. Ils ne s’étaient pas distingués dans le passé pour avoir mené une quelconque réforme digne d’être retenue.

Les trois grands manitous du remaniement

En public, ces assoiffés de pouvoir ne ratent aucune manifestation (séminaires, colloques, festivals, mariages, cérémonies…) pour s’afficher et courtiser les représentants des trois décideurs les plus influents de ce remaniement: Nidaa Tounès -qui réclame la part du lion en tant que parti vainqueur des dernières élections. C’est Khaled Chaouket, soutenu par Hafedh Caïd Essebsi (HCE), directeur exécutif autoproclamé du parti qui mène le bal. Il s’est montré même menaçant à ce sujet en disant: «Si notre parti n’obtenait pas satisfaction, son groupe parlementaire pourrait ne pas se montrer coopératif avec le gouvernement”.

Du côté d’Ennahdha, on affiche une certaine sérénité sournoise. Le parti, fort de sa discipline et de sa forte représentativité au Parlement, est convaincu d’imposer sans aucun problème son quota, et de maintenir même à leur place ses ministres, même incompétents.

Quant à la centrale syndicale (UGTT), elle manœuvre pour faire passer des ministres avec lesquels ses troupes, particulièrement celles de la santé et de l’éducation, peuvent coopérer.

Quid de la marge de manœuvre de Youssef Chahed?

Face aux ambitions des uns et les désirs des autres, Youssef Chahed, chef du gouvernement, aura la tâche très compliquée.

Il lui sera facile de fusionner des départements comme ceux de l’Education et de l’Enseignement supérieur, ou encore ceux du Commerce, du Tourisme et de l’Artisanat, et ainsi se débarrasser de ministres incompétents… Néanmoins, il lui sera difficile de limoger le super ministre nahdhaoui du Commerce et de l’Industrie, et des ministres nidaistes considérés comme incompétents.

Le compromis serait de les remplacer par d’autres personnes de leurs partis. Pour cela, il doit compter sur le soutien du président de la République, Béji Caïd Essebsi, même cela risque de ne pas suffire.

Par-delà ces tractations de sérail, il faut reconnaître qu’au regard de la contreperformance de plus de 280 ministres et secrétaires d’Etat qui se sont succédé dans les différents départements ministériels du pays depuis le soulèvement 14 janvier 2011 (à quelques exceptions près, tel que Néji Jalloul, ancien ministre de l’Education limogé sous la pression de syndicalistes), ces remaniements sont sans signification majeure pour le commun des Tunisiens. Ce sont, tout au plus, des non événements lassants. Ils ne concernent que les arrivistes malades de pouvoir, qui se soucient plus de figurer dans le maping du pouvoir et de profiter de ses avantages que de servir les bonnes causes de bon peuple.