Le Fonds régional pour l’emploi est mis en œuvre par la Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ) GmbH qui agit sur mission du ministère fédéral allemand de la Coopération économique et du Développement (BMZ). Elle met en place des projets conjointement avec les acteurs du secteur privé et la société civile en Tunisie et travaille sur l’amélioration du taux d’emploi à moyen et long termes en mettant un focus sur les régions défavorisées de la Tunisie.

A l’occasion d’un voyage d’études sur le tourisme durable en Allemagne, nous avons rencontré Tobias Seiberlich, chef de projet Fonds Emploi GIZ, pour faire le point du programme. 

Entretien conduit par Amel DJAIT

Webmanagercenter : Au terme de 3 ans d’activités, quel bilan faites-vous du programme du Fonds pour la formation et la promotion de l’emploi des jeunes en Tunisie? 

Tobias Seiberlich : Nous avons réussi à monter une structure de gestion du Fonds Emploi et mis en place un Comité de pilotage composé des représentants de nos partenaires politiques (ministère de la Coopération internationale et celui de l’Emploi et de la Formation professionnelle)

Comme le Fonds Emploi travaille sur deux groupes cibles -la société civile et le secteur privé-, le Comité de pilotage est composé de chefs d’entreprise et de présidents d’associations.

Aujourd’hui, nous avons aussi mis en place un Comité consultatif qui va nous permettre de mettre à échelle les bonnes pratiques du Fonds Emploi. 

Pourquoi cette structure complexe ? 

A travers nos 4 différents appels à projets, nous avons retenu une trentaine de projets. Nous avons fait une première sélection sur environ 600 projets que nous avons reçus avec des consultants externes pour un maximum de transparence.

D’une short list, le Comité de pilotage a sélectionné les projets que la GIZ a soutenus et accompagnés. Ce qui est important, c’est que ce n’est pas la GIZ qui a choisi les projets, mais bel et bien le Comité de pilotage.

Ensuite, nous avons mis en place des procédures et les règles qui sont très strictes. Vous savez, l’argent mis en place pour les projets est celui des contribuables allemands qui payent leurs impôts. Les fonds nous viennent à travers notre bailleur de fonds, la BMZ. Notre mission est de faire en sorte que les moyens mis à la disposition des promoteurs soient extrêmement bien utilisés. Nous avons mis en place un accompagnement technique, administratif et financier pour accompagner les prometteurs de tous les projets soutenus par la GIZ par une gestion rigoureuse et des plus pointues. 

Ce fonds a un objectif de créer des emplois. Quels sont les moyens mis à disposition de ce projet? Quels en étaient les objectifs? Quels étaient les secteurs prioritaires? 

Nous avons mis en place des règles claires. Les projets étaient plafonnés à 200 mille euros. Le montant de la totalité du fonds, je ne saurais vous le dire et je préfère d’ailleurs partager avec vous les impacts de nos projets pilotes.

En termes d’axes, nous avons travaillé sur 4 grands thèmes:

  • l’amélioration de la formation initiale et continue en entreprise et ce faisant, une attention résolument tournée vers les besoins réels de l’économie;
  • la recherche d’une adéquation entre les exigences des entreprises, bien visibles aux travers des nombreux postes à pourvoir et les profils des chercheurs d’emploi à travers la professionnalisation du placement et la gestion du personnel;
  • le soutien à la création d’entreprises et le renforcement de l’esprit d’entrepreneuriat;
  • l’attractivité croissante envers les métiers traditionnels (amélioration des conditions de travail, de la gestion du personnel, de la promotion de l’image et de l’attrait de ces professions artisanales).

Ceci dit, nous avons intégré, formé, orienté et soutenu quelque 4.700 jeunes. Nos projets sont des pilotes et nous ne pouvons travailler sur plus.

Regardons de plus près dans cet impact. Ce programme a touché combien d’emplois? Combien de projets ont été perdus en cours de route?

Avec l’entrepreneuriat, il y a toujours un risque de perte. Nous avons perdu 2 projets en cours d’exécution. Ce qu’il faut, c’est retenir les leçons de ces deux échecs et en cela, ils sont vraiment bénéfiques.

Ceci dit, nous avons intégré, formé, orienté et soutenu quelque 4.700 jeunes. Nos projets sont des pilotes et nous ne pouvons travailler sur plus.

Mais n’est-ce pas déjà beaucoup pour un pilote?

Absolument. C’est déjà beaucoup. Désormais, nous voulons mettre en œuvre un instrument innovant pour dupliquer les bonnes pratiques et transposer ce qui a marché dans une région à une autre. 

Avec le même soutien et les mêmes mécanismes? 

Non, cela se passera dans un autre cadre. Avec les partenaires tunisiens et la BMZ, nous allons développer une autre méthodologie. Notre approche sera régionale. Nous allons grouper autour d’une table ronde tous les acteurs et les forces vives pour présenter nos bonnes pratiques et faire en sorte de dupliquer les succès entre les régions, les secteurs, les promoteurs…

Nous travaillons actuellement sur un nouveau projet. C’est un projet qui fait la Promotion des emplois ruraux sur 4 régions pilotes: Tozeur, Kébili, Mahdia et Kairouan.

Maintenant, il faut travailler en profondeur et faciliter aux entrepreneurs en herbe et potentiels l’accès aux financements

La création d’entreprises est incontestablement un de vos champs d’action prioritaires. Au terme de quelques années et de soutien à de nombreux jeunes, que leur manque-t-il pour ne pas oser l’entrepreneuriat? Est-ce leur formation, le climat général, le manque d’initiative qui fait défaut? 

Jusqu’à la révolution, il n’était pas facile de créer une entreprise. Maintenant, c’est plus tout à fait pareil. La Tunisie est dans une phase de restructuration et nous sommes tous dans un chemin d’apprentissage. Les Tunisiens ont dans leurs gènes le commerce. Dès qu’ils quittent leur pays et partent à l’étranger, ils sont entrepreneurs et je pense vraiment que l’esprit entrepreneurial en Tunisie ne manque pas.

Maintenant, il faut travailler en profondeur et faciliter aux entrepreneurs en herbe et potentiels l’accès aux financements. Ils doivent aussi avoir plus facilement accès aux structures qui existent mais qu’il faut incontestablement renforcer.

Au cours des prochaines années, nous allons avoir à multiplier et renforcer le partage des bonnes pratiques entre l’Allemagne et la Tunisie. Vous savez, l’économie tunisienne repose sur les petites et moyennes entreprises et il faut continuer à les soutenir. Ceci dit, nous devons aussi et surtout trouver un moyen pour créer des grandes entreprises qui vont pouvoir recruter par centaines, voire par milliers.

Pour les années à venir, il nous faut travailler sur une nouvelle culture et faire un focus sur l’innovation. Vous savez en Europe, nous savons traduire le résultat académique en emplois. Ici, il y a un fossé entre les deux univers. Je pense vraiment que nous pourrions déclencher un immense boost pour l’économie et le développement en rapprochant les entreprises de la recherche et de l’académique.