Tunisie : L’Afrique subsaharienne dans le viseur du groupe AMEN

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Enfin un véhicule de capital investissement, pour ouvrir la voie de l’Afrique. Aurons-nous les moyens de nos ambitions continentales?

Mardi 18 octobre, lever de rideau sur le premier fonds d’investissement AFRICAMEN, dédié, comme son nom l’indique, au continent africain. Le fonds sera géré par Amen Capital et sera piloté par son DG, Walid Chaouche, lequel a piloté le travail préalable d’ingénierie.

Le fonds est doté d’une mise de départ de 30 millions de dinars, répartie entre Amen Bank, la CDC, Groupe Poulina et la STAR.

Ahmed El Karm, V/P du groupe AMEN, s’est félicité du partenariat entre public et privé pour créer, enfin, un premier véhicule en capital, destiné à faire le linkage entre les milieux d’affaires tunisiens et leurs homologues sur le continent. Poussant un ouf de soulagement le patron d’Amen Bank croit qu’AFRICAMEN ouvre la voie, par le haut du bilan, au business structurant entre les deux bords.

L’Afrique nous ouvre les bras

Le sentiment de soulagement était partagé par tous en voyant qu’une offre pratique de financement, par le haut, se met en place. A l’évidence d’autres suivront. On prend le pari qu’elle sera la première pierre d’un important édifice qui finira par se mettre en place. Le plus important est que c’est une initiative public/privé.

Enfin, le secteur privé prend les devants alors que jusque-là c’était l’Etat qui, au gré de son volontarisme, montrait le chemin. Jusque-là l’attrait pour les pays du voisinage africain était bien présent mais il n’y a jamais eu une entreprise d’envergure en accompagnement aux investisseurs. Tous les investisseurs privés rongeaient leur frein mais n’osaient pas se lancer, massivement, vers le voisinage africain.

Quelques IDE esseulés de-ci, de-là se sont réalisés, mais selon Walid Chaouche, les IDE tunisiens sur le continent représentent moins de 0,2% de notre PIB. C’est proprement rageant d’avoir été impuissants de répondre aux appels des voisins africains, alors qu’ils nous attendent, tonnait Ahmed El Karm. Nous avons été les premiers à ouvrir la voie mais nous avons été doublés par les Turcs, les Chinois et les Marocains qui ont lancé une offensive de taille et qui a l’avantage d’être à la fois cohérente et conquérante.

La RAM, par exemple, offre un réseau de dessertes qui irradie sur la totalité du continent. Les banques marocaines et les assurances ont suivi, en masse. Et là où elles ne s’implantaient pas, elles n’hésitaient pas à acheter les enseignes locales. Le commerce a suivi, puis les implantations. Une véritable machine de guerre est en marche. Bien entendu, il faut relativiser. Bien entendu ce n’est pas le mimétisme qui nous fait bouger mais bien la foi dans notre potentiel et le désir des continentaux de se lier d’affaires avec les Tunisiens. Quand l’affectio societatis, premier ressort du business est là, il faut y aller. Et si l’Etat tunisien a manqué, selon Ahmed El Karm d’une stratégie opérante, AFRICAMAEN vient relancer la nécessité pour le secteur privé d’élaborer une stratégie qui soit recevable par tous. Le progrès, rappelons-le, ne vaut que s’il est partagé de tous.

La Tunisie est la MAMA de l’Afrique, dixit Ahmed El Karm

Quand on décide d’une mission, il faut lui affecter les moyens nécessaires. Or, l’ambition tunisienne de rayonner sur le continent africain souffrait du handicap de l’appui logistique et diplomatique ainsi que financier.  Pour se rendre dans les capitales africaines, l’on est souvent obligé de transiter par Casa, Paris ou Istanbul.  Mettons les dessertes en place et elles finiront par générer des flux de passagers. Un conteneur, au départ de Tunis, transite souvent par un port européen, et quel que soit le détour qu’il emprunte, parvient à destination au moins, 45 jours plus tard. Cela n’est pas pour booster les échanges commerciaux avec le reste du continent.

La diplomatie n’est guère plus en avance. Avec 8 ambassades pour les 54 pays, la présence tunisienne est loin d’être active. Et comme le rappellera Boutheina Ben Yaghlane, DG de la CDC, l’Afrique, berceau de l’humanité, représente l’avenir du monde.

Les pays subsahariens constituent un pôle de croissance considérable. C’est un marché d’un milliard d’habitants avec une perspective de doublement démographique à horizon des 30-40 années à venir. Pas moins de 35% vivent dans les villes. Le taux de croissance voisin de 5% est assez soutenu et le retour sur investissement est parmi les plus élevés du monde.

La demande de biens et services est en pleine expansion et les enseignes tunisiennes sont désirées. Ahmed El Karm ajoutera que la Tunisie est dans la situation de MAMA de l’Afrique et ce sigle se décline comme suit (Musulman, Arabe, Méditerranéen et Africain).

La côte d’amour de la Tunisie est à son zénith

La relation de la Tunisie avec les pays du continent est chargée d’émotion. Elle a connu quelques couacs passagers. Le contingent africain d’étudiants a baissé de 12.000 à 6.000. La raison est, pour l’essentiel, la mauvaise qualité d’accueil de la population et des autorités, pour les questions de documents de séjour et de visa. Cependant, tous préviennent qu’il faut faire revenir les étudiants car ce sont les futurs décideurs de demain et par conséquent il faut tisser avec eux des liens engageants pour l’avenir.

Bassam Loukil, président de TABC (Tunisian African Business Council) a attiré l’attention de tous quant à la nécessité d’entretenir le feeling personnel. Il rappelait à ce titre un souvenir d’amitié que nos amis camerounais entretiennent à ce jour. Le président Bourguiba en visite officielle au Cameroun, avait demandé à visiter un village musulman, pourtant situé à 400 km de la capitale Yaoundé. Dans ce village une mosquée était en construction et Bourguiba a offert à l’imam de la mosquée un tapis de Kairouan. A ce jour, rapporte Bassam Loukil, on sort le tapis pour les prières des jours de l’Aïd et des grandes fêtes religieuses.

L’esprit de fraternité tunisienne a marqué les esprits sur le continent et malgré les échecs répétés, prévenait Abdelwaheb Ben Ayed, PDG du groupe Poulina. Il est vrai que les Tunisiens ont été précurseurs en la matière avec une joint-venture bancaire tuniso-sénégalaise, qui a fini par péricliter et se faire racheter par le groupe bancaire marocain, Attijariwafa bank. Il faut, insiste-t-il, installer sur place des organismes d’accompagnement des investisseurs. La principale prestation, selon lui, étant l’accès au financement, une fois, basé quelque part sur le continent.

L’opération conjointe entre la finance tunisienne et l’assurance via la STAR constitue l’exemple à suivre. Lassad Zarrouk, PDG de la STAR, promet un instrument de couverture des investissements, rappelant que la STAR avait, depuis qu’elle était entreprise publique, le goût du large, étant engagée dans une joint-venture au Mali. Désormais la STAR se fixe un business plan africain.  

30 millions de dinars, à peine 12 millions d’euros, pour conquérir l’Afrique?

Personne n’est dupe, ce n’est pas avec ce petit “pécule“ que l’on va faire des miracles sur le continent. Les tickets plafonneront à 2 millions d’euros environ, soit la participation maximale du fonds. Cependant, avec les techniques de levier, de croisement et de LBO, on peut faire jouer l’effet multiplicateur et atteindre un montant d’investissement du quintuple, au moins, du capital d’AFRICAMEN.

Bien entendu, ce chiffre reste symbolique. Mais il y a une part d’esprit de Pierre de Coubertin dans l’initiative d’AFRICAMEN. L’essentiel est de participer. Et, la participation actuelle est une solution globale car elle implique d’abord le secteur privé, la finance et l’assurance. Ce spécimen constitue une souche qui pourrait être dupliquée et améliorée. Salah Sayel, PDG du CMF, rappelait qu’un code des fonds d’investissement sera bientôt prêt. Fini l’esprit réglementaire, ce code sera destiné à favoriser l’esprit entrepreneurial avec les souplesses attendues.

Avec AFRICAMEN, on met la balle au centre, on attend les actions de but. Dans un livre récent, Cyril Grislain, ancien directeur du bureau de Mac Kinsey à Tunis, premier bureau de conseil au monde, aimait-il à ironiser, soutient que la Tunisie dispose d’un double avantage pour réussir en Afrique. Il y a d’abord le dynamisme et l’innovation de son secteur privé, mais il y a également son expérience publique notamment dans la santé, l’éducation, l’électrification, le raccordement à l’eau potable qui peut intéresser l’Afrique.

A présent on voit que le précédent d’AFRICAMEN pourrait nous extraire de l’amateurisme entrepreneurial. Bon vent à AFRICAMEN. Nous explorerons le sujet dans un imminent entretien avec Walid Chaouche, DG dudit Fonds.

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