Tunisie : Projet de réconciliation économique ou projet de division nationale?

Par : TAP

caricature-caboum.jpgLa “coalition civile” a lancé un appel aux députés pour rejeter le projet de loi sur la réconciliation économique et financière examinée actuellement par la Commission de la législation générale, le qualifiant d'”incompatible avec la Constitution et avec les engagements internationaux de la République tunisienne en matière de droits de l’Homme, de lutte contre la corruption et de justice transitionnelle”.

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Dans un document rendu public, elle demande aux députés de s’abstenir de discuter le projet de loi et de voter en sa faveur lors de l’assemblée plénière.

La coalition appelle également à soutenir les efforts de la société civile pour tenir une conférence nationale sur la justice transitionnelle à laquelle prendront part toutes les parties prenantes du processus de justice transitionnelle “pour trouver des issues aux dossiers des crimes économiques et financiers sur la base de la méthodologie du consensus national pour réussir la transition démocratique”.

Selon la coalition civile, “contrairement aux objectifs annoncés, les mesures contenues dans le projet affaibliront l’économie tunisienne, renforceront la corruption en maintenant les fonctionnaires impliqués dans la corruption sans jugement, ce qui donnera des messages négatifs pour les investisseurs nationaux et étrangers”.

Elle estime également que “la mise en œuvre de ces mesures donnera des privilèges supplémentaires aux corrompus pour accumuler plus de richesse illégitime, alors qu’elle sanctionnera le reste des hommes d’affaires honnêtes qui ont acquis leur richesse de manière légitime, ce qui est en contradiction avec le principe constitutionnel fondé sur l’égalité entre les citoyens”.

Pour la coalition, “l’impunité en matière de corruption affaiblira la confiance des investisseurs en les institutions de l’Etat ainsi que la confiance des citoyens qui souffrent de la crise économique aiguë. Amnistier sans raison des corrompus sous l’ère du président déchu donnera l’impression à l’opinion publique que l’Etat tunisien protège la corruption et ne la combat pas, ce qui est incompatible avec les accords internationaux de lutte contre la corruption signés par la Tunisie”, souligne la coalition.

Elle justifie aussi son rejet du projet de loi pour “sa violation du préambule de la Constitution qui appelle à faire table rase de l’iniquité, de l’injustice et de la corruption, outre sa divergence avec l’article 10 sur le remboursement de l’impôt, la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, et sur la bonne gestion des deniers publics”.

Elle fustige également le fait que “le projet stipule que les travaux de la Commission de réconciliation soit à huis clos et ne rend pas compte des résultats de ses travaux, en contradiction avec les principes de transparence, d’honnêteté et de reddition des comptes des services publics selon l’article 15 de la Constitution, des dispositions de la justice transitionnelle contenues dans l’article 148 de la Constitution qui oblige l’Etat à s’engager à appliquer la justice transitionnelle, y compris dans les domaines économique et financier”.

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La coalition estime d’autre part que le projet “perturbe les efforts du processus de justice transitionnelle pour dévoiler la vérité, demander des comptes et exiger des dédommagements ainsi que la garantie que les violations ne se reproduisent pas puisqu’il retire des prérogatives de l’instance vérité et dignité le traitement des crimes contre les deniers publics et la corruption financière. Ce projet garantit le secret des données sur les demandeurs de réconciliation, ce qui entrave l’assainissement et la réforme des institutions publiques, foule aux pieds les droits civils des victimes dont le droit de connaître le dossier et aux dédommagements et ne garantit pas les procédures d’investigation des crimes économiques”.

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A noter que la coalition civile luttant contre le projet de loi comprend une trentaine d’associations, dont notamment l’Association des magistrats tunisiens (AMT), l’Observatoire tunisien de l’indépendance de la justice (OTIJ), le Réseau tunisien de la justice transitionnelle (RTJT), la Coordination nationale indépendante de la justice transitionnelle (CNIJT), le Pôle civil de développement et des droits de l’Homme (PCDDH) et le mouvement des jeunes Manich Msameh (contre le pardon).