Economie : Le gouvernement ne doit pas “tuer” le succès des filières agricoles tunisiennes

agriculture-tunisie.jpgUne évidence: s’il y a des filières agricoles que la Tunisie a développées avec succès sur la voie de la sécurité alimentaire, c’est bien les secteurs de l’élevage, l’aviculture, les laitages et l’arboriculture fruitière. Toutefois, aujourd’hui, ces filières pâtissent de leur succès par l’effet des méventes, voire des difficultés rencontrées pour écouler leur excédent de production.

Le spectacle est de nos jours affligeant: les Tunisiens dont les ancêtres ont connu la faim et la pénurie en tous produits assistent médusés à des agriculteurs en colère qui déversent sur la voie publique des tonnes de dattes, de lait, d’œufs, de tomates, de pommes de terre…

Le gouvernement actuel, au lieu de s’en féliciter au nom des acquis accomplis par la république et de la continuité de l’Etat, traîne du pied pour trouver des solutions à court et à moyen termes. Retour sur un bras de fer qui risque de compromettre le développement de plusieurs branches agricoles.

Il y a six mois, plus exactement le 2 septembre 2015, les agriculteurs tunisiens étaientdescendus dans la rue pour manifester leur colère et revendiquer des réformes structurelles pour sauver, particulièrement, les filières du lait, de l’aviculture et des viandes rouges.

Le lendemain, le chef du gouvernement, Habib Essid, avait reçu une délégation de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP) et décidé un train de mesures en leur faveur.

Ainsi, il avait été convenu de mieux contrôler la distribution des aliments pour bétail subventionnés, de renouer avec le système des quotas pour le secteur des volailles afin d’éviter l’excédent de production et de résorber 10 millions de litres de lait, qui seront distribués aux écoles ainsi qu’aux foyers scolaires et universitaires, et ce afin d’alléger la charge sur les centrales.

Le chef du gouvernement et la délégation de l’UTAP avaient également évoqué d’autres questions relatives aux eaux d’irrigation, à la libéralisation des exportations ainsi qu’à la restructuration du Fonds d’indemnisation des catastrophes naturelles, prévue pour 2016.

Qu’en est-il de tout cela ?

Six mois après, les agriculteurs sont confrontés aux mêmes problèmes, à l’exception de la résolution d’un seul problème, celui de la reprise de l‘usine d’assèchement du lait de Mornaguia qui devrait réguler un tant soit peu le marché.

Pour contenir l’ire des agriculteurs, le nouveau ministre du Commerce, Mohsen Hassan, a rencontré, le 30 janvier 2016, une délégation de l’UTAP. La réunion a été consacrée, pour la nième fois, à l’examen des éternelles difficultés auxquelles fait face le secteur agricole, entre autres au niveau du coût élevé de la production et de la phase post production, notamment pour les filières du lait, des viandes rouges, des pommes de terre, des tomates et des dattes où des excédents de production sont signalés régulièrement, ces dernières années.

L’accent a été mis sur les divergences entre la politique du département du Commerce qui ne se soucie que des intérêts des consommateurs (fixation du plafond des prix, interdiction de l’exportation et recours à l’importation anarchique) et les intérêts des agriculteurs et pêcheurs qui refusent de jouer le rôle de «Caisse de compensation».

Pour sortir de la crise, les agriculteurs réclament la libéralisation effective de l’exportation, l’annulation des autorisations préalables lors de l’exportation, l’arrêt de l’importation et le contrôle des marges bénéficiaires de tous les intervenants dans les différentes filières.

Ils ont obtenu de petites satisfactions: l’absorption de l’excédent de veaux par la société Ellouhoum, de poursuivre la libéralisation de l’exportation des produits avicoles, de soumettre l’importation des poules pondeuses à une autorisation préalable et d’appliquer le cahier des charges relatif à l’exercice du commerce de distribution des volailles et dérivés ainsi qu’à la constitution de stocks régulateurs.

De nouvelles stratégies s’imposent

Le problème demeure toutefois le même, en l’occurrence l’absence de stratégies claires pour gérer les excédents de production.

Interpellé, mardi 23 février 2016, sur la chaîne El Hiwar Ettounsi, Mohsen Hassan s’est contenté de déclarer que des commissions interdépartementales groupant des représentants des ministères du Commerce, de l’Agriculture et de l’Industrie travaillent sur cette future stratégie.

Pourtant, il y a urgence à accélérer les réformes en prévision de l’augmentation de la lactation au cours du printemps et son corollaire, l’accroissement de la production des laitages, des viandes rouges et des légumes.

Il y a également urgence à entamer ces réformes afin de ne pas compromettre l’évolution positive de ces filières qui constituent de précieux acquis sur la voie de la sécurité alimentaire du pays. Il y va de la cohérence des politiques menées depuis les années 80 en vue de réaliser l’autosuffisance du pays en ces produits. Aujourd’hui, il s’agit de gérer l’excédent et de mettre au point de nouvelles stratégies tournées exclusivement vers la qualité et l’exportation. Dans cette perspective, le gouvernement doit assumer le succès de la politique de développement agricole du pays.