Environnement : l’hydrolienne de la PME Sabella prend la mer pour éclairer Ouessant

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Ouessant le 19 avril 2013 (Photo : Fred Tanneau)

[25/06/2015 11:03:45] Brest (AFP) Une hélice de 10 m de diamètre sur un socle de 7 m de haut: l’hydrolienne D10 de la PME bretonne Sabella s’apprête à rejoindre jeudi le puissant courant du Fromveur, au large d’Ouessant (Finistère), pour y livrer ses premiers kilowatts, une première nationale.

De la taille d’un immeuble de 5 étages et d’un poids équivalent à une dizaine de poids-lourds chargés, soit 400 tonnes, cette première hydrolienne industrielle, de fabrication 100% française, a été embarquée dimanche depuis un quai du port de Brest à bord d’un navire spécialisé dans le transport de charges lourdes.

“Les opérations de grutage se sont bien passées”, résume avec soulagement Jean-François Daviau, à la tête de l’entreprise quimpéroise employant une dizaine de personnes, une fois l’imposante machine bleue et jaune solidement arrimée sur le pont du “Palembang”.

“C’est une très grosse satisfaction d’avoir concrétisé cette première hydrolienne qui sera raccordée au réseau”, se félicite le chef d’entreprise, à l’origine du projet né en 2000.

L’hydrolienne rejoindra son site de production, par 55 mètres de fond, jeudi matin, au moment de la pleine mer. Elle produira immédiatement de l’électricité, mais ne sera raccordée au réseau EDF que d’ici fin juillet, une pièce n’ayant pas été livrée dans les temps. D’ici là, le courant produit sera brûlé via des résistances.

Courant mai, un câble électrique de deux kilomètres avait été immergé dans le Fromveur. Il reliera l’hydrolienne à l’île, sur laquelle a été installé un conteneur servant à collecter et redistribuer le courant. C’est de là également que l’hydrolienne sera pilotée et contrôlée.

Une fois totalement opérationnelle, la machine d’une puissance d’un mégawatt, livrera du courant à hauteur de 15% des besoins de l’île et de ses 800 habitants.

Des hydroliennes ont déjà été immergées au large des côtes françaises dans le cadre de tests, mais encore jamais raccordées au réseau électrique.

Bardée de capteurs, tels des hydrophones, courantomètres et caméras, la turbine permettra également d’en savoir davantage sur son impact sur la faune marine. Les données seront analysées par l’Ifremer, le centre marin Océanopolis ou le Parc naturel marin d’Iroise.

Le coût du projet, soutenu par la région Bretagne et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), avoisine les 13 millions d’euros. “C’est à peu près 10 fois moins que nos concurrents, souligne M. Daviau, pour qui l’hydrolienne D10 “ce n’est pas un aboutissement, l’aboutissement c’est quand Sabella vendra ses machines en France ou à l’international et qu’elle vivra de son exploitation”.

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à Ouessant le 19 août 2013 (Photo : Fred Tanneau)

“Si cette expérience est réussie, et on l’espère tous, ce sera un très fort gage de crédibilité pour la stratégie de Sabella”, analyse Antoine Rabain, expert en énergies marines renouvelables (EMR) auprès du cabinet de conseil Indicta, soulignant la “stratégie de niche” de la PME.

“Le coût du mégawatt-heure sur les îles est en général entre 4 et 10 fois celui du continent”, explique M. Daviau. Ainsi, même si ses machines ne sont pas fabriquées en série, “elles peuvent trouver leur compétitivité sur ces niches de marché”.

Sabella prévoit à l’horizon 2019 l’immersion, toujours dans le Fromveur, de deux ou trois autres machines, plus puissantes et d’un diamètre de 15 mètres (D15), dans le cadre d’une ferme pilote destinée à couvrir entre 50 et 70% des besoins en électricité des Ouessantins.

L’entreprise a également profité de la période d’assemblage de l’hydrolienne à Brest pour inviter des délégations étrangères. L?Indonésie, les Philippines et le Grand Nord canadien seraient intéressés par cette technologie.

Le potentiel mondial des hydroliennes avoisinerait les 100 gigawatts, soit l’équivalent de toutes les centrales de France, selon une étude d’Indicta.

Au large des côtes françaises sommeille le deuxième potentiel d’Europe, avec 3 gigawatts, contre 8 côté britannique. Pour l’heure, deux projets de fermes pilotes, à l’horizon 2018, ont été choisis par le gouvernement, au large de Cherbourg. L’un de 5,6 MW (quatre hydroliennes), mené par Engie et Alstom, l’autre, de 14 MW (sept hydroliennes), par EDF et DCNS.