La “neutralité du net”, un principe de non-discrimination qui fait débat

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çaise, est un principe censé garantir un même accès à internet à tous les internautes et un traitement technique identique aux fournisseurs de contenus, quels que soient leurs revenus ou leur puissance financière (Photo : Lionel Bonaventure)

[18/06/2015 13:45:12] Paris (AFP) La “neutralité du net”, que Manuel Valls souhaite inscrire dans la loi française, est un principe censé garantir un même accès à internet à tous les internautes et un traitement technique identique aux fournisseurs de contenus, quels que soient leurs revenus ou leur puissance financière.

Cette disposition, qui régit internet depuis ses débuts, est une règle de non discrimination. Elle empêche les fournisseurs d’accès de jouer sur la vitesse à laquelle sont transmis les paquets de données sur le réseau, pour favoriser certains moteurs de recherche ou sites de vidéo par exemple.

“L’idée, c’est de faire en sorte qu’aucun contenu ne bénéficie d’un traitement préférentiel et ne s’affiche plus vite que les autres”, explique Adrienne Charmet, de l’association La Quadrature du Net. En d’autres termes: que le fournisseur ne puisse pas brider ou favoriser le débit de tel ou tel service, moyennant finance.

L’explosion du trafic liée à l’engouement des internautes pour la vidéo, très gourmande en bande passante, a en effet poussé les opérateurs, ces dernières années, à privilégier certains flux au détriment d’autres, pour des raisons commerciales.

Cela passe par des interventions techniques pour mieux répondre aux pics de consommation, mais aussi par des accords particulièrement opaques avec les sites et autres acteurs, gros (Facebook, Google ou Apple) ou petits (Deezer, vente-privee.com ou lemonde.fr), dont les données inondent les réseaux.

Du côté des fournisseurs d’accès, on justifie ces accords commerciaux par les coûts élevés que font peser les nouvelles pratiques des internautes, notamment le visionnage de vidéos en ligne sur des sites comme Youtube, Dailymotion ou bien Netflix.

“La neutralité de l’internet a des limites” comme la “congestion des réseaux ou l’innovation elle-même”, a estimé le patron de l’opérateur Orange Stéphane Richard au cours d’une conférence organisée par le centre de réflexion Idate cette semaine.

Le véhicule connecté de demain devra ainsi bénéficier d’une grande qualité de service pour bénéfier d’une connectivité sans faille qui aura un coût, a-t-il expliqué.

Plusieurs grands câblo-opérateurs et groupes de télécoms ont brandi la menace d’une réduction des investissements dans les réseaux, faisant valoir qu’il leur serait difficile de les compenser sans faire payer certains services.

Des arguments rejetés par les associations de défense des internautes, comme La Quadrature du net. “Si l’on se met à faire de la discrimination entre les fournisseurs de contenu sur des bases commerciales, c’est la fin de la liberté sur internet: le plus riche l’emporte”, dénonce Adrienne Charmet.

Aux Etats-Unis, pour éviter cet “internet à deux vitesses”, le régulateur américain des télécoms (FCC) a adopté en février de nouvelles règles consacrant le principe de la neutralité de la toile.

Une régulation précédente, adoptée en 2010, avait été invalidée par la justice américaine, qui avait estimé que le régulateur n’avait pas l’autorité nécessaire pour superviser les fournisseurs d’accès internet à haut débit.

Certains acteurs en Europe estiment toutefois que la nouvelle réglementation américaine constitue une définition a minima. La Commission européenne n’est elle pas encore parvenue à une position commune. Et en France, aucune loi n’a été votée sur le sujet, malgré un rapport parlementaire sur la question et deux propositions de loi.

“Jusqu’à présent, la position du gouvernement français était plutôt favorable aux fournisseurs d’accès”, estime Adrienne Charmet. Une situation qui pourrait prendre fin avec le projet de loi de la secrétaire d’Etat au numérique Axelle Lemaire, qui sera rendu public sur internet d’ici à juillet.