Primeurs des vins de Bordeaux : bon millésime 2014 mais inquiétudes sur les prix

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un vin rouge lors de la semaine des Primeurs des vins de Bordeaux le 30 mars (Photo : Jean-Pierre Muller)

[01/04/2015 08:37:33] Bordeaux (AFP) La semaine des Primeurs des vins de Bordeaux, rendez-vous unique dans le monde viticole qui permet aux professionnels de jauger la qualité du millésime 2014 avant même de passer leurs ordres d’achat, s’est ouverte lundi. Mais sans mise à prix cohérente, “le système se brisera”, s’alarment les experts.

Payer une bouteille deux ans avant sa livraison en échange d’une ristourne, telle est la raison d’être de ce rendez-vous vieux de 40 ans qui attire l’attention deux mois durant des acheteurs du monde entier. Car après avoir été goûtés par les professionnels, les critiques, également présents, attribueront leurs notes de dégustation aux 250 châteaux haut de gamme qui écoulent de 70 à 90% de leur production via le marché des primeurs.

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à Bordeaux, lors de la semaine des Primeurs des vins de Bordeaux (Photo : Jean-Pierre Muller)

Ensuite, avant la fin du mois de mai, ce sera aux propriétaires de ces prestigieux châteaux de fixer leur prix aux négociants, chargés alors d’écouler les bouteilles aux quatre coins du monde.

Et c’est là que le bât blesse. Car pour qu’une campagne primeurs fonctionne, il faut que tout le monde y trouve un intérêt financier. La propriété, qui récolte des liquidités lui permettant de financer la prochaine récolte, mais aussi le négociant, le distributeur et le consommateur, qui peuvent se procurer un vin à un prix inférieur d’au moins 20% à celui qui sera appliqué lors de sa mise sur le marché, deux ans plus tard.

– ‘Ca passe ou ça casse’ –

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à la Chambre de commerce de Bordeaux pour la semaine des Primeurs (Photo : Jean-Pierre Muller)

“L’intérêt de tout le monde est la règle de base”, souligne le président honoraire du syndicat des courtiers de la Gironde, François Lévêque. “Or, lors des mises en marché des millésimes 2010, 2011, 2012 et 2013, cette règle n’a pas été respectée. Et dans la majeure partie des cas, les prix des sorties +primeurs+ ont été trop élevés et n’ont pas permis de dégager la marge qu’était en droit d’attendre l’acheteur quand il pré-finance l’achat d’un vin”.

“Le marché attend de la cohérence sur les prix, ce que l’on n’a pas eu depuis des années, et sans cela le système se brisera”, insiste-t-il. “Cette année, ça passe ou ça casse” car “on peut se poser la question de savoir si les primeurs continueront ou pas”, avertit M. Lévêque.

Le vice-président du syndicat des négociants de la Gironde réfute cette prédiction, misant cette année sur “un millésime de qualité” succédant à une récolte 2013 qui a déçu et tiré les prix vers le bas. “Comme le prix du 2013 servira de base pour le 2014, il y a un parfum de bonne affaire”, estime Georges Haushalter.

“Si rien n’a été vendu pour le 2013, c’est qu’il était de 30% en moyenne plus cher qu’un 2008, équivalent en terme de qualité”, lui rétorque un expert en grands crus de la place bordelaise. Selon lui, “2014 est une occasion unique de revenir à la raison, il faut que les propriétaires soient très vigilants sur les prix”.

– Blancs excellents, rouges réussis –

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égociants en vin dégustent un vin blanc le 30 mars lors de la semaine des Primeurs à Bordeaux (Photo : Jean-Pierre Muller)

L’ensemble de la filière s’accorde sur la qualité du millésime 2014 qui, sans être exceptionnelle au regard des trois derniers grands crûs qu’a connus Bordeaux (2005, 2009 et 2010), satisfait les observateurs.

“Les vins blancs secs et liquoreux sont excellents, les rouges plutôt réussis”, souligne le Pr Denis Dubourdieu, directeur de l’Institut de la science de la vigne et du vin à Bordeaux. “Les blancs secs sont fruités, denses, soutenus par une acidité inaccoutumée à Bordeaux. Les grands vins liquoreux sont également de grande qualité mais faible quantité. Les rouges sont incontestablement meilleurs que ceux de 2013 et le millésime est porté par les cabernets, tant francs que sauvignon, qui ont pleinement profité de l?arrière-saison”, écrit-il.

Autre terrain d’entente, la bonne santé économique des grands marchés de Bordeaux à l’export, notamment les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. La Chine, malgré un recul de 19% en volume et 21% en valeur après des années de hausse, sera de nouveau au rendez-vous au regard de son marché croissant.

La parité euro/dollar, si elle n’a pas d’incidence sur les marchés français et européens, première destination des vins de Bordeaux, a déjà eu un impact positif sur le marché des millésimes anciens avec une augmentation des transactions enregistrées par les propriétés.