Jeux vidéo : les développeuses veulent plus de femmes aux manettes

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de San Francisco (Photo : Josh Edelson)

[08/03/2015 16:48:48] San Francisco (AFP) Un nombre grandissant d’amateurs de jeux vidéos mettent au défi le secteur de changer les règles jugées trop misogynes d’un milieu où les femmes sont de plus en plus présentes.

La Game Developers Conference qui a lieu cette semaine à San Francisco a abordé la question du traitement réservé aux femmes dans ce milieu après la multiplication récentes d’attaques au vitriol et souvent anonymes de conceptrices de jeux vidéo.

“Si vous êtes marginalisé d’une quelconque manière, si vous élevez le ton pour prendre la défense de personnes marginalisées ou pour demander plus de diversité… on considère comme acquis le fait que vous avez probablement été harcelé”, explique la développeuse Elizabeth Sampat lors d’une conférence sur le harcèlement dans le milieu des jeux vidéos.

L’année dernière, “l’affaire Zoe Quinn” dite le “GamerGate” a fait date dans cette communauté en ligne.

A l’origine, l’opération avait pour objectif de dénoncer la corruption des journalistes spécialisés dans les jeux vidéos. Mais la campagne s’est transformée en pugilat contre la dévelopeuse indépendante Zoe Quinn, accusée par son ancien petit ami d’avoir tiré partie de sa relation avec un journaliste de Kotaku, un site de référence en la matière, pour promouvoir ses jeux.

Menacée de viol, de meurtre ou encore de mutilation, la jeune femme a affirmé avoir été contrainte de déménager pour échapper à ce flot d’attaques anonymes.

“Si le +GamerGate+ avait été le nom donné à une bombe atomique, j’ai été celle sur qui la bombe est tombée”, dit-elle lors de cette table ronde. “Cela aurait pu arriver à n’importe qui. Il aura juste suffi d’un ex”.

Une étude publiée l’année dernière par l’Internationl Game Developers Association (IGDA) a démontré que seules 22% des personnes travaillant dans ce secteur étaient des femmes, soit une augmentation de 15% par rapport à il y a cinq ans. L’étude montrait par ailleurs qu’environ 49% des joueurs étaient des femmes.

Dans ce milieu, explique la présidente de cette association, Kate Edwards, “on craint de manière irrationnelle que l’arrivée de femmes pourrait être problématique”.

“C’est terriblement frustrant”, poursuit-elle. “Il y a même beaucoup de femmes qui envisagent de quitter ce milieu tant cette situation les fatigue”.

– Plus de développeuses, plus de joueuses –

Si le monde des jeux vidéos est perçu comme un univers majoritairement masculin, le nombre de joueuses âgées de 30 à 40 ans surpasse en réalité le nombre d’adolescents aux manettes, selon IGDA.

La multiplication des jeux pour tuer le temps sur portables et tablettes comme “Candy Crush”, spécialement prisés par les femmes, commence sérieusement à rivaliser avec les poids lourds que constituent les jeux de guerre et d’action.

“Le secteur des jeux vidéos a changé de manière spectaculaire”, affirme Kate Edwards.

Pour elle, le harcèlement en ligne pratiqué de manière anonyme contre les femmes est surtout le fait d’adolescents masculins effrayés de voir le “sexe faible” coloniser leurs mondes imaginaires.

L’affaire Zoe Quinn n’a été selon elle, que le paroxysme de tensions qui larvaient depuis des années dans le milieu. “Ce n’est pas le fruit d’un raisonnement rationnel et normal”, dit-elle. “C’était plutôt motivé par la peur de voir une femme surgir et bouleverser les règles du jeu d’une communauté qu’ils aiment comme elle est”.

Elle est convaincue que cette évolution du secteur ne menace pas les “Shoot’em up” (jeux de tirs, ndlr) et qu’elle apportera au contraire davantage de diversité.

“Il y aura toujours un espace pour les jeux d’actions et pour les jeux d’une minute sur portables”, ajoute-t-elle, portée par l’espoir que l’intégration de davantage de développeuses dans le milieu se traduira par l’arrivée de davantage de joueuses.

“Il y a encore beaucoup de progrès à faire mais chaque année ça va mieux”, conclue confiante, la fondatrice du studio Little Worlds Interactive, Jenna Hoffstein.