Tunisie – Finances : Le déficit budgétaire frolera les 12% du PIB en 2014

Rendons grâce à Dieu d’avoir au sein de l’Assemblée constituante des esprits aussi éclairés ou encore aussi pervers que ceux de Néjib Mrad, membre du parti Ennahdha (Renaissance) lequel, faute de trouver des arguments convaincants justifiant les déboires des politiques des gouvernements nahdhaouis successifs, veut renvoyer la balle à la communauté d’affaires.

economie-tunisienne-01-2013.jpgCe ping pong show est désormais connu et personne n’est dupe de la stratégie mise en place sciemment par une frange du parti des Ikhouans en Tunisie pour mettre en échec le gouvernement Jomaâ. Les férus de la chasse aux sorcières n’ont pas compris que leurs temps sont bel et bien révolus, que la dynamique socioéconomique de la Tunisie ne les supporte plus et le monde non plus.

Ainsi, suite aux dérapages à répétition des finances publiques dont son propre parti est responsable, le sieur Mrad revient sur scène pour détourner l’attention de l’opinion publique et la renvoyer 10 ans en arrière pour que ce soit les autres qui assument et non les «vendeurs de valeurs islamiques comme lui et ses acolytes».

C’est ce qui s’appelle une catastrophe d’autant plus qu’elle a été provoquée par un constituant censé avoir achevé son rôle par l’élaboration de la Constitution et épargner aux contribuables des frais inutiles. Puisque dans l’incapacité d’être une force de proposition, il est plutôt dans la destruction et la diversion. En cela, sa fausse manœuvre a été plus que contreproductive car, en publiant une liste d’hommes d’affaires engagés auprès des banques, il a voulu induire en erreur les Tunisiens et susciter la confusion dans leurs esprits entre les engagements bancaires en vigueur dans tous les pays du monde, et qu’il faut apprécier par rapport aux contreparties disponibles chez ces hommes d’affaires, et les actifs.

Soit «un phénomène ancien en Tunisie», estime l’un des meilleurs experts financiers dans notre pays qui explique: «Investigations faites, il s’avère que jamais le volume et le niveau des actifs accrochés n’a autant augmenté que durant les trois dernières années. Il serait en effet passé de 6,3 milliards de dinars en 2010 à 12,7 milliards de dinars actuellement. Une multiplication du volume en tout juste trois ans. Un record de tous les temps qui n’a d’égal que celui du déficit commercial atteint en 2013 (11,7 milliards de dinars) ou du déficit budgétaire en 2013 (plus de 10% du PIB), ou celui attendu pour 2014 quoiqu’on fasse (plus de 12% du PIB)».

Triste héritage pour un chef de gouvernement que d’aucuns considèrent comme un intrus venant de nulle part leur arracher leur butin. Nous aurions bien aimé les voir à l’œuvre, nous aurions ainsi pu évaluer leurs compétences. Pire, dans la situation actuelle d’une Tunisie où il serait difficile de parvenir à assurer les salaires des fonctionnaires pour le mois d’avril, il relève presque de la haute trahison de faire autant de grèves couronnées ces derniers jours par celles des recettes des finances.

Mehdi Jomaâ devrait arrêter d’être aussi «conciliant» et réquisitionner les employés récalcitrants ou encore protéger les centres de production de phosphate à Gafsa ainsi que la CPG et le Groupe chimique par les forces de l’ordre et interdire toute interruption du travail.

A la guerre comme à la guerre, et quand tout un pays est en train de s’effondrer, on ne peut pas se permettre d’avoir des états d’âme mais assurer véritablement le commandement pour mener le navire à bon port…

Nous sommes en crise, le pays est en détresse, arrêtons de nous voiler la face. Les raisons sont bien évidemment la détérioration de l’activité économique. La baisse d’activité du secteur touristique a amené à classer d’un seul coup des créances de l’ordre de 2,4 milliards de dinars, et c’est probablement le cas de plusieurs autres secteurs.

Les difficultés financières dans lesquelles ont été plongées toutes les entreprises publiques, pratiquement toutes déficitaires, ont compliqué plus encore les choses.

Rappelons pour l’exemple que la Stam était bénéficiaire avant qu’Abdelkrim El Harouni devienne ministre du Transport. D’ailleurs, une investigation préliminaire montre que sur les 18 entreprises opérant dans le secteur du transport, 16 sont déficitaires, certaines sont en fait en quasi faillite. Normal, M. Harouni a tellement livré des permis de place et de transport rural aux militants de son parti qu’il a mis à mal les sociétés de transport urbain et interurbain, concurrence déloyale oblige… «Le gouvernement a déjà reconnu que 27 entreprises publiques cumulent des déficits de 3 milliards de dinars dont une bonne partie grève le bilan des banques et plus particulièrement des banques publiques.

En réalité, les déficits sont beaucoup plus importants. Cela signifie que le niveau de 20% d’actifs accrochés risque encore de s’élever et c’est à l’Etat de payer la facture. Une opération d’assainissement des bilans des banques par la prise en charge de l’Etat des déficits des entreprises publique doit être envisagée à l’instar de ce qui a été fait en 1998. Mais est-ce que l’Etat oserait le faire aujourd’hui? «Peu probable», estime notre expert.

Quant aux actifs accrochés dont parle Néjib Mrad, le génie patriote de la finance et de l’économie, elles ont évolué comme suit par rapport aux engagements bancaires: 24% en 2003, 18% en 2006, 15% en 2008 et 13% en 2010. En 2011, ce taux retrouve une courbe ascendante et atteint les 13,3%. Les décideurs de l’époque n’ont pas classé les 2,4 milliards de dinars des actifs accrochés du secteur touristique en vertu d’une circulaire promulguée par la Banque centrale. La prise en compte de ces montants porterait le niveau des actifs accrochés à 17-18%, mais on ne peut continuer à travestir la réalité sans enlever toute crédibilité aux données chiffrées.

Les difficultés vécues par d’autres entreprises publiques, outre celles du transport, ont vite fait de porter le niveau des créances accrochées à 20%, soit au niveau dans lequel était le pays il ya presque dix ans et plus exactement en 2005.

Messieurs dames les syndicalistes, politiciens (e), leaders de la société civile et businessmen et women des droits de l’Homme, la Tunisie, notre patrie, notre pays, a besoin de sauveurs, de défenseurs et de guerriers. Etes-vous prêts à mener la bataille de cette transition chèrement payée?