Tunisie : Les contrôleurs publics réclament plus d’indépendance

controleurs-independance-110912.jpgL’Association tunisienne des contrôleurs publics a organisé sa première conférence de presse, mercredi 11 septembre 2012. Créée en août 2011, cette nouvelle association rassemble 115 contrôleurs publics, travaillant au sein des trois instances de contrôle public relevant du Premier ministère (services publics), du ministère des Finances et du ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières.

La mission des contrôleurs publics se trouve actuellement au cœur du débat public, au cours de cette période de transition démocratique. Ce n’est autre que la lutte contre la corruption, ce mal qui a gangréné le pays des décennies durant et qui continue encore, puisqu’il a été prouvé dans tous les pays ayant connu des révolutions similaires à la nôtre que la corruption se maintient et s’accentue durant la période-post révolution. Ce que confirme Lotfi Dridi, membre de l’Association tunisienne des contrôleurs publics, en disant que ces derniers devraient être plus attentifs, dans cette période, et mettre à jour de façon systématique leurs capacités.

D’où l’un des objectifs de cette nouvelle association, à savoir celui d’organiser des sessions de formation, faute d’actions similaires au sein de leurs départements respectifs. «Cette association se charge de la formation. Nous voulons des contrôleurs publics plus efficaces et plus indépendants», affirme M. Dridi.

Programme de formation…

C’est dans cette optique que l’association a tenu cette conférence de presse afin de présenter un premier programme de partenariat avec l’Arab Partnership Programme Fund, relevant du ministère des Affaires britanniques. Son objectif est d’appuyer la réforme en Tunisie et de développer les capacités des contrôleurs publics.

Pour ce faire, plusieurs ateliers de travail seront organisés concernant l’évaluation des programmes et des politiques publics, les moyens et techniques de détection de la corruption, l’audit interne, la gestion du risque dans les entreprises publiques.

On prévoit également la réalisation d’un code d’éthique pour les contrôleurs publics mais aussi un guide des bonnes pratiques. Une conférence traitera de l’audit des marchés publics ainsi que des séminaires sur la coopération entre les établissements de contrôle public, le rôle de la société civile dans la lutte contre la corruption. Deux ateliers de travail traiteront de la neutralité de la fonction d’audit et le suivi du parlement des rapports des organes de contrôle et sa contribution dans la conception des recommandations.

Un programme bien chargé qui s’étendra sur six mois durant, mais qu’on estime nécessaire pour développer les capacités des contrôleurs publics, vu la mission cruciale dont ils sont chargés. «Notre intervention est horizontale à tous les niveaux. Notre champ d’intervention est très large, dans toutes les administrations publiques, les entreprises publiques, les entreprises confisquées et même les associations qui bénéficient d’une aide publique», indique Mme Samiha Slimani, présidente par intérim de l’Association.

Force de proposition…

L’un des objectifs de l’ATCP est aussi d’appuyer l’indépendance de l’activité du contrôle, selon les standards internationaux. Elle vise également à être une force de proposition, selon M. Dridi. Plusieurs lacunes entravent la mission du contrôle public, notamment au niveau de la fixation des missions, le travail sur terrain et le traitement des résultats des missions.

Les contrôleurs publics aspirent à unifier dans un seul organisme les trois établissements de contrôle afin de coordonner entre les équipes de contrôle et mieux gérer les missions. On compte rendre les rapports de mission publique, selon les standards internationaux, et à l’instar de ce qui se passe dans les pays européens comme la Grande-Bretagne. Jusque-là, le statut des contrôleurs publics leur interdit de divulguer le contenu de leur mission ou de publier les rapports.

On affirme qu’un projet a été soumis au gouvernement afin de réviser les textes réglementaires, réformer le métier de contrôleur public en lui octroyant plus d’indépendance et aussi plus d’initiative dans le traitement des dossiers.

Un membre de l’association nous affirme que le contrôleur public est tenu de donner des propositions de réforme des lois en vigueur. «Ces lois ne devraient pas être figées. Nous avons aussi le devoir de proposer des améliorations et des réformes et non pas seulement de détecter les anomalies», affirme-t-il.

Cependant, une question demeure: «qui contrôle les contrôleurs publics?». «Nous sommes contrôlés par ceux qu’on audite», a répondu M. Dridi. «Ils ont le droit de réponse, qui est d’ailleurs indiqué dans le rapport que nous publions», ajoute-t-il.

On nous indique que le rapport du comité de lutte contre la corruption s’est basé à 80% sur des rapports de contrôleurs publics. D’autres rapports ont été soumis directement à la justice. Ce qui montre la tâche colossale à laquelle s’attèlent ceux-là, surtout que durant l’ancien régime, plusieurs rapports ont été «casés», et n’ont jamais vu le jour.