Tunisie – Violence salafiste : La passivité de la police et de la justice inquiète des observateurs étrangers


sala-28082201452214.jpgDu
temps de Ben Ali, le traitement sécuritaire et judiciaire de problèmes liés aux
libertés et à la précarité sociale était érigé en système -système du reste
condamné unanimement à l’époque par les institutions internationales des Droits
de l’homme, au point que la Tunisie était citée parmi les pays les plus
totalitaires de la planète.

Cependant, après la révolution, les Tunisiens, qui ont cru que ces pratiques
étaient révolues, ne font que constater, au fil des jours, qu’elles persistent
et perdurent. Elles ont même tendance à s’intensifier avec les nahdhaouis au
pouvoir, au point d’attirer l’attention d’observateurs et de partenaires
étrangers.

Gros plan sur la résurgence d’une dérive totalitaire.

Aujourd’hui comme hier, la police et la justice, toujours au service du pouvoir,
n’interviennent qu’«à la carte» et à la demande de leurs supérieurs nahdhaouis
–pour le cas actuellement- lesquels pratiquent la politique des deux poids deux
mesures: laxisme total à l’endroit de «salafistes IBM» (imbéciles, bêtes et
méchants, les nouveaux Trabelsi et Materi en quelque sorte), et zéro tolérance
vis-à-vis des représentants pacifiques de la société civile (journalistes,
femmes, syndicalistes, manifestants, militants des droits de l’homme…).

Conséquence: les salafistes, qui ont eu le temps matériel de se restructurer et
de s’organiser en «véritable police religieuse», terrorisent la population,
organisent des expéditions punitives (cas des poursuites dans les régions de
Bizerte et de Sidi Bouzid) et obligent les fidèles à prier sur les places
publiques pour afficher de manière ostentatoire et provocatrice leur présence.
Le tout devant une police indifférente et une justice passive.

Encouragés par cette couverture, les salafistes sont passés à la vitesse
supérieure et commencent à émettre des fatwas (condamnation) à l’encontre de
Tunisiens qui ne jeûnent pas (cas du Bouzidi Houcine Mohamed Zaafouri,
actuellement dans un état comateux après avoir reçu plusieurs coups de couteaux
d’un salafiste) et à l’endroit de journalistes (cas de Soufiane Ben Farhat).

La justice est également trop clémente avec les salafistes. Elle vient de
libérer un salafiste-jihadiste arrêté à Tunis, il y a un peu plus d’une semaine
en possession d’un guide vulgarisant les techniques guerrières (art d’égorger un
être humain, de concocter des explosions et de commettre des
attentats-suicide….). A Bizerte, la justice a remis en liberté les salafistes
arrêtés pour avoir agressé, le soir du 16 août, les organisateurs du Festival
d’Al Aqsa. Et la liste est loin d’être finie.

Quant aux sit-inneurs, manifestants, coupeurs de routes et autres protestataires
pour des raisons socioéconomiques (chômage, iniquité des chances…) sont arrêtés,
torturés et mis en prison, avec grande célérité, voire parfois avec grand zèle.
C’est le cas des syndicalistes de l’hôpital Hédi Chaker à Sfax, des manifestants
bouzidis et de Thyna à Sfax, et des deux chômeurs de Makhtar arrêtés suite à un
différend avec le délégué de cette zone.

Ces indignés arrêtés auraient pu passer de plus longues périodes en prison n’eût
été la pression de la centrale syndicale, l’Union générale du travail tunisien (UGTT)
et de la société civile.

Ahmed Chefai, syndicaliste de Siliana, explique bien cette tendance. Il soutient
qu’«en l’absence d’indépendance de la justice, les indignés et les opprimés ne
trouvent que dans l’UGTT le moyen de se faire entendre et d’attirer l’attention
de la communauté nationale sur leur misère socioéconomique».

Pour ceux qui ne peuvent pas se faire aider par l’UGTT, ils sont donnés en
pâture «aux hordes salafistes». C’est le cas du Franco-tunisien Jamel Gharbi,
l’élu PS au Conseil régional des Pays-de-la-Loire en France qui a été lynché
sauvagement par une horde de salafistes alors qu’il passait ses vacances à
Bizerte en compagnie de sa femme et de sa fille.

Hyper-médiatisée en France, cette agression, qui a été condamnée unanimement par
la classe politique française –et au-delà-, risque de porter des coups durs au
tourisme tunisien et de faire perdre à la Tunisie et à ses malheureux
contribuables les millions d’euros dépensés, en ces temps difficiles, pour
courtiser, pendant des mois et des mois, les touristes français.

Ce qui est plus grave dans cette affaire, c’est le mutisme du ministère de
l’Intérieur sur cette agression et la réaction tardive du gouvernement tunisien.
Le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, Touhami Abdouli, n’a été chargé
par le chef du gouvernement Hamadi Jebali pour présenter des excuses à Jamel
Gharbi que le 24 de ce mois, c’est-à-dire, huit jours après la date de
l’agression (16 août).

Cette affaire risque d’avoir des suites graves sur les relations tuniso-françaises
et de pousser le gouvernement français à hausser le ton d’autant plus que sa
protestation par la voix de son ministre des Affaires étrangères a été qualifiée
par la presse française de «mollassonne protestation de forme».

Tout indique que la répression des indignés en Tunisie et la passivité de la
police et de la justice face au phénomène salafiste commence à
s’internationaliser et à intéresser les observateurs internationaux.

En témoigne la visite que vient d’effectuer à Sidi Bouzid (22 août), une
délégation du Haut commissariat des Nations unies pour les Droits de l’homme aux
fins de prendre, certes, connaissance des préoccupations des habitants de la
région, mais aussi des conséquences des récentes arrestations d’indignés, suite
aux derniers mouvements de protestation.

Selon l’agence TAP, «les personnes arrêtées ont fait part, au cours de leur
rencontre avec la délégation onusienne, des violences qu’ils ont subies,
relevant que leur arrestation est injustifiée puisqu’ils participaient à des
manifestations pacifiques. Ils ont aussi critiqué le non respect de la loi au
cours de leur période de détention qui a duré six jours». Et l’agence d’ajouter:
«Les membres de la délégation onusienne ont rencontré des militants politiques
et des représentants de la société civile qui les ont informés de la situation
générale dans la région et évoqué les principaux problèmes socioéconomiques,
notamment le chômage et la pauvreté».

Moralité: la révolution du jasmin n’a plus bonne presse à l’international et
commence à avoir des relents totalitaires.