La Tunisie face à L’épidémie de la nonchalance : “Les entreprises paient des heures de présence et non de travail”

Par : TAP

dormir-travail-220.jpgL’industrie manufacturière en Tunisie, souffre une année et demi après le déclenchement de la révolution tunisienne, d’une nonchalance du personnel dans les entreprises mais aussi des agents de l‘administration publique, selon les témoignages recueillis par la TAP, auprès de plusieurs hommes d’affaires. Les conséquences de cette attitude sont très graves, d’après eux, sur la productivité et la pérennité des entreprises.

“Cette nonchalance du personnel au sein de l’entreprise, est apparue après la chute de l’ancien régime, au moment ou le pays a connu un désordre économique, social et politique. Elle n’a cessé de s’accentuer, depuis”, a affirmé Belhassen Gherab, président de la Fédération Nationale du textile (FENATEX).

“Cet été, l’activité des usines de textile, connaît un déclin exceptionnel, surtout au cours de cette période de l’année, qui coïncide avec le mois de Ramadan”. Les dernières statistiques font ressortir d’après lui, un taux d’absentéisme dans la quasi-totalité des entreprises tunisiennes, lequel a atteint, ces derniers mois, des niveaux records, allant de 15% à 20%.

«En temps normal, le taux d’absentéisme dans les entreprises tunisiennes est de l’ordre de 10%, soit le double de celui de la France, déjà bien élevé par rapport à la moyenne européenne.» “Ceci se traduit, par des journées de travail perdues, au grand dam des entreprises, qui n’arrivent pas à compenser, ce qui compromet même, les relations commerciales établies depuis des décennies, au prix d’efforts et de sacrifice énormes”, s’est-t-il lamenté.

 “Les entreprises paient des heures de présence et non de travail”  “Avec les pertes que supportent plusieurs entreprises économiques, je peux affirmer que réellement, les entreprise sont en train de payer des heures de présence et non des heures de travail” a avancé M. Gherab.

Pour Béchir Boujday, président de la Fédération Nationale de la Mécanique (FNM), les industriels sont plutôt soucieux, en cette période, du volume de la production que de la productivité.

Boujday comme d’autres responsables et chefs d’entreprises préfère le contrôle, de loin, de son usine, soit après la sortie des ouvriers. Car “l’application de la loi devient de plus en plus compliquée. Nous avons peur de l’agitation sociale qui peut paralyser l’activité de l’entreprise”.

De son côté, Nafâa Ennaifer, Directeur Général d’un groupe de textile intégré a fait remarquer que “les entreprises économiques sont aussi, victimes de la lourdeur et de la mauvaise qualité des services présentés par l’administration tunisienne, qui demeure un partenaire et un maillon incontournables de la chaîne économique”.
“Les plaintes exprimées, ces derniers mois, par les entreprises qui ont perdu leurs commandes, à cause de la lenteur des formalités administratives, se multiplient”, a affirmé M.Ennaifer.

M. Mohamed Zouhair Hamdi, chef de cabinet du ministre chargé de la réforme administrative, n’a pas nié les maux attribués à l’administration tunisienne, admettant que “le désordre est devenu courant après la révolution au sein de l’administration, où un nouveau comportement de révoltés régne”.

Néanmoins, a-t-il relevé “l’été et le mois de Ramadan, compte tenu de leurs spécificités (période estivale et mois du jeûne) ont habituellement, un impact négatif sur le rendement de l’agent économique”.

Il reconnaît, par ailleurs, que “l’accroissement du phénomène de l’absentéisme au sein de l’administration tunisienne est devenue une réalité, après la révolution. Il y a, même, des structures, où les taux d’absentéisme avoisinent 65%, surtout dans les municipalités».

Ce phénomène est imputé, selon M.Hamdi, à l’absence du pouvoir de sanction dans l’administration et à l’instabilité politique, sociale et économique qui persiste. Pourtant l’absentéisme est “en train de régresser ces derniers mois et de devenir moins inquiétant, vu l’intensification des opérations d’inspection dans les différentes structures publiques”.

“Trouver un équilibre entre sanction et motivation”

 “Pour faire face à tout conflit entre le responsable et l’agent, il est important de trouver un équilibre entre l’application de la loi et la motivation des agents. Ceci peut être réalisé en procédant à une approche participative qui associe le personnel aux actions de l’administration », a recommandé M. Hamdi.

“Des réformes à l’horizon pour stimuler la productivité” 

Parmi les projets urgents à réaliser cette année, M. Hamdi a cité, un projet de mise en place d’une “guillotine réglementaire”. Il s’agit d’une réforme se basant sur l’assainissement du système législatif et administratif, la supression de certaines mesures administratives, l’amélioration du climat des affaires, l’amendement de la loi nationale de la fonction publique et la révision du système d’incitation à la productivité.

Il est également, question de réforme des horaires administratifs, en adoptant un régime de 5 jours par semaine et prolongeant la période de repos hebdomadaire (deux jours), pour que l’administration soit un instrument efficace, au service de la croissance économique et sociale.»

L’horaire estival (séance unique), constitue une entrave pour 61% de chefs d’entreprises, selon une enquête menée par le premier ministère, en Février 2012, sur l’horaire administratif.

Pour surmonter ce problème, il a été proposé selon Mme Fathia Charni Brini, chef du bureau des simplifications des méthodes et procédures administratives (Premier Ministère), ” d’assouplir les horaires d’été, en assurant des séances de permanence qui garantissent la continuité du service administratif, au cours de la saison estivale”.

Les réformes envisagées, seront-elles suffisantes pour stimuler la productivité et pourraient-elles changer les comportements des employés ?. Les chefs d’entreprises s’interrogent sur la manière dont le gouvernement va procéder pour stimuler la croissance, l’investissement et créer des emplois, au moment où selon eux « l’industrie manufacturière, catalyseur de l’économie tunisienne, pâtit d’un blocage sur le plan social».

WMC / TAP