Transition démocratique en Tunisie : Le mea culpa américain?!

william-taylor-usa-1.jpgL’ambassadeur américain, William B. Taylor, a été nommé coordinateur spécial pour la transition au Moyen-Orient, par Mme Hillary Clinton, chef de la diplomatie américaine, «très intéressée» par le Printemps arabe, et spécifiquement par la Tunisie. Lors d’une rencontre avec des journalistes, vendredi 14 octobre, à l’ambassade des USA à Tunis, il a, comme tous les –nombreux- visiteurs officiels qui l’ont précédé, témoigné de son admiration de la situation tunisienne.

Son rôle concrètement? «Soutenir le peuple tunisien et être à ses côtés» dans «cette transition historique, suivie par le monde entier». Chargé de coordonner et de superviser toutes les intentions américaines dans la région pour accompagner la transition démocratique et pour appuyer le développement économique, et donc en Tunisie, sa visite, avec trois autres collègues de Washington, l’a amené jusqu’à Kairouan, et lui a permis de rencontrer des personnes «témoins de la révolution, des représentants de différents partis politiques, et de la société civile».

Son ressenti? «Très heureux de partager cette période extrêmement importante et de pouvoir observer ces élections historiques». Il se dit agréablement surpris de ne pas avoir constaté de positionnements extrêmes en Tunisie: «Les personnes avec qui j’ai discuté se sont montrées tolérantes, ouvertes et modérées. De même pour les partis de tous horizons, j’ai été impressionné par la sincérité de leurs représentants, qu’ils soient islamistes ou autres. Le fait qu’il existe 110 partis en Tunisie montre qu’il y a de nombreux points de vue et opinions». Pour lui, des élections libres prouveraient que les «Tunisiens forment un peuple ouvert qui mérite ce changement».

Son regard sur le processus en cours? Même si le processus n’en est qu’à ses débuts et que «beaucoup de choses restent à faire», «la Tunisie semble avoir le potentiel pour mener à bien cette transition, et devenir, de ce fait, un modèle pour les autres pays ayant entamé ce cheminement». Jusque-là, il se dit impressionné par la façon dont la préparation des élections a été réalisée. La date du 23 octobre, et le bon déroulement des élections seront le sceau de confirmation de cette réussite. Dans ce sens, l’invitation du Premier ministre du gouvernement de transition, Béji Caïd Essebsi, la semaine dernière au pays de l’Oncle Sam, représente une reconnaissance par l’administration américaine des avancées permettant aux Tunisiens d’atteindre cette étape du processus de transition démocratique. Le soutien américain ira de la même façon au futur gouvernement désigné par la Constituante, et se poursuivra donc après les élections, et ce quels que soient les partis qui seront représentés, nous assure-t-il.

Mais de quel soutien parle-t-on? M. Taylor a énuméré les différents axes annoncés par le président Obama pour soutenir fermement le peuple tunisien. Rappelons-les brièvement:

– le retour des bénévoles du Corps de la Paix, dès 2012;

– l’entrée de la Tunisie dans la Société du compte du millénaire (MICC, pour les initiés) ou Fondation du défi du millénaire;

– des garanties de prêt du gouvernement américain pour l’Etat tunisien, à hauteur de 30 millions de dollars (le représentant des Etats-Unis a d’ailleurs mis en parallèle les difficultés budgétaires des deux pays en termes de dette!);

– la création d’un fonds d’entreprise doté de 20 millions de dollars…

Ces deux derniers points étant dans l’attente de l’accord du Congrès, mais de l’ordre de l’acquis dans un mois et demi, selon le coordinateur. Bien sûr, d’autres programmes (commerciaux, etc.) sont en cours actuellement pour le détail voir le document exhaustif du Bureau des programmes d’information internationale du département d’Etat.

D’autre part, 130 observateurs scruteront le déroulement des élections, dans différents bureaux de vote, et seront, à l’instar des autres envoyés, le gage d’élections libres et transparentes.

Une face cachée? De l’ingérence? Non, les USA ont appris de leurs erreurs

Voilà pour la forme de ce soutien au processus de transition démocratique. Analysons maintenant l’ancrage de cette énième visite américaine en Tunisie, et ce qu’elle représente.

Cet éminent serviteur de l’administration américaine au Moyen-Orient semble déterminé à donner à la présence américaine un rôle de soutien et d’observation, en «laissant au peuple tunisien le soin de tracer son propre avenir». «Pas d’ingérence dissimulée?», questionne une journaliste en formulant ainsi les pensées de tous les Tunisiens présents. Mister Taylor est catégorique: «Le travail américain mené en Irak, en Afghanistan, à Jérusalem (etc.) a été compliqué. Nous avons fait des erreurs qui nous ont fait apprendre des choses». Dans un aveu à l’américaine, il reconnaît même que «tout n’a pas été parfait». L’essentiel c’est que maintenant, une des plus grandes puissances au monde a compris qu’il est important pour une nation de «prendre ses propres décisions et de faire ses choix».

D’ailleurs, le représentant, soutenu par l’ambassadeur Gordon Gray, n’aura de cesse de nous rassurer sur le fait que les USA ne s’immisceront pas dans les affaires intérieures du pays: «Nous soutenons le processus qui va mener à des élections libres et transparentes, sans aucune interférence. C’est la décision des Tunisiens que de choisir leurs dirigeants, ce n’est pas notre affaire». Il explique même que peu importe les partis et coalitions qui se formeront, s’il n’y a ni violence ni corruption et si les élections sont libres et transparentes, les Etats-Unis travailleront de bon cœur avec la Constituante issue du scrutin.

«Des élections libres sont importantes tant pour l’intérêt de la Tunisie que pour celui des USA». Cet énoncé résume implicitement la nouvelle vision affichée par cette nation partie prenante du jeu planétaire: laisser faire le Printemps arabe, et voir si l’été lui succèdera.