IDE : Les investisseurs saoudiens boudent-ils le site Tunisie?

L’indice: le conseil d’administration de la banque universelle tuniso-saoudienne, la STUSID BANK (ex Société tuniso-saoudienne d’investissement et de développement), vient de tenir récemment sa première réunion au titre de l’année 2011 sans approuver aucun dossier, c’est-à-dire aucun nouvel investissement d’envergure.

Il s’agirait d’une première dans l’histoire de cette ex-banque de développement qui avait financé par le passé de prestigieux projets tels que la centrale laitière Laino, l’exploitation agricole intégrée El Marja (Boussalem), la création d’une zone touristique intégrée à Tabarka, outre le cofinancement d’une cinquantaine d’hôtels dont l’ex-Abou Nawas Tunis (actuel Laico).

Certains seraient, déjà, tentés de voir dans cette décision une tendance des partenaires saoudiens à bouder le site Tunisie, et, partant, à ne plus y investir.

Pourtant, à regarder de près l’évolution, ces dernières années, de la STUSID, cette thèse ne tiendrait pas debout. Tout observateur honnête se rendra compte, après une évaluation objective, que cet établissement souffrait probablement de problèmes de management.

Discrets, les Saoudiens, en bons gestionnaires soucieux de la rentabilité de la banque, se seraient aperçus de beaucoup d’abus et n’ont plus, apparemment, confiance, surtout, dans les PDG qui se sont relayés à la tête de cette institution. D’où probablement leur décision de n’approuver aucun dossier.

Pour comprendre cette situation, il faut rappeler que, jusqu’en 1987, c’était le conseil d’administration, présidé alors par le Saoudien feu Dr. Mahsoun Jalal qui assurait le contrôle de la situation financière de la société (sécurité et rentabilité des investissements) et qui veillait aux intérêts des parties concernées (équipe dirigeante, actionnaires, salariés, fournisseurs). A la faveur de cette gouvernance, la STUSID, 2ème investisseur dans l’agriculture après la Banque nationale agricole (BNA) jusqu’en 1987, a créé 30.000 emplois directs en Tunisie et contribué, entre autres, à la promotion du tourisme saharien.

Mais depuis, les choses ont changé. La Banque centrale de Tunisie (BCT) a commencé à nommer à la tête de cette institution des PDG pour leur majorité à la solde des proches du président déchu. Les choses se sont accélérées, depuis l’an 2007. Des crédits séraient accordés soit sans garantie soit à des conditions fort avantageuses (TMM+1) alors que normalement ce taux serait de l’ordre de TMM+3 à +5. Les PDG auraient fait fi des recommandations et avis des comités de crédit de la STUSID.

Parmi les personnes qui ont bénéficié de ces «imprudences» dans la gestion, le secrétaire particulier du président déchu et son fils (1,5 MDT), un ministre conseiller de la présidence de la République et son fils, des proches de l’ancien président,… Un chocolatier aurait mêmE obtenu un crédit de 7 MDT environ sans autofinancement.

Les problèmes de gestion ne toucherait pas uniquement l’octroi des crédits mais également la gestion du personnel. Un des ex-PDG s’était permis le luxe de faire le vide autour de lui et de s’entourer de directeurs et secrétaires totalement à sa solde et grassement payés pour pouvoir faire ainsi ce qu’il voulait.

Ce même PDG, qui soit dit en passant, a recruté, en un temps record et alors qu’il était sur le départ de la banque, une cinquantaine de personnes toutes originaires de son village natal. Sur ce total, sa secrétaire en a embauché une bonne quinzaine. Mieux, pour garantir à ces nouveaux employés la titularisation et la pérennité de l’emploi, il a créé, à proximité de son village, trois agences. Aucune agence de la STUSID n’a été créée à l’ouest du pays.

Selon nos informations, la direction générale procédait fréquemment à des reprises sur provisions sur créances douteuses pour les convertir en bénéfices factices, et montrer ainsi fictivement l’essor de la banque.

Par-delà ces faits vérifiables, l’enseignement à tirer pour que ce type de dérapages ne se répète plus est de réformer la gouvernance des banques et opter pour celle des conseils d’administration (qui joueraient réellement leur rôle), qui serait la plus efficiente jusque-là.