Tunisie : D’où vient ta fortune?

Oui, le jour est venu pour justifier ses biens «d’où te vient ta fortune?»
Beaucoup doivent répondre à cette question et justifier par des preuves
l’origine de leurs biens. Parmi ces pièces, la DUR (déclaration unique des
revenus) que chaque citoyen est tenu de présenter au fisc une fois par an. Les
honnêtes citoyens qui n’ont rien à cacher et qui ont déclaré leurs revenus, tous
leurs revenus et ont ainsi fait un acte citoyen en payant leurs impôts, peuvent
aujourd’hui exprimer un ouf de soulagement. Qui a dit que l’honnêteté ne paie
pas!

Mais revenons à notre sujet principal.

Je ne demande pas qu’on dresse un tribunal dans chaque place mais simplement
l’application d’une disposition qui a certes été initiée du temps de l’ancien
président BOURGUIBA et que le régime qui a suivi présentait comme un épouvantail
pour faire peur aux honnêtes Tunisiens tout en la présentant comme un indicateur
de bonne gouvernance pour l’étranger.

En effet, la loi 87-17 du 10 avril 1987 relative à la déclaration sur l’honneur
des biens des membres du gouvernement et de certaines catégories d’agents
publics, oblige certaines catégories de fonctionnaires a déclarer leurs biens et
ceux de leur épouse et de leurs enfants mineurs à la Cour des comptes.

Ces personnes sont les suivantes:

– les membres du gouvernement,

– les PDG des entreprises mères et des entreprises publiques filiales,

– les membres des cabinets ministériels,

– les secrétaires généraux des ministères,

– les directeurs généraux et directeurs des administrations centrales,

– les consuls généraux,

– les consuls,

– les premiers délégués,

– les secrétaires généraux des gouvernorats,

– les directeurs généraux, directeurs généraux adjoints et directeurs des
entreprises mères et entreprises filiales,

– les agents de l’administration du commerce,

– les agents de l’administration fiscale…

Cela fait beaucoup de monde.

Ce document «DECLARATION SUR L’HONNEUR DES BIENS» est un document de 20 pages
que les personnes indiquées plus haut doivent remplir et y indiquer pour
eux-mêmes, leur épouse et leurs enfants mineurs les biens (terrains maisons,
immeubles avec leur adresse, leur valeur ainsi que les voitures, les valeurs
mobilières et participations qu’ils possèdent dans les sociétés et même le
cheptel en plus des comptes bancaires).

On peut commencer par les ministres, secrétaires d’Etat et directeurs généraux
et PDG qui viennent d’être relevés de leurs fonctions. La loi les oblige à
déclarer leurs biens quand ils quittent leurs fonctions en justifiant, par des
preuves, l’origine des fonds qui ont servi aux acquisitions de biens durant
leurs mandats.

On peut penser que certains de ces responsables qui ont profité des largesses de
l’ancien régime, qui un lot de terrain, qui une ferme, qui la gestion d’une
affaires par sa femme ou un parent, biens qui n’ont jamais été déclarés, car ne
pouvant être justifiés par les revenus réels et déclarés au fisc.

Bien sur, la loi protège les fonctionnaires, puisqu’il est interdit de divulguer
ces informations sauf dans le cadre d’une enquête judiciaire.

La loi est claire: si une personne ne remplit pas cette déclaration lorsqu’elle
quitte ses fonctions, la loi précitée impose que sa gestion soit analysée et
pour les années de fonction, ce qui donne des moyens à nos magistrats pour
poursuivre leur œuvre de salubrité publique.

Les juges peuvent donc demander la présentation de ces déclarations à la Cour
des comptes en cas de suspicion légitime et peuvent ainsi trouver et prouver
plus facilement les détournements de fonds, les commissions occultes et les
dessous de tables s’ils existent.

Laissons la justice faire son travail et la Commission supérieure nationale
d’établissement des faits sur les affaires de malversations et de corruption
faire aussi le sien. Les Tunisiens sont appelés à les aider, chacun de son poste
et par sa connaissance des rouages de l’administration et du fonctionnement des
entreprises, mais aussi par les faits ou dossiers dont ils ont eu connaissance
durant leur vie professionnelle.

Un point important me semble important à relever, c’est le secret professionnel
auquel sont soumis les fonctionnaires: les membres de certaines commissions
nationales: Commission supérieure des marchés, Commission supérieure de la
privatisation ainsi que tout fonctionnaire et tout employé des secteurs privés.
Obligation qu’on trouve dans le code de travail et tous les statuts et les
conventions collectives et dont la divulgation en dehors des cas prévus par la
loi est réprimée par la législation tunisienne.

Les directeurs généraux de ces commissions supérieures, PDG de banques, employés
de la Bourse, du CMF, des intermédiaires en Bourse, de la conservation foncière,
des ministères de l’Agriculture, du Tourisme, des Transports et autres employés
ou fonctionnaires qui peuvent posséder des informations de premier plan pour
aider à un retour rapide et légal des biens de la Tunisie spoliés par les
pilleurs risquent de soulever ce point. La Commission qui pourra les appeler à
en témoigner doit avoir les moyens de les obliger à divulguer les informations
en leur possession et sanctionner par une autorisation de la loi tous ceux qui
refusent de comparaître.

Certains Tunisiens pourraient hésiter à se présenter spontanément devant cette
commission pour aider à un avancement rapide de ses travaux s’ils n’ont pas de
garanties qu’ils ne seront pas poursuivis pour divulgation de secrets
professionnels.

La Commission devrait avoir des garanties de par la loi de pouvoir appeler qui
elle veut, nouveaux ou anciens responsable avec obligation de se présenter
devant elle et de répondre aux questions avec une sanction pénale en l’absence
de refus de présentation ou de réponse ou mensonge. Sans toutes ces garanties,
cette commission risque de ne pas aller très loin. Cette commission n’est pas
une instance judiciaire, mais les preuves qu’elle va collecter puis les
présenter à une instance judiciaire pour que cette dernière engage les
poursuites judiciaires et décide des sanctions et surtout du retour des biens
publics spoliés et détournés et qui appartiennent à la Tunisie.

Personne ne peut aujourd’hui rester à la lisière de l’histoire. Nos jeunes ont
commencé le mouvement, et c’est à nous les aînés de poursuivre cette action
d’assainissement de notre pays et de notre économie. C’est la moindre des choses
que nous devons aux martyrs, à nous-mêmes et à nos enfants.

J’appelle tous ceux qui possèdent des informations, des documents relatifs à des
opérations illégales de transmission de biens publics à des intérêts privés dans
des conditions douteuses de se faire connaître à la Commission et de déclarer ce
qu’ils savent et de présenter les documents en leur possession ou auxquels ils
ont eu accès dans le cadre de leur travail, le tout dans le respect de la loi et
des pouvoirs que la loi va donner à cette commission.