Grand emprunt : le gouvernement veut faire appel aux marchés pour limiter le coût

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à l’Assemblée Nationale (Photo : Bertrand Guay)

[29/10/2009 16:50:32] PARIS (AFP) Le ministre du Budget, Eric Woerth, a laissé entendre jeudi que le grand emprunt pourrait être lancé auprès des marchés et non des particuliers, option moins coûteuse mais symboliquement moins forte.

“On ne va pas pour le plaisir augmenter le prix de l’emprunt”, a tranché M. Woerth.

Lorsqu’il avait annoncé cet “emprunt national”, le président Nicolas Sarkozy avait indiqué qu’il serait lancé en 2010 “soit auprès des Français soit auprès des marchés financiers”, sans plus de précision.

Mais dès la fin août, lors de l’installation de la commission confiée à Alain Juppé et Michel Rocard pour définir les “priorités stratégiques” de l’emprunt, le chef de l’Etat avait affirmé: “Nous prendrons (…) la solution la plus efficace et la moins coûteuse”.

Pour le ministre du Budget, comme pour de nombreux parlementaires soucieux de ne pas alourdir davantage la dette de la France qui a explosé sous l’effet de la crise économique et du plan de relance, la solution “la moins coûteuse”, c’est de faire appel aux marchés financiers pour souscrire à cet emprunt.

“Actuellement, sur les marchés, l’Etat emprunte sur deux ans avec un taux d’intérêt de 1,38%, sur cinq ans à un taux de 2,60%, sur dix ans à 3,60% et sur trente ans à 4,25%”, souligne un spécialiste des emprunts sur les marchés interrogé par l’AFP.

A titre de comparaison, le dernier grand emprunt lancé récemment auprès des particuliers par EDF sur cinq ans s’est fait avec une rémunération de 4,5%.

“Ca veut dire que, quelle que soit la durée de l’emprunt qui sera lancé et son montant, l’Etat français empruntera à un niveau inférieur” à celui d’une grande société cotée comme EDF, relève ce spécialiste, qui a souhaité rester anonyme.

Principale raison: l’Etat français bénéficie auprès des investisseurs de la meilleure “signature possible”, c’est-à-dire que sa très grande solvabilité lui permet d’avoir un “triple A” dans les agences de notation.

L’autre raison est que lorsqu’il émet des obligations sur les marchés financiers, l’Etat ne verse aucune commission aux banques d’investissement qui lui servent d’intermédiaires.

A l’inverse, s’il décidait d’ouvrir son “grand emprunt” au public, l’Etat devrait passer par l’intermédiaire des grandes banques de réseaux pour le distribuer auprès des particuliers. “Ces banques prélèvent en général de 1 à 2% de commission, un coût qui s’ajoute aux intérêts que l’emprunteur paye”, explique ce spécialiste.

Et si l’Etat voulait proposer son emprunt aux particuliers à un taux proche de celui des marchés, il est peu probable que l’opération rencontre beaucoup de succès car d’autres produits financiers proposent des taux de rémunération beaucoup plus attractifs (assurance vie autour de 4% par exemple).

“Sachant que sur un emprunt d’Etat, on paye la CSG, la CRDS et le 1% pour le RSA, si l’Etat propose un taux de 2,5% sur cinq ans, il ne reste plus grand-chose…”, note ce spécialiste.

“Dans une logique plus politique, et pas seulement financière, il pourrait arriver qu’une partie de l’emprunt soit faite auprès du public, on n’en sait encore rien. Mais dans ce cas, la part proposée resterait marginale”, estime-t-il.

MM. Rocard et Juppé ont récemment évoqué des montants compris entre 20 et 40 milliards d’euros. Leur commission doit présenter à l’Elysée son rapport à la mi-novembre.