Carburants en Outre-mer : l’Autorité de la concurrence pointe des “dérives”

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écembre 2008 à Cayenne (Photo : Jody Amiet)

[29/06/2009 17:14:36] PARIS (AFP) Monopole d’approvisionnement trop favorable aux compagnies pétrolières, marges injustifiées: six mois après la grève qui a secoué les départements d’outre-mer (DOM), l’Autorité de la concurrence pointe des “effets pervers” et des “dérives” dans la fixation des prix des carburants.

Contrairement à ce qui se passe en métropole, où ils sont libres, les prix à la pompe sont fixés dans les DOM par le préfet qui établit mensuellement un plafond.

Or ce prix maximum est dans les faits devenu “un prix imposé” au consommateur, appliqué systématiquement par toutes les stations-service, déplore l’Autorité dans un avis publié lundi.

Un système qui engendre “des marges injustifiées” pour les groupes pétroliers, a estimé un expert proche du dossier.

Les marges de distribution entre l’arrivée du carburant au port et la pompe ont ainsi bondi de 77% entre 2001 et 2008 à La Réunion et de 44% à La Guadeloupe sur la même période, selon des chiffres de l’Autorité de la concurrence.

Le président de l’Union française des industries pétrolières (Ufip), Jean-Louis Schilansky, a indiqué qu'”il allait analyser l’avis avant de faire tout commentaire”.

Les trois DOM (Martinique, Guadeloupe, Guyane) sont approvisionnés en carburants par la Société anonyme de raffinerie des Antilles (SARA), filiale de Total qui exerce un monopole de fait.

Depuis sa fusion avec Fina et Elf, Total exploite également près de la moitié des stations-service des trois départements. Quatre autres groupes pétroliers Shell, Libyian Oil, Chevron-Texaco et le groupe énergétique Rubis sont également distributeurs.

Pour remédier à cette situation, le gendarme de la concurrence souhaite que les prix à la pompe soient fixés librement pour éviter la “dérive des marges de détail”, sauf en cas de crise où l’administration pourrait alors reprendre la main.

L’Autorité regrette aussi le fait que la régulation sur les prix d’importation des carburants soit “insuffisante”.

“Les compagnies pétrolières donnent un prix au préfet qui s’exécute. Il faut absolument que l’autorité administrative les contraigne à fixer un tarif basé sur les cours mondiaux”, a expliqué une autre source à l’AFP.

Fin mai, une mission parlementaire d?information sur les carburants dans les départements d?outre-mer avait déjà pointé du doigt l?opacité du système.

L’Autorité déplore également que les taxes sur les carburants soient trop faibles dans les DOM par rapport à la métropole.

“Les recettes manquantes sont compensées par la taxation d’autres produits, notamment des produits de consommation courante”, ce qui pénalise le consommateur, selon l’avis.

Interrogé par l’AFP, Elie Domota, porte-parole du LKP, le collectif à l’origine de la grève générale en Guadeloupe, “s”est félicité que l’administration reconnaisse enfin les abus des pétroliers”.

Il souhaite que “l’approvisionnement, la distribution et la fixation des prix soient faits par un service public avec des représentants des consommateurs”.

Le LKP demande aussi l’arrêt d’implantations de nouvelles stations-service en Guadeloupe. “Il y a une trop forte concurrence avec des pompes tous les deux kilomètres. Cela va conduire à des licenciements et à la mise en place de pompes automatiques. Nous nous y opposons fermement car un millier d’emplois sont menacés”, a-t-il expliqué.

La grève générale contre la vie chère avait commencé en Guadeloupe fin janvier, puis en Martinique début février, paralysant tous les secteurs pendant un mois et demi.