Selon la BSA, le piratage baisse en Tunisie. Faut-il s’en réjouir, quand on
	sait que même des multinationales ont aussi recours à des logiciels sans
	licence ? Les films DVD ? Hollywood était un nid de flibustiers !  
	La lutte contre les « méfaits » du piratage informatique est une nouvelle
	fois au devant de la scène. Des organismes comme la Business Software
	Alliance (BSA) diffusent ainsi régulièrement des rapports annuels mettant en
	avant les « pertes » en termes d’emploi causées par le piratage, ainsi que
	le manque à gagner « considérable » pour les entreprises du secteur. Et le
	dernier rapport 2008 de la BSA vient de sortir. Il nous apprend ainsi que le
	taux de piratage, en Tunisie, est passé à 73% en 2008 contre 76% en 2007.
	Selon les chiffres fournis, le piratage serait donc en baisse dans notre
	pays, et ce, pour la 5ème année consécutive. Mais… Faut-il pour autant s’en
	réjouir ? C’est que la BSA et ses rapports sont pour le moins controversés.
	En 2008, elle a annoncé que le piratage a occasionné une perte sèche de 250
	milliards de dollars pour l’économie américaine. Le célèbre journal en ligne
	(américain) Ars Technica (voir
	
	ici) relèvera, en octobre de la même année,
	que cette somme dépasse les recettes cumulées de l’industrie du cinéma, du
	jeu vidéo, et de la musique pour 2005. 
Chiffres fumeux
	
	Le journaliste a recherché la source de ces nombres « magiques », en
	frappant même à la porte du FBI, sans pouvoir remonter à leur source. Le
	secrétariat d’Etat au Commerce, le Congrès, bref personne n’a souhaité les
	reprendre à son compte ces chiffres pour le moins fumeux (voir Zataz.com
	
	ici). Et ce n’est pas la première fois que les chasseurs de pirates sont
	pris en défaut. En 2006, un institut pourtant dédié à la protection des
	droits d’auteurs démentira carrément les chiffres concernant l’Australie
	(voir
	
	ici), les considérant comme « invérifiables, et épistémologiquement
	pas fiables » ! En somme, l’action de la BSA s’inscrit plus dans le cadre
	d’une action de lobbying tous azimuts que dans celui d’une étude sérieuse.
	Et comme son nom l’indique, il s’agit donc avant tout de défendre les
	intérêts du Big Business du Software. 
	La plupart des Etats cloués au pilori, puisque désignés comme ceux qui font
	le moins usage de logiciels dument licenciés, sont des pays émergents. Et
	pour cause : les couts des licences et donc des droits d’exploitation de ces
	programmes informatiques trop souvent rédhibitoires, ne sont pas de nature à
	inverser la tendance. Il n’empêche. Quelques voix se sont élevées, notamment
	au Etats-Unis, du cœur même du système, pour remettre en question ces
	allégations que l’on voudrait nous imposer comme des vérités premières.
	TechRepublic.com, un portail dédié à la technologie a même relevé en 2005
	que même Microsoft utilise parfois des logiciels « sans licence » (voir
	
	ici). Faut-il alors encore jeter la pierre à nos micro-entreprises, nos
	jeunes diplômés, nos étudiants ? 
Aux origines de Hollywood
	
	Bien avant que nos petites boutiques de gravure CD en font leur beurre,
	d’autres intervenants autrement plus puissants ont déjà remporté le gros
	lot. Les bâtisseurs de l’industrie américaine du cinéma, les fondateurs même
	de Hollywood, ont sans doute été les premiers pirates audiovisuels de
	l’histoire. Si cette donnée est peu connue du grand public, elle n’en est
	pas moins avérée, et documentée. Ainsi, Thomas Edison détenait les droits
	exclusifs d’exploitation du cinématographe puisqu’il s’agit de son
	invention. Une position qu’il a renforcée en fondant la Motion Picture
	Patent Company basée sur ses brevets d’inventeurs. Une position dominante,
	et même monopolistique, à l’image de celle occupée aujourd’hui, par
	certaines multinationales de l’informatique. Sauf qu’Edison ne se contentait
	pas de diffuser des rapports. Il a même créé une filiale, la General Film
	Company, qui ne rechignait pas à utiliser les méthodes « frappantes » pour
	remettre les contrevenants dans le « droit chemin », celui qui lui rapporte
	des espèces sonnantes et trébuchantes. L’histoire est relatée en détails
	dans l’ouvrage « Free Culture » de Lawrence Lessig (disponible en
	téléchargement ici, lire un extrait en français
	
	ici). 
	Les plus rebelles des producteurs (pirates) du cinéma américain ont rejoint
	la Californie. Pour se tenir justement à l’abri du pouvoir d’Edison et de
	la… loi fédérale. Parmi eux, William Fox, père fondateur de la Fox Film plus
	connue aujourd’hui sous la dénomination Twentieth Century Fox. Hollywood
	serait ainsi à l’origine un nid de flibustiers malmenant allégrement la
	notion de propriété intellectuelle. Ironie du sort, la Fox se plaint au FBI
	quand l’un de ses films, (X-Men Origins : Wolverine) est disponible en
	téléchargement sur le web (et dans nos magasins) avant même sa sortie en
	salles aux Etats-Unis. Un remake de « L’arroseur arrosé » (un court-métrage
	des frères Lumière !), à retardement. 
	Au final, le système adopté nolens volens en Tunisie, est loin d’être
	mauvais. Si « on » est relativement strict quand il s’agit de protéger les
	œuvres tunisiennes, les autres peuvent passer sans vergogne à la moulinette
	de nos Galeries 7. Ces temples aussi postmodernes que tunisiens continueront
	donc de propager la bonne parole et les nouvelles technologies… à bon prix. 
 
		



