Investissements Emiratis : de la pure littérature ??


Par Oualid CHINE

Qui a dit que les
Emiratis ne s’intéressaient qu’aux projets immobiliers ? Les détracteurs de
nos frères du Golfe se plaisent à souligner leur manque d’intérêt pour les
choses de la culture et de l’esprit. Ils seraient les hérauts des valeurs
mercantiles, les caravaniers du monde moderne. Grave erreur. Un homme
d’affaires de Dubaï s’est tout récemment déclaré «à la recherche de pépites
d’or». Toujours ce goût du clinquant ? Non ! Ce sont des pépites littéraires
que recherche M. Omar Saif Ghobash. Et il en a trouvé dans le terroir
tunisien. Il s’agit d’un businessman atypique, dans le monde arabe, en tout
cas, puisqu’il a choisi de fonder une maison d’édition. Et le premier auteur
retenu par notre bibliophile émirati est un Tunisien, notre écrivain
Hassouna Mosbahi. Si la pierre reste une valeur sûre, le papier, ce n’est
pas mal non plus, semble nous dire M. Ghobash. C’est ainsi que notre
investisseur du troisième type a choisi de miser sur «Hikaya Tounsia». Un
roman qui se base sur une sombre histoire vraie. Celle d’un jeune homme qui
a assassiné sa propre mère. Parce que Omar Saif Ghobash, notre éditeur de 36
ans, a aussi choisi de lever «les tabous qui pèsent sur les lettres arabes».

 

Reste à savoir si
l’affaire sera rentable. Le roman tunisien choisi sera imprimé à 3.000
exemplaires. Sachant que les tirages n’excèdent le plus souvent pas les
1.000 exemplaires dans la région. Et les ambitions de notre éditeur ne
s’arrêtent pas là. Son objectif est de publier un roman par mois. Et quand,
dans notre région, de trop nombreux auteurs payent de leur poche pour être
publiés, notre Emirati lui, se propose même de les rémunérer correctement.
Avec un contrat en bonne et due forme à la clé.

 

Selon Omar, «un rapport
affirme que les Européens lisent pendant 36 heures alors que les Arabes ne
consacrent à la lecture que six minutes». Le rêve de Omar ? Doubler le temps
de lecture arabe, pour arriver à 12 minutes. Et les quelques lecteurs arabes
qui n’ont pas complètement disparu du paysage préfèrent lire des journaux et
des magazines, selon une enquête menée par la Fondation Next Page.

 

Pis : l’un des obstacles
à ce projet réside dans le nombre particulièrement faible des lecteurs
arabes. Un rapport des Nations unies qui a fait date, a d’ailleurs révélé,
que si les Arabes constituaient 5% de la population mondiale, leur
production livresque, elle, plafonne à 1%. Autant dire que le roman n’est
pas vraiment un produit très demandé sur le marché. Le rêve de Omar
serait-il complètement irréalisable ?

 

Toujours est-il que
l’initiative du jeune homme d’affaires émiratis a le mérite de faire
souffler un vent frais bienvenu dans un monde arabe trop souvent obnubilé
par l’immobilier. Comme quoi même chez nous les spéculations peuvent aussi
être intellectuelles. L’initiative de notre promoteur des romanciers ( !)
gagnerait à être suivie. Quant à voir un rush d’investissements du Golfe
directement injecté dans notre littérature, c’est encore (malheureusement)
de la science-fiction.