Ioukos : après la démission de son président, l’heure de vérité approche

 
 
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Le président du groupe pétrolier russe Ioukos, Steven Theede, le 31 mars 2006 à Vilnius

[20/07/2006 17:16:43] MOSCOU (AFP) L’Américain Steven Theede, qui dirigeait le groupe pétrolier russe Ioukos depuis 2003, a jeté l’éponge jeudi, en dénonçant la “farce” judiciaire autour de la compagnie, au bord de la faillite, et dont les concurrents convoitent ouvertement les derniers joyaux.

“Je ne peux plus rien faire qui puisse être profitable à la compagnie d’une manière ou d’une autre”, écrit M. Theede dans une lettre aux membres du conseil d’administration de Ioukos datée du 19 juillet et rendue publique jeudi.

Cette démission est intervenue le jour même où l’administrateur judiciaire nommé pour tenter de sauver le groupe, jadis numéro un du pétrole russe, présentait un rapport peu optimiste aux créanciers de Ioukos.

Ce rapport évalue l’ancien géant pétrolier, quasi-démantelé à la suite d’une campagne judiciaire considérée comme orchestrée par le Kremlin, à 16,89 milliards de dollars pour un endettement à 18,56 milliards.

“Sur la base de ces chiffres, l’administrateur judiciaire conclut qu’une restructuration financière de Ioukos n’est pas possible et que la compagnie n’est plus solvable”, écrit le président démissionnaire.

M. Theede –dont la démission sera effective le 1er août– affirme pour sa part que Ioukos vaut 30 milliards de dollars, est donc “largement solvable” et que le plan de redressement proposé par la direction peut sauver la compagnie.

Pour lui, ce processus “n’est rien d’autre qu’une farce similaire à celle de l’expropriation de Ioukos” de sa principale filiale de production, Iouganskneftegaz, acquise par le groupe public Rosneft de façon controversée.

L’examen de la situation avec les créanciers doit se poursuivre le 25 juillet. Mais l’heure de vérité approche, le tribunal d’arbitrage de Moscou étant susceptible de prononcer dès le 1er août un dépôt de bilan.

Une liquidation mettrait un point final à une longue descente aux enfers entamée fin 2003 sur des accusations de fraude fiscale, qui s’est traduite par des pénalités record (27 milliards de dollars), la saisie d’actifs clés de la compagnie et l’envoi en prison pour huit ans de son Pdg Mikhaïl Khodorkovski.

Dans ce long bras de fer, M. Theede, pur produit de l’industrie pétrolière américaine –il a travaillé pendant 30 ans chez Conoco–, avait été mandaté par les actionnaires historiques de Ioukos pour tenter de maintenir la compagnie à flots.

Sa démission en dit long sur son impuissance, consacrée mercredi avec l’entrée à la Bourse de Londres de Rosneft.

Faute de visas et de peur pour certains d’être arrêtés en Russie, une partie des dirigeants de Ioukos – dont M. Theede – sont basés à Londres, la direction restée à Moscou ne leur obéissant plus.

Dans ce contexte, les concurrents de Ioukos rôdent déjà autour de ses derniers actifs.

Le géant gazier russe Gazprom a proposé de racheter les 20% qu’il détient dans Gazprom Neft (ex-Sibneft), ce qui pourrait rapporter à Ioukos quelque 4,2 milliards de dollars, selon l’administrateur judiciaire.

Rosneft n’est pas en reste. Le géant russe, contrôlé par le Kremlin, a concédé être intéressé par des raffineries de Ioukos et serait en embuscade pour mettre la main sur les 20% que Ioukos détient encore dans Iouganskneftegaz.

“Je ne peux plus rien faire pour protéger les derniers actifs de la compagnie en Russie. Si la mise en faillite se produit, comme je l’anticipe, elle sera illégale”, a constaté amèrement M. Theede dans sa lettre de démission.

Les espoirs de Ioukos reposent désormais sur la Cour européenne des droits de l’Homme devant laquelle le groupe a déposé un recours.

 20/07/2006 17:16:43 – © 2006 AFP