Cette semaine sera marquée par le discours que prononcera le président de la République, Béji Caïd Essebsi (BCE), mercredi 10 mai 2017, à l’adresse du peuple tunisien. Contrairement aux antécédentes sorties publiques, le plus souvent des interviews accordées à des chaines de télévision locales, ce discours sera prononcé au Palais des Congrès de Tunis à l’occasion d’un meeting.

D’après nos informations et celles publiées par certains médias, le président de la République s’exprimera sur la situation actuelle en Tunisie, particulièrement sur l’insurrection “non encadrée“ qui prévaut dans l’arrière-pays.

Ce discours intervient deux ans et demi après l’accès de BCE à la magistrature suprême. Le bilan de BCE et de son allié contre nature, le parti Ennahdha, est hélas maigre.

Un bilan maigre sur tous les plans

Il n’y a rien à signaler ou presque aux plans de la sécurité du pays, de la stabilité politique, de la récession économique, de la paix sociale.

Au niveau sécuritaire, des acquis ont été certes accomplis mais la situation demeure fragile. Les hauteurs du centre-ouest et du nord-ouest sont toujours colonisées par les terroristes. Des éléments de l’Organisation d’Al-Qaïda au Pays du Maghreb Islamique (AQMI) sont toujours sanctuarisés dans les monts de Chaambi et de Semmama à Kasserine, tandis que des djihadistes daechiens se terrent toujours sur les monts Ouergha au Kef.

Dans les villes, la situation semble plus ou moins maîtrisée à travers le démantèlement continu des cellules terroristes et le harcèlement des loups solitaires.

Le sud-est du pays, voire la frontière tuniso-libyenne est constamment sous la menace des terroristes djihadiste.

La déliquescence de Nidaa Tounès à l’origine de tous les maux

Au niveau de la stabilité politique, l’effritement du parti Nidaa Tounès (parti de BCE), et son corollaire sa déliquescence en plusieurs fractions hostiles, a privé le gouvernement de l’appui requis pour contenir l’insubordination à l’intérieur du pays et dans les entreprises, et surtout pour réaliser les investissements publics programmés.

Pour preuve, le chef du gouvernement, Youssef Chahed, a été hué à Tataouine. Le ministre de l’Industrie et du Commerce, Zied Laadhari, a subi le même sort “Dégage” dans l’usine de sidérurgie d’El Fouledh à Menzel Bourguiba. Il n’y pas un jour qui passe sans que le prestige de l’Etat ne soit affecté par des actes de désobéissance civile.

Au niveau économique, le dinar est fortement déprécié par rapport aux principales monnaies d’investissement et d’endettement (dollar, euro…). L’euro s’échange actuellement contre 2,6 dinars contre 1,2 dinar en 2001. Les déficits jumeaux (déficit courant et déficit budgétaire) par l’effet d’importations anarchiques et non étudiées se sont exacerbés. Le déficit courant représente aujourd’hui plus de 10% du PIB (105 milliards de dinars). La précarité de l’emploi existant, l’exacerbation du chômage et la cherté de la vie ont atteint des seuils intolérables. Selon le baromètre politique publié par Sigma Conseil, “4/5 Tunisiens estiment que le pays est sur la mauvaise voie”.

Au rayon de la paix sociale, des revendications sont signalées dans tous les secteurs. Le banditisme syndical est à son comble, ce qui a fait dire à un observateur de la chose tunisienne que “de nos jours, ce sont les syndicats qui proposent et c’est au gouvernement d’exécuter les ordres”.

Point d’orgue de ces mouvemente protestataires, les juges qui se sont permis une grève de plus de deux jours. Les syndicats de l’enseignement qui se sont permis le luxe de limoger un ministre que certains considèrent comme intègre, et ce au mépris de toute cohérence.

La situation est délétère

Cela pour dire au final que le discours du président de la République intervient à un moment où la société tunisienne est dans un état de déliquescence avancé. La situation pourrait être plus grave si le chef de l’Etat reste attaché à son projet de loi scélérate, celui sur la réconciliation économique et financière.

Ce projet, pour peu qu’il passe au nom de la légalité et de la légitimité démocratique au Parlement à la faveur de l’alliance des députés de Nidaa Tounès et d’Ennahdha, risque de diviser tout simplement le pays et d’attiser encore l’insubordination et la désobéissance civile.

L’opposition et d’importants pans de la société tunisienne sont déjà mobilisés contre ce projet de loi et l’attendent de pied ferme pour y faire face.

A la veille de périodes chaudes -ramadhan et les vacances estivales-, BCE est bien averti. Si jamais il s’entête à faire passer ce projet de loi, les conséquences pourraient être désastreuses. A bon entendeur.