Le projet d’arrêté fixant les valeurs limites de plomb, de cadmium et de certains solvants organiques dans les peintures demeure en suspens en Tunisie, prolongeant l’exposition des personnes à des substances chimiques dangereuses pour la santé et l’environnement.
Le texte, dont la version finale a été soumise aux autorités concernées pour adoption, depuis 2021, prévoit notamment de plafonner la teneur en plomb à 90 mg/kg, en cadmium à 100 mg/kg, et en benzène et toluène à 1 000 mg/kg dans les peintures fabriquées, importées ou commercialisées sur le marché tunisien. Ces substances sont couramment utilisées comme pigments ou additifs, souvent en dehors des normes de sécurité recommandées. Il prévoit, ainsi, l’obligation d’un étiquetage clair en langue arabe, mentionnant la composition chimique et les taux de substances toxiques, afin d’informer les consommateurs.
Elaboré en concertation, avec les ministères concernés, l’UTICA et des organisations de la société civile, dont l’Association d’Éducation Environnementale pour les Futures Générations (AEEFG), membre du réseau international IPEN (Réseau international pour l’élimination des polluants), le projet d’arrêté est basé sur les dispositions relatives à la gestion rationnelle des produits chimiques figurant dans le projet de Code de l’Environnement , élaboré par le ministère de l’Environnement.
L’article 264 de ce projet de code prévoit explicitement l’adoption d’un arrêté conjoint des ministres de l’Environnement et de la Santé pour fixer ces seuils, tandis que les articles suivants consacrent les principes de précaution, de prévention et de transparence.
Selon l’Agence nationale de contrôle sanitaire et environnemental des produits (ANCSEP), les risques sont avérés. Une enquête menée par l’agence a révélé que 52 échantillons de peinture sur 72 analysés sur le marché tunisien étaient non conformes, avec des concentrations de plomb allant de 0,06 mg/kg à 26 000 mg/kg. Des études sur l’imprégnation au plomb chez les enfants ont également fait ressortir des résultats jugés alarmants.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) classe le plomb, le cadmium et le benzène parmi les dix substances chimiques les plus préoccupantes pour la santé publique, en particulier pour les enfants, les femmes enceintes et les travailleurs exposés. Ces substances peuvent provoquer des lésions irréversibles du système nerveux, des atteintes rénales, hématologiques et des troubles de la reproduction. Le plomb et le cadmium, très persistants dans l’environnement, sont également toxiques pour les écosystèmes.
Sur le plan régional, la Tunisie accuse un retard par rapport à plusieurs pays africains. Le Maroc a rendu obligatoire depuis 2021 une norme limitant la teneur en plomb dans les peintures à 90 ppm, conformément aux recommandations internationales. D’autres pays africains, tels que le Cameroun, le Kenya, l’Éthiopie, la Tanzanie et l’Afrique du Sud, ont également adopté des réglementations contraignantes. L’Algérie dispose de textes plus anciens, jugés moins stricts, mais est engagée dans un processus d’alignement progressif.
Cette dynamique s’inscrit dans les efforts de la Global Alliance to Eliminate Lead Paint, initiative conjointe de l’OMS et du Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), qui appelle les États à éliminer le plomb des peintures afin de réduire les risques sanitaires, notamment chez les enfants.
En octobre 2025, l’Organisation tunisienne de l’information du consommateur (OTIC) avait alerté sur l’urgence de protéger la santé publique, en particulier celle des enfants et des femmes enceintes, face aux dangers persistants du plomb dans les peintures domestiques.
L’organisation, qui communiquait, à l’occasion de la Semaine internationale de la prévention de l’intoxication au plomb, célébrée du 19 au 25 octobre 2025, avait exprimé sa profonde indignation face aux retards répétés ayant empêché la publication du projet d’arrêté du ministère de l’Environnement, élaboré depuis plus de trois ans.


