Les défis de la cogestion et de la conservation de la biodiversité ont été au cœur d’une visite de journalistes au Parc national d’El Feija, un vaste et riche domaine forestier d’environ 2632 hectares, situé au cœur des montagnes de la Kroumirie (Nord-ouest de la Tunisie).

Cette visite organisée avec l’appui de la startup écologique Tunisian Campers, au profit d’une douzaine de journalistes représentant divers médias locaux, vient couronner un parcours de formation en journalisme environnemental de 8 mois (mai-décembre 2025). Cette formation est organisée dans le cadre du Programme d’Appui aux Médias Tunisiens 2 (PAMT2) en collaboration avec le ministère de l’Environnement, le Projet d’Appui à la Gouvernance Environnementale et Climatique pour une Transition Ecologique en Tunisie (PAGECTE), cofinancé par l’Union européenne et mis en œuvre par la GIZ.

La visite de deux jours dans ce parc, qui fait partie du réseau tunisien de plus de 17 parcs nationaux, essentiels à la protection des écosystèmes, vise à «renforcer les compétences des participants dans la couverture médiatique des enjeux liés à la conservation de la biodiversité, par une immersion sur le terrain au cœur de cette réserve naturelle protégée», selon les organisateurs.

Durant deux jours, les journalistes sont invités, sur les lieux, à participer à diverses activités pratiques, dont la plantation d’arbres et d’autres théoriques (débats avec les conservateurs et la population). L’objectif étant de les mobiliser en faveur de la sauvegarde du patrimoine naturel national.

Une présentation du parc par son conservateur, l’observation du Cerf de Berbérie dans l’enclos, une visite de l’écomusée, et une session de plantation d’arbres sont aussi au programme de cette activité.

Malgré l’interdiction de la chasse de cette espèce, depuis 1963 et la création de la réserve des cerfs en 1966, l’espèce figure toujours sur la liste rouge des espèces menacées de distinction, de l’Union internationale de la conservation de la nature (UICN).

Ses populations ont connu des fluctuations importantes, passant d’environ 10 individus en 1960 à moins de 1000, selon des travaux récents, le braconnage et la réduction de l’habitat restant des menaces cruciales.

La finalité est de voir la perception des médias locaux des défis stratégiques de la cogestion des parcs, notamment la biodiversité et à revenir sur leur rôle dans la sensibilisation aux défis environnementaux.

Un trekking (randonnée) a été organisé, à cette occasion, vers Kef Nagcha, un majestueux rocher, haut de 712 m au-dessus du niveau de la mer et abritant une tour de contrôle.

El Feija : Un sanctuaire menacé par le climat

Le Parc d’El Feija célèbre pour être l’un des derniers refuges du Cerf de Berbérie, l’unique représentant autochtone des cerfs en Afrique, compte aussi plusieurs sources d’eau, dont certaines ont été aménagées (fontaines, réservoirs…) et d’autres sont restées sous forme naturelle.

Le parc préservé est, aussi, célèbre pour sa forêt de chênes et sa riche biodiversité. Il est, majoritairement, recouvert de forêts (90% de sa superficie), dominées par le chêne zen (51% du parc) et le chêne-liège (8,9% du parc). Il abrite également 21 espèces de mammifères, 71 espèces d’oiseaux et 18 espèces d’amphibiens et de reptiles.

Comme d’autres zones protégées, le parc national d’El Feija est fortement impacté par les effets du changement climatique. Il s’agit, essentiellement du stress hydrique accru, de l’assèchement progressif des sources naturelles, de la modification des cycles biologiques des espèces et l’augmentation du risque d’incendies de forêt.

La Tunisie, notamment dans la région de Kroumirie où se situe le parc, est régulièrement touchée par des feux de forêt.

En 2023, 438 incendies ont ravagé environ 4 800 hectares, avec des pertes économiques estimées entre 20 000 et 50 000 dinars par hectare brûlé, selon le ministère de l’Agriculture et la Direction générale des forêts (DGF).

D’après les mêmes sources, le reboisement d’une forêt coûte environ 9 000 dinars par hectare. De plus, il faut environ 20 ans pour qu’une forêt se régénère après un incendie. Autour du parc, près de 140 familles vivent et contribuent à sa sauvegarde.

Ces données illustrent l’importance du rendement économique que les forêts apportent à l’État et aux habitants des zones forestières, dont la plupart vivent dans la précarité et sont privés, chaque année, d’une source de revenu essentielle. Certains d’entre-eux, rencontrés lors de cette visite, ont souligné la nécessité de mettre en place des initiatives locales et durables qui permettent de valoriser ce patrimoine et de garantir des revenus aux habitants des zones forestières.

Aider à promouvoir des activités touristiques durables, solidaires et écologiques qui préservent le patrimoine naturel dans cette région du nord-ouest de la Tunisie, est, par ailleurs, l’un des objectifs de la formation destiné aux journalistes.

En Tunisie, plus de 700 mille personnes vivent aux alentours des forêts et en tirent leurs revenus. Les populations riveraines exercent notamment des activités comme le pâturage, la cueillette (pignons, champignons), la récolte de liège et de bois, ainsi que l’artisanat, notamment dans les zones forestières du nord.