Unversités - Enseignement Supérieur Privé
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Pour Nelson Mandela « L’éducation est l’arme la plus puissante que vous puissiez utiliser pour changer le monde”. Pour le grand homme qu’il fut, l’éducation est le fondement du changement social.

Ce fût le cas à l’orée de l’indépendance, lorsque le président Habib Bourguiba, père de la Tunisie moderne a mis l’éducation au centre des priorités de sa jeune république. 59 ans après, l’enseignement en Tunisie doit répondre aux exigences nationales et internationales, d’où l’importance de nouvelles politiques et de nouveaux cadres réglementaires.

Des cadres réglementaires où des universités privées peuvent jouer un rôle plus efficient pour garantir l’excellence académique, renforcer l’employabilité des diplômés, moderniser les méthodes pédagogiques et accompagner les nouvelles tendances économiques et technologiques. 

Dans l’entretien ci-après, l’éclairage de Houbeb Ajmi, vice-présidente de la Fédération nationale de l’Enseignement supérieur privé et de la Recherche scientifique :

Quelles sont vos priorités en tant que vice-présidente du syndicat des établissements privés ?

Ma priorité, c’est avant tout l’excellence académique. L’enseignement, qu’il soit public ou privé, reste un service public. Dans les établissements publics, c’est l’État qui finance ; dans le privé, ce sont les familles. Mais dans les deux cas, le plus important est d’offrir un enseignement de qualité à tous les citoyens et répondre à des normes d’apprentissage strictes.

« Qu’il soit financé par l’État ou par les familles, l’enseignement doit toujours être considéré comme un service public. »

 

Aujourd’hui, les Tunisiens sont avertis et bien informés : beaucoup envoient leurs enfants étudier à l’étranger et savent comparer. Nous devons donc hisser nos universités au niveau des standards internationaux. C’est là que réside le rôle principal du syndicat. En parallèle, nous devons maintenir un dialogue avec le ministère de l’Enseignement supérieur, qui reste le régulateur du secteur, même si, dans la pratique, le privé est encore marginalisé dans les instances de gouvernance.

Justement, le ministère reconnaît-il pleinement le rôle du secteur privé ? 

Sur le plan du marché, oui. Le privé accueille plus de 15 % de l’ensemble des étudiants tunisiens, et dans certaines disciplines comme la santé, le paramédical ou l’ingénierie, nous avons plus d’étudiants que le public.

Mais sur le plan institutionnel, nous n’avons pas la place qui devrait nous revenir. Nous ne siégeons pas au Conseil des universités, qui est pourtant l’organe de gouvernance le plus important au ministère. Il existe bien une direction dédiée à l’enseignement supérieur privé, mais elle manque de moyens et se retrouve à jouer un rôle de contrôle plutôt que de véritable accompagnement.

Le problème se pose aussi pour l’équivalence des diplômes : les règles sont devenues plus strictes, ce qui complique la mobilité des étudiants entre établissements.

Certains estiment que les universités privées privilégient la rentabilité au détriment de la qualité. Comment répondez-vous à cette critique ? 

Le problème de la qualité se pose autant dans le public que dans le privé. Le vrai critère, c’est l’employabilité des diplômés. On peut produire des diplômés qui ne trouvent pas d’emploi, ce qui prouve que la formation n’est pas adaptée.

« Aujourd’hui, les étudiants tunisiens comparent leurs options : il faut aligner nos universités sur les standards mondiaux. »

 

Pour garantir la qualité, nous misons sur les accréditations internationales, en attendant que le référentiel tunisien soit opérationnel via l’Agence nationale d’évaluation et d’accréditation. Nous suivons aussi de près l’insertion professionnelle : le taux d’emploi de nos diplômés est l’indicateur le plus concret de la qualité de nos formations.

Quel est le profil des étudiants qui choisissent une université privée ? 

Souvent, ce sont des jeunes qui veulent accéder à des spécialités auxquelles ils n’ont pas droit dans le public, ou qui recherchent un environnement plus stimulant. Nous leur offrons des infrastructures modernes, un accompagnement personnalisé, des activités extra-universitaires et un lien fort avec le marché de l’emploi.

La plupart de nos établissements disposent de centres de carrière et d’incubateurs. Chaque année, nous menons des enquêtes pour mesurer différents indicateurs : taux d’insertion professionnelle, retour sur investissement, satisfaction des étudiants et des employeurs. Cela nous permet d’améliorer constamment nos programmes.

Comment vous adaptez-vous aux évolutions technologiques et aux nouvelles attentes du marché du travail ? 

Le privé a plus d’agilité et de flexibilité que le public. Nous avons donc intégré plus rapidement les compétences du XXIe siècle : innovation, soft skills, esprit entrepreneurial, intelligence artificielle et nouvelles méthodes pédagogiques.

On ne peut plus enseigner aux étudiants d’aujourd’hui avec les méthodes du XIXe siècle et les environnements du XXe. C’est pour cela que nous innovons dans les approches pédagogiques et que nous développons des partenariats avec les entreprises afin de coconstruire certains programmes.

Quelle est la place donnée aux étapes et à l’entrepreneuriat dans vos établissements ?

L’employabilité est au cœur de notre stratégie. Les étapes jouent un rôle central : elles permettent aux étudiants de s’immerger dans le monde professionnel, d’acquérir des compétences pratiques et d’améliorer leurs chances d’être recrutés.

« La valeur d’une formation ne se mesure pas seulement au diplôme obtenu, mais à la capacité des étudiants à trouver un emploi. »

 

Nous travaillons en collaboration étroite avec les entreprises pour adapter nos programmes en fonction de leurs retours. Nous développons également la recherche collaborative. Les enseignants doivent continuer à produire et à publier pour enrichir leurs cours, et les étudiants sont de plus en plus impliqués dans ces projets. Cette dynamique rapproche l’université du tissu économique et améliore l’opérationnalité de nos diplômés.

Et face à la fuite des cerveaux, quel rôle peut jouer l’enseignement privé ? 

Nous formons des diplômés de qualité, conformes aux normes internationales, ce qui explique leur forte demande en Tunisie comme à l’étranger. Pour limiter la fuite des talents, il faut former davantage, et surtout dans les spécialités les plus demandées.

« La fuite des cerveaux ne peut être contenue qu’en multipliant les formations adaptées aux besoins du marché, local et international. »

 

Le privé, à la différence du public, n’est pas contraint par le système d’orientation. Nous adaptons notre catalogue en fonction des besoins du marché : lorsqu’une filière n’est plus porteuse, nous la réduisons ou l’arrêtons. Lorsqu’une spécialité est très demandée, en Tunisie ou ailleurs, nous la développons. De cette manière, nous contribuons à répondre à la fois aux besoins du pays et à ceux du marché international.

Entretien conduit par Amel Belhadj Ali

EN BREF

  • L’éducation reste un pilier du développement en Tunisie.
  • Le privé accueille plus de 15 % des étudiants, mais reste marginalisé dans la gouvernance.
  • L’excellence académique et l’employabilité sont les priorités.
  • Les universités privées misent sur les accréditations, les stages et les partenariats.
  • L’agilité leur permet d’intégrer rapidement l’innovation et les nouvelles compétences.
  • Le secteur veut contribuer à freiner la fuite des cerveaux en formant selon les besoins du marché.