La Tunisie célèbre, le 12 mai de chaque année, la Journée nationale de l’agriculture, alors que le pays fait face à des circonstances climatiques délicates et difficiles caractérisées par le déficit pluviométrique qui a entraîné une régression des réserves en eau et l’entrée du pays dans une phase de stress hydrique ou de sécheresse.

Le secteur agricole, le plus impacté par la sécheresse, vit une situation difficile, tant pour le consommateur que pour l’agriculteur, lesquels souffrent principalement de la hausse des prix, du recul de l’activité agricole, ainsi que la menace sur la sécurité alimentaire du pays, et les défis qui en ont découlé, surtout ceux sur le budget du pays, à travers l’importation de plusieurs produits, notamment les produits de base tels que le blé et les fourrages.

Cité par la TAP, nombre d’agriculteurs et de marins-pêcheurs ayant participé au 17ème congrès de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), ont exprimé, à l’occasion de la Journée nationale de l’agriculture, leurs inquiétudes, notamment à la lumière des changements climatiques et les évolutions nationales et internationales ayant impacté ce secteur sensible, en l’absence d’une vision agricole efficace qui prend en considération l’utilisation de nouvelles technologiques pour contrecarrer la demande accrue en aliments (viandes, lait, bois, huile végétales) ainsi qu’en fourrages.

Jusqu’au 11 mai 2023, le stock des barrages tunisiens a atteint 676,058 millions m3 contre 1 249,535, soit la moyenne enregistrée au cours de la même journée durant les trois années, ce qui constitue une baisse de 573,477 millions m3, selon les données de la Direction générale des barrages et des travaux hydrauliques au ministère de l’Agriculture, des ressources hydrauliques et de la pêche.

Il est attendu que les motions et les recommandations du congrès ( tenu du 8 au 11 mai 2023) à Tabarka (gouvernorat de Jendouba) donnent des réponses à ces défis, en réfléchissant à des alternatives au niveau local visant à promouvoir le secteur qui demeure encore marginalisé.

En effet, l’agriculteur Mounir Laabidi, qui a présidé le congrès, estime que le secteur agricole nécessite de décréter l’état d’urgence, à cause de la sécheresse qui a causé des dégâts énormes, d’où l’importance de trouver des alternatives réelles, notamment l’approvisionnement en eau.

Et de rappeler que l’agriculture reste un secteur étroitement lié à cette source de base, appelant à la rationalisation de la consommation et la gestion des eaux pluviales dans les régions à taux de précipitations élevé, à l’instar des régions de l’ouest, outre la maîtrise de l’utilisation des ressources en eaux souterraines et de surface.

Toujours selon Laabidi, le deuxième volet concerne le système fourrager qui est toujours incapable de répondre aux besoins du bétail (vaches, brebis et chèvres.), ce qui nécessite, selon lui, de s’orienter vers la culture de fourrages alternatifs qui n’a pas besoin de grandes quantités d’eau.

Originaire de Sidi Bouzid et spécialisé dans l’oléiculture, Anouar Harathi a, pour sa part, affirmé qu’il y a un consensus en Tunisie sur le fait “que l’agriculture est en danger et les solutions commencent par la rationalisation des ressources dont nous disposons, principalement l’eau et la recherche des moyens pour développer la production destinée vers le marché local et international et l’appui de la balance commerciale “.

Il faut abandonner progressivement certains produits, surtout ceux qui consomment de grandes quantités d’eau, comme les tomates, les pastèques, les melons et les poivrons, et de les remplacer par d’autres plants.

A l’issue du 17e congrès de l’UTAP, Harathi élu membre du conseil central de l’organisation agricole a fait savoir que l’adoption de technique d’irrigation de complément(addition de petites quantités d’eau aux cultures pluviales, afin de réduire les pertes de récolte), qui a fait l’objet de discussions lors de ce congrès, peut assurer la durabilité du secteur oléicole et permettre d’utiliser des méthodes modernes de production de légumes.

Il s’agit, également, de sélectionner les semences et les plants. Il a évoqué, en outre, que l’Etat et l’agriculteur assument la responsabilité de la situation actuelle du secteur.
” Les agriculteurs peuvent assurer la durabilité du secteur agricole si l’Etat réussi à rationaliser la consommation de l’eau”, explique l’agriculteur et producteur de fruits installé au gouvernorat de Kasserine, Souhail Torchi.

Il a proposé, à cette occasion, un certain nombre de solutions telles que la lutte contre le pompage anarchique des eaux et la collecte des eaux de ruissellement. Il a appelé à l’accélération de la création du barrage Boulaaba, outre le réexamen du barrage Khanguet Jazia et au parachèvement de la carte des stations d’assainissement à Foussana, Feriana et Sbiba.

L’utilisation des bassins (Jabya) constitue l’une des solutions adéquates à la rationalisation de la consommation individuelle et collective de l’eau. Le responsable a, dans le même temps, mis en garde contre les menaces subies par la nappe hydraulique à cause des forages anarchiques qui dépassent les 800 mètres sous sol, après avoir été aux alentours de 200 mètres seulement.

Hamma Farès, agriculteur de Boussalem et producteur de semences céréalières et de cultures industrielles ; à l’instar des betteraves, a considéré que le secteur agricole est dans un état ” clinique “. Et de préciser qu’il s’est adressé directement aux ministres de l’Agriculture et des Domaines de l’Etat, ainsi qu’au président de la République pour intervenir afin de mettre un terme aux dépassements subis par le réseau d’irrigation et la nappe phréatique.

L’objectif recherché est de préserver le droit des prochaines générations.
Il s’agit également de protéger le secteur des intrus qui exploitent anarchiquement les ressources hydrauliques, sans respecter la loi en vigueur et les décisions des autorités compétentes. Ces derniers, précise encore Farèsi, cultivent des produits auxquels il est possible de renoncer, à l’instar, de l’oignon, les tomates et les piments et autres produits estivaux, car ceux-ci consomment de grandes quantités d’eaux au-delà de 8000 mètres cubes, en vue de les stocker dans des entrepôts frigorifiques, de les monopoliser et de les commercialiser au moment opportun sur les marchés local et étranger.

Il a, dans le même temps, fait observer que la récolte céréalière pour cette saison serait catastrophique et que l’Etat serait contraint plus que jamais de mettre en place une politique agricole efficace.