Une candidature arabe commune des Connaissances et du savoir-faire de la ciselure sera déposée auprès de l’Unesco en vue de leur inscription sur la liste représentative de l’Unesco. La Tunisie fait partie d’une liste de 10 pays dépositaires qui comprend l’Algérie, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, l’Irak, le Maroc, la Mauritanie, la Palestine, le Soudan et le Yémen.

Le dossier tunisien élaboré par les experts de l’Institut national du patrimoine (INP) avait été transféré à la Délégation de Tunisie à l’UNESCO et à l’OIF dont le siège est à Paris.

Ghazi Gheraïri, ambassadeur-délégué permanent de la Tunisie auprès de l’Unesco, a annoncé “avoir signé au nom de la Tunisie le dossier des connaissances et du savoir-faire de la ciselure des métaux, en commun avec 9 autres pays, pour son inscription sur la liste du patrimoine immatériel de l’Unesco. Dans un tweet, en date du samedi 2 avril 2022, le diplomate a adressé ses “remerciements à l’Irak pour sa coordination”.

Deux jours après, le ministère des Affaires culturelles a annoncé, sur son réseau social, que le dépôt du dossier tunisien a eu lieu sous la présidence de l’ALECSO et avec la coordination de la République d’Irak. Dans un communiqué publié le lundi 4 avril, le ministère a présenté les principales caractéristiques des connaissances et du savoir-faire de la ciselure des métaux en Tunisie.

Le dossier de la Tunisie a été élaboré depuis juillet 2021, par une équipe de l’INP dirigée par Imed Ben Soula, Directeur de recherche à l’Institut. Une copie des travaux effectués est publiée sur le site de l’INP dont voici les grandes lignes.

Le document souligne que “la ciselure revêt une dimension artistique et culturelle qui exprime autant de caractéristiques sociales”. Elle ne se limite pas à la gamme d’artefacts et de savoir-faire particuliers, mais couvre également l’ensemble de pratiques, de traditions et de représentations qui s’y rattachent.

Les recherches effectuées ont permis de constater de multiples techniques et savoir-faire artisanaux traditionnels qui fondent et structurent l’art de la ciselure, auxquels s’ajoutent des méthodes modernes avec l’apparition d’une nouvelle génération de ciseleurs et artistes (le tracé matis, le repoussé, la reprise de fonte, l’ajourage , le sertissage, l’incrustation, l’émaillage et la technique de l’émail filigrané).

Cet élément du patrimoine immatériel concerne les détenteurs directs des savoir-faire, les groupes de ciseleurs, d’artisans et d’artistes diplômés des instituts des arts et métiers, qui exercent dans des ateliers destinés à cette activité, notamment dans les souks des villes historiques telles que Tunis, Kairouan et Sfax.

Parmi les autres intervenants, le document cite les artisans et artistes qui traitent avec eux d’une manière ou d’une autre, les Organisations non gouvernementales (Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat) la société civile, les Instances officielles (Office national de l’artisanat, Instituts supérieurs des arts et métiers et centres de formation professionnelle supervisés par l’Etat, le ministère des Affaires Culturelles, l’Institut national du patrimoine et l’Office national du tourisme).

Dans l’Inventaire national du patrimoine culturel immatériel sur la ciselure: arts, savoir-faire et pratiques, les chercheurs de l’INP font état de deux catégories assez distinctes: Les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel et les pratiques sociales, rituels et événements festifs. L’une se rapporte à la pratique de la ciselure en tant qu’activité artisanale et artistique. Cet élément représente un phénomène urbain limité dans des villes comme Tunis, Kairouan, Sousse, Sfax et l’île de Djerba à Médenine.

L’autre catégorie est en lien avec la pratique de la ciselure en termes d’utilisation sociale et culturelle des artefacts. Elle couvre toutes les régions du pays sans exception pour un élément qui s’inscrit dans des traditions et des pratiques sociales ancrées dans des croyances magico-religieuses.

Le document définit la ciselure comme étant ” l’une des expressions les plus importantes des arts traditionnels, non seulement grâce à sa dimension esthétique particulière et son chevauchement avec de nombreuses traditions artisanales, mais aussi pour ses manifestations sociales intenses en tant que créativité artistique qui stimule la mémoire et l’imagination, en lien avec une série de pratiques quotidiennes et cérémonielles ”

Cet élément du patrimoine immatériel ” appartient aux arts décoratifs, qui utilisent une large gamme de supports, parmi lesquels on trouve le métal, la pierre, le plâtre, le marbre, le bois, le verre, le cuir, la terre cuite et la laine “. Le processus de la ciselure par le moyen de martelage au poinçon pour créer des dessins sur une plaque métallique, en creux ou en relief en s’aidant de la technique du repoussé ; les lignes tracées se transforment en éléments plastiques harmonieux grâce à la finesse des ciselures, la proportion des dimensions et les projections des ombres et lumières sur le fond métallique. ”

Le document de l’INP revient sur l’historique de la ciselure qui trouve ses origines dans “les peintures rupestres apparues au néolithique qui comptent parmi les plus anciens témoignages archéologiques des arts picturaux en général “. Les chercheurs expliquent que ces peintures incarnent les prémices de cette pratique qui connaîtra bientôt un essor avec l’âge des métaux au cours duquel, l’Humanité a découvert l’exploitation minière et ses applications.

La Tunisie était au cœur de ces évolutions techniques et artistiques, indique la même source. Des sources historiques et des découvertes archéologiques attestent du développement de l’art de la ciselure à partir du huitième millénaire avant notre ère, comme en témoigne une collection de pièces carthaginoises (colliers et des boîtes à amulettes, boucles d’oreilles et bagues ornées de ciselures exquises…).

Cette évolution s’est poursuivie aux époques islamiques dans le cadre d’un croisement des courants culturels et artistiques méditerranéens antiques et des traditions locales liées à l’héritage berbère, et d’autres venues d’Orient et d’Andalousie.

La pression des produits européens et la mécanisation croissante du début du XIXe siècle, avait contraint la pratique de la ciselure à s’y adapter. Dans ce contexte, un décret a été publié le 04 safar 1356 (16 avril 1937), dans le but de protéger l’artisanat de la ciselure et aider les ciseleurs à maintenir leur activité.

Les informations contenues dans le dossier tunisien sont basées, entre autres, sur des témoignages auprès d’artisans et de spécialistes en ciselure dont des joailliers diplômés des grandes écoles des arts et métiers qui pratiquent le métier dans les souks des médinas tunisiennes. Ils exercent notamment aux souks elbransia, Rebaâ (Tunis), El Jazzarine, Masmoudi, El Jazzarine (Sfax) et le Souk de cuivre à Kairouan.

Les Bibliographies écrites se réfèrent à des études et à des publications tunisiennes et françaises autour de divers thèmes tels que le cuivre ancien dans les musées tunisiens, l’artisanat du cuivre en Tunisie, les industries indigènes de la Tunisie et les aspects de l’artisanat en Afrique du Nord.

Le dossier comporte des photographies issues des collections détenues par des institutions étatiques, des associations, des musées privées et des amateurs. Des données importantes conservées dans les archives d’un certain nombre de médias et d’associations actives dans le domaine du patrimoine ont été également exploitées.