Parmi les projets lancés en cette période d’exception suite au coup de force constitutionnel du le 25 juillet 2021, figure en bonne place celui de l’élaboration d’un décret-loi devant réglementer les circuits de distribution des produits agricoles et de pêche en Tunisie.

Abou SARRA

L’enjeu de cette législation est de taille au regard du fait que les marchés ne sont pas approvisionnés régulièrement et au regard du fait que les prix de ces produits ne cessent d’augmenter par l’effet de la spéculation et de la multiplicité des intermédiaires.

Entamée début novembre 2021, cette législation serait aujourd’hui en phase finale. Elle est soumise pour avis aux institutions concernées, dont le Conseil de la concurrence.

Succinctement, le projet de décret-loi se propose de remédier à certaines lacunes de la loi 1994-86 qui régit le secteur, et de le réorganiser selon de nouvelles bases.

Globalement, d’après la ministre du Commerce et du Développement des exportations, Fadhila Rabhi, il s’agit de numériser les circuits de distribution et de garantir aux transactions traçabilité et transparence. Concrètement, le nouveau décret-loi permettra de contrôler au mieux les prix, de limiter l’activité des spéculateurs et d’interdire les pratiques monopolistiques. L’ultime but étant d’assurer la visibilité de ces circuits, la régularité de l’approvisionnement des marchés organisés et la disponibilité de produits vendus à des prix accessibles et abordables pour les consommateurs.

Le projet de décret-loi se propose aussi de réglementer, de manière plus rigoureuse, les opérations de collecte, de transport et de stockage des produits agricoles et de pêche – s’agissant ici des entrepôts frigorifiques.

Point d’orgue de cette législation : elle prévoit le durcissement des sanctions en cas de sa violation. Ainsi, elle inflige à ceux qui transgressent la loi des amendes allant de 1 000 dinars à 300 000 dinars, et ce en plus de la valeur des produits saisis. Des peines d’emprisonnement allant de un mois à un an sont également prévues.

Pis, ce projet de législation habilite le ministre du Commerce à interdire à ceux qui enfreignent la loi d’exercer leur métier pendant une période de six mois.

Qu’en pense le Conseil de la concurrence ?

Fin prêt, le décret-loi vient d’être soumis pour avis au Conseil de la concurrence. Cette institution « est obligatoirement consultée par le gouvernement sur les projets de textes réglementaires tendant à imposer des conditions particulières pour l’exercice d’une activité économique ou d’une profession, ou à établir des restrictions pouvant entraver l’accès au marché ».

Dans son appréciation du décret-loi, le Conseil de la concurrence a formulé plusieurs griefs et proposé des solutions.

Au rayon des griefs, il estime que le projet de décret-loi comporte des sanctions trop sévères lesquelles ne seraient pas proportionnelles à la nature de l’activité des circuits de distribution des produits agricoles et de pêche. A titre indicatif, ces sanctions annihileraient toute initiative dans le secteur, d’après lui. Conséquence : Il propose de les alléger.

Pour le Conseil de la concurrence, la complexité de la réglementation régissant le secteur tout autant que la disparité et la contradiction des textes d’application ont favorisé la multiplicité des interprétations et l’émergence de circuits parallèles.

Afin d’y remédier, il recommande de regrouper tous les textes en un seul projet de loi et de restructurer le secteur sur la base de la garantie de la transparence et de la traçabilité des transactions.

Une logistique interrégionale

A propos de restructuration du secteur, rappelons que le ministère du Commerce dispose, depuis 2010, d’un programme de mise à niveau des circuits de distribution des produits agricoles et de pêche.

Ce programme prévoit de créer des marchés interrégionaux avec les exigences et les mécanismes qui garantissent la transparence des transactions commerciales (la carte d’entrée aux marchés, la balance électronique et la facturation avec les informations et les applications nécessaires qui permettent de contrôler les quantités réelles de produits et les niveaux de prix), sans oublier le maintien de la sécurité et de la qualité des produits (entrepôts et entrepôts frigorifiques …).

Il s’agit également d’équiper les marchés de dispositifs de “caméra de surveillance” et des conditions de contrôle de sûreté et de sécurité qui motivent les fournisseurs – soit les agriculteurs ou autres – à écouler leurs produits sur les marchés de gros.

Parmi les Bourses, voire les plateformes commerciales programmées figurent celles de Béja (légumes et fruits, marché de bestiaux…), Sidi Bouzid (légumes et fruits, agroalimentaire…), Cap Bon (agrumes…), Kébili et Tozeur (dattes et dérives).

Tout cela pour dire que les circuits de distribution des produits agricoles et de pêche, forts de cette future législation et de cette logistique régionale, sont appelés à connaître un bel avenir, à fournir régulièrement des produits de bonne qualité et à contribuer au développement pérenne de l’agriculture, de la pêche et de l’aquaculture en Tunisie.