De l’avis des structures d’appui à l’investissement international dont les Chambres mixtes, connues pour être les cerbères de l’offshore dans notre pays, la Tunisie n’est plus un site attractif, depuis une dizaine d’années. A l’origine de cette non-attractivité, la détérioration de l’image du pays en tant que site de production international hospitalier.

Par Abou SARRA

Plus simplement, le site n’offre plus les avantages fiscaux et financiers d’antan ; ces mêmes avantages qui ont permis d’attirer, jusqu’à ce jour, quelque 3 400 entreprises offshore qui emploient 350 000 personnes, un chiffre non négligeable.

Les raisons d’une baisse

Parmi les mesures douloureuses prises à l’encontre de l’offshore, ces entreprises citent – dans le cadre des enquêtes effectuées annuellement par les Chambres mixtes en vue de connaître leur degré de satisfaction- une disposition fiscale instituée par la loi de finances de 2017 (gouvernement Youssef Chahed).

En effet, ce gouvernement a créé une taxe de 7,5% prélevée directement sur les bénéfices des entreprises offshore qui sont, pour la plupart, des PME et des entreprises familiales.

En dépit des difficultés rencontrées, ces points francs ont pris la décision de rester en Tunisie. L’optimisme est encore de rigueur, mais jusqu’à quelle limite pourront-elles résister d’autant plus que ce type d’investissement est réputé pour sa volatilité.

Pour preuve, l’investissement international en Tunisie n’a cessé de reculer, ces dernières années, comme le montrent les chiffres les plus récents. Fin septembre 2021, les investissements internationaux s’élevaient à 1,38 milliard de dinars contre 1,44 milliard de dinars au cours de la même période de 2020. Cette baisse a été alimentée par l’affaiblissement des flux d’investissement de portefeuille qui se sont situés à 18,1 MDT contre 44,7 MDT, soit une chute de 62,1%.

Pour les entreprises offshore implantées en Tunisie, l’ennui est que cette baisse, qui a duré plus de dix ans, risque d’avoir une tendance structurelle, si rien n’est fait pour redresser la situation.

Promesses et assurances du gouvernement

Invités récemment par l’actuel ministre de l’Economie et de la Planification, Samir Saïed, à exposer leurs préoccupations et les raisons à l’origine de ce recul, les représentants des Chambres mixtes ont évoqué principalement : l’instabilité politique et fiscale, l’absence de visibilité macroéconomique et l’inexistence d’une vision claire pour l’offshore.

Concernant l’absence de visibilité, ils ont évoqué, entre autres, la détérioration de l’environnement des affaires dans le pays et la recrudescence des mouvements sociaux, avec comme corollaire le penchant logique des promoteurs locaux à ne pas investir dans le pays.

Cette tendance est citée parmi les raisons qui n’ont pas encouragé les investisseurs étrangers à venir en Tunisie. Pour eux, si les investisseurs locaux ne peuvent pas investir dans leur propre pays, cela prouve qu’il y a des problèmes sérieux pour la sécurisation et la pérennité de l’investissement.

Deux mauvais exemples d’IDE

Ils citent, à ce propos, deux mauvais exemples liés au climat des affaires. Celui de l’usine de triple superphosphate d’El Mdhilla 2 qui, en raison des mouvements sociaux, n’arrive pas à voir le jour, soit dix ans après qu’une entreprise sud-coréenne a remporté ce marché. Cette usine, qui était programmée pour entrer en production en 24 mois, aurait dû entrer en exploitation depuis 2016-2017, mais les perturbations sécuritaires, les mouvements de protestation et les sit-in survenus dans région, au cours des dernières années, ont retardé les travaux et provoqué le report des échéances.

L’autre exemple d’incohérence et d’absence de visibilité, est celui des énergies renouvelables. Jusqu’à ce jour, les potentiels investisseurs ne savent pas si ce secteur est ouvert à l’investissement offshore ou non. Ils tiennent à préciser que si ces investisseurs décident de venir dans le pays, ce n’est pas pour remporter des appels d’offres de un ou de dix mégawatts mais pour un secteur ouvert à l’investissement étranger.

Concernant l’absence d’une vision pour l’offshore, les représentants des Chambres mixtes s’inquiètent, particulièrement, de la diabolisation systématique de l’investisseur étranger dans les institutions élues de l’Etat. C’est le cas de la présidence de la République qui tire à boulets rouges sur les privés ou certains d’eux. C’est le cas aussi du Parlement – gelé – où de nombreux députés ont accusé clairement l’offshore d’exploiter la main-d’œuvre tunisienne et de piller les ressources naturelles du pays. Ils ont perçu dans ce discours diabolisant un signe répulsif pour les investisseurs offshore.

En réponse à ces préoccupations, Samir Saïed s’est contenté d’une promesse. Il a fait savoir que « son ministère se penchera sur la mise au point d’un plan de développement au titre de la prochaine période », soulignant qu’il sera élaboré dans le cadre d’une approche participative. « Cela permettra au Conseil des chambres mixtes de présenter ses suggestions afin d’améliorer le climat de l’investissement et des affaires en Tunisie», ajoute-t-il.

Concrètement, les deux parties (ministère et offshore) ont convenu, à l’issue de cette rencontre, de former des groupes de travail conjoints afin d’examiner les différentes propositions. C’est une bonne avancée, en ce sens où aucune initiative de dialogue sérieux n’a été prise en la matière, depuis une dizaine d’années.

Quant aux perspectives de promotion de l’offshore, nous pensons que ce secteur compte tenu de son importance essentiellement sociale (350 000 emplois, avons-nous dit plus haut) se doit d’innover, d’abandonner ses activités classiques et de migrer vers le High Tech et autres nouveaux métiers up-to-date (industrie 4.0, agriculture 4.0, industrie artificielle, énergies vertes…), lesquels peuvent favoriser le transfert de technologie.

Dans l’absolu, le site Tunisie demeure, en matière d’IDE, un territoire attractif pour trois raisons majeures : son positionnement stratégique au milieu de la Méditerranée, sa proximité d’un des plus grands marchés du monde (l’Union européenne) et l’opportunité de relocalisation industrielle générée vers le sud de l’Europe après la pandémie de Covid-19.

A bon entendeur.