Les Tunisiennes célèbrent, vendredi 13 août 2021, la fête de la femme qui coïncide cette année avec le 65ème anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel (CSP). Cette législation révolutionnaire, promulguée le 13 août 1956, par le leader Bourguiba, a consacré l’émancipation de la femme tunisienne et l’a élevée dans sa dignité et dans ses droits.
Abou SARRA

Depuis, de nouveaux acquis ont été accomplis sur la voie de l’indépendance économique de la femme à travers l’amélioration de son éducation, de son intégration professionnelle et son affirmation en tant que partenaire de l’homme.
Dans le détail, nous en retenons trois. Au plan législatif, la Constitution de 2014 a institué la parité entre l’homme et la femme dans tous les domaines. L’article 46 de la Loi fondamentale prévoit trois engagements majeurs de l’Etat en faveur des femmes : développer leurs droits, assurer la parité au niveau des Conseils élus et éliminer les violences à leur égard. Ce dernier engagement a été concrétisé par la loi du 11 août 2017, laquelle loi réprime toutes formes de violences perpétrées contre les femmes (morale, physique, sexuelle, économique, politique…).
Au plan économique, il y a lieu de citer l’institution, à partir de 2018, dans le cadre du Plan d’action nationale pour l’intégration et l’institutionnalisation de l’approche genre (PNIG 1) de la budgétisation sensible au genre (BSG). Objectif : éliminer dans les budgets des ministères toute forme de discrimination, augmenter le nombre de femmes aux postes de décision et autonomiser économiquement les femmes…
Au plan institutionnel, plusieurs structures officielles et des milliers d’ONG, fortes de l’adhésion de la Tunisie à des conventions internationales protégeant la femme, veillent au grain et font tout pour préserver les acquis de la femme.
Pour en rappeler les plus visibles : le ministère de la Femme (même si son budget n’est pas conséquent), l’Union nationale de la femme tunisienne (UNFT), l’Association des femmes démocrates…
L’islam politique, la principale menace
Et pourtant, en dépit de ces réalisations internationalement reconnues, la condition de la femme en Tunisie demeure fragile et constamment menacée par la résurgence d’idéologies conservatrices archaïques telles que l’islam politique.

La femme tunisienne a su résister à ce retour en arrière et a sauvé, en 2014, le pays d’une dictature certaine en votant pour un président laïc. Ce sont les fameuses « bajboujettes » (1,2 million) qui ont permis au défunt président Béji Caïd Essebsi (BCE) et à son parti, Nidaa Tounès, de récupérer la magistrature suprême et le Parlement. Malheureusement, Bajbouj les a trahies (disent certains) en partageant le pouvoir avec les islamistes et en divisant les centristes en leur faveur.
Avec les élections de 2019, la montée de partis conservateurs, populistes et djihadistes n’a également pas servi la cause des femmes. Ces dernières ont dû faire preuve de résistance et descendre dans la rue, un certain 25 juillet 2021, aux côtés d’autres catégories sociales, pour mettre à genoux, cette fois-ci, les conservateurs y compris les machos islamistes.
Morale de l’histoire : en matière d’émancipation de la femme, rien n’est éternellement acquis. A titre indicatif, il s’est avéré qu’après l’épreuve malheureuse de l’islam politique, dix ans durant, les normes sociales aux relents conservateurs ont plus de force pour s’imposer que les lois progressistes.
Simone de Beauvoir, femme de lettres et philosophe française, a eu beaucoup de mérite en prévoyant de telles situations. Dans ces écrits, elle a constamment recommandé aux femmes d’être vigilantes. Elle leur disait dans une mémorable citation : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant ».

A bon entendeur.




