Nous devons suivre de près les faits et gestes de notre déjà futur ex-Premier ministre, Habib Jemli. Selon toute vraisemblance, il vient de commettre son premier mensonge en affirme aux médias qu’il n’avait pas demandé la permission à Ennahdha de composer “un gouvernement de compétences indépendantes” des partis politiques. Difficile à croire. Sauf si l’idée lui a été soufflée par le chef de l’Etat, Kais Saied. Ce qui n’est pas exclu.

Le chef du gouvernement désigné, Habib Jemli, affirme n’avoir pas consulté le mouvement Ennahdha en prenant la décision, lundi 23 courant, de former “un gouvernement de compétences nationales indépendantes des partis”.

Jemli a annoncé lors d’une conférence de presse, lundi soir, après un entretien avec le président de la République, Kais Saied, qu’il avait décidé de former un gouvernement de compétences nationales indépendantes des partis, dont le mouvement Ennahdha.

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Il a tenu à préciser à cet égard que le président de la République “n’était pas au courant de ce qui se passait dans les coulisses sur la formation du gouvernement du président”, notant que “l’entretien avec le chef de l’Etat au palais de Carthage, avait pour but de se concerter sur les portefeuilles de défense et des affaires étrangères (du ressort du président de la république), selon la constitution tunisienne”.

“J’irai au Parlement avec le gouvernement que j’annoncerai prochainement, sans couverture politique”, a-t-il dit, après avoir reçu au palais Dhiafa de Carthage, pendant un mois et dix jours, des représentants de divers partis, des représentants d’organisations nationales, outre un certain nombre de personnalités et de compétences extérieurs aux partis.

Commentant les raisons de l’échec du marathon de négociations, en particulier sa rencontre avec le Quatuor, les 20 et 21 décembre (Parti Ennahdha, Mouvement Echaab, Courant démocrate et Mouvement Tahya Tounes), Jemli a indiqué qu’il était “surpris par les décisions des partis, malgré l’avancement des négociations avec eux qui ont atteint le stade de la présentation des candidatures pour les portefeuilles ministériels”.

Il a expliqué que sa décision de former un gouvernement de compétences nationales indépendantes était motivée par le fait que “certains partis politiques s’attachent à leurs conditions extrêmes, malgré ses concessions à plusieurs reprises afin d’assurer la formation du gouvernement dans les meilleurs délais”.

Il a précisé que “ces partis l’ont surpris aujourd’hui après être retournés à leurs structures en rejetant la participation à la formation du gouvernement”.

Le chef du gouvernement désigné a fait remarquer que son idée initiale était de former un gouvernement de “performance” composé de compétences nationales capables de résoudre les problèmes du pays, sans affiliation politique, avec un nombre “symbolique” de ministres “partisans”, notant que “les mêmes partis qui exigeaient auparavant de se distancier des quotas partisans et des tiraillements ont exigé un nombre important de portefeuilles ministériels”.

Les partis Echaab et le Courant démocrate, ainsi que Tahya Tounes, avec lesquels les pourparlers étaient bien avancés, ont annoncé dimanche qu’ils ne participeraient pas au gouvernement Habib Jemli.

“Il y a des partis qui clament tout haut qu’ils sont contre les quotas partisans, et le peuple tunisien ne peut plus tolérer de tels quotas, j’ai donc pris la décision de former un gouvernement de compétences nationales en dehors des partis”, a-t-il souligné.

Jemli a indiqué que les critères qui présideront à la formation du gouvernement attendu sont “l’efficacité, l’intégrité, l’indépendance de tous les partis et la capacité de diriger”, étant donné que la situation “n’est plus tolérable, en particulier avec la situation difficile que connaît le pays aux niveaux économique et financier en plus de la détérioration de la situation sociale”.

Le chef du gouvernement désigné a critiqué la scène politique produite par les récentes élections législatives, la qualifiant de d'”exceptionnelle non comparable aux résultats de 2014 ou 2011 et une véritable gageure qui a créé des tiraillements entre les partis et au sein des partis eux-mêmes”.

Jemli a ajouté lors de cette conférence de presse que, s’il se trompait dans le choix d’un membre du gouvernement, il le “changerait à n’importe quel stade de l’action gouvernementale”.

“Je n’hésiterai pas à démettre un ministre de quelque appartenance que ce soit, et tout ministre qui ne sera pas à la hauteur de la responsabilité ou soupçonné de corruption… sans consulter personne à ce sujet”, a-t-il affirmé.

Les consultations concernant la formation du gouvernement ont échoué après le refus des partis du mouvement Ennahdha (54 députés), Tahya Tounes (14 députés), le Mouvement démocrate (22 députés) et le mouvement Echaab (16 députés) de faire parti du prochain gouvernement, dans des déclarations officielles publiées dimanche, Habib Jemli annonçant alors lundi sa décision de former un gouvernement de compétences nationales.

Le parti Ennahda, parti ayant remporté le plus grand nombre de sièges, avait proposé Habib Jemli (60 ans) pour former le gouvernement avant d’être chargé de cette mission le 15 novembre dernier par le président de la République, rappelle-t-on.

Le premier délai d’un mois pour la formation du gouvernement, fixé par la constitution a pris fin. Jemli s’est donc adressé au Président de la République et lui a sollicité un autre délai. Dix jours se sont écoulés, sans être parvenu à former son gouvernement.