«Non seulement pour beaucoup la politique est une affaire, mais elle devient, à l’usage, un jeu et une spéculation, à l’avantage de ceux qui en vivent et en font un vrai métier», disait Samuel Ferdinand-Lop.

Pour le parti sorti vainqueur des élections législatives en Tunisie, le goût de la victoire est amère tant elle est très relative avec ses 52 députés, malgré toutes les entourloupes et les pratiques douteuses dont aurait été artisane la nahdha pour les emporter, et tant la guerre des clans dans un parti réputé soudé a aujourd’hui atteint son paroxysme sur les postes à pourvoir au gouvernement, en premier lieu celui du chef !

Une guerre fratricide entre vautours et «colombes» sur qui est le mieux qualifié et le plus légitime pour occuper la tête de l’exécutif et composer le nouveau gouvernement. Une mission pratiquement impossible au vu du nombre de partis et de blocs parlementaires qui ont rejoint l’opposition !

Afin de mettre fin à toute velléité d’insubordination ou de scission au sein de son propre parti, R. Ghannouchi aurait décidé de se nommer lui-même chef du gouvernement.

Il en aurait avisé les dirigeants de l’UGTT dans le souci d’avoir leur appui. Et la réponse aurait été : « c’est votre affaire, gérez-là comme vous voulez, pour nous l’important est la préservation des droits des travailleurs, des acquis de la République et des droits et libertés. Il est de votre responsabilité de gérer tout cela ».

Ghannouchi aurait même saisi certaines chancelleries pour avoir leur appui. Il faut reconnaître qu’en Tunisie, depuis 2011, le mot “souveraineté“ a perdu tout son sens.

Quant aux militants d’Ennahdha, ils ne demandent pas plus que de voir leur leader emblématique prendre les choses en main et diriger frontalement le pays au lieu de le faire de derrière le rideau.

Dans une lettre adressée à la direction du parti par un militant de longue date, ce dernier N.F, appelle Ghannouchi de tous ses vœux à être C.D.G –lire Chaf Du Gouvernement- et s’interroge sur la raison qui pousserait les nahdhaouis à le choisir en tant que président d’Ennahdha et à rejeter l’idée de le voir chef du gouvernement. «Le peuple a besoin de quelqu’un pour améliorer ses conditions de vie, même s’il ne s’agit pas d’un nouveau visage, et il a besoin de personnes qui luttent contre la corruption». Pour le monsieur en question, Ghannouchi serait “le messie“ doté de toutes les qualités humaines et célestes pour sauver la Tunisie de la faillite (sic).

Quant à la grande frange des Tunisiens, eh bien, elle veut que Ghannouchi gouverne pour qu’il assume enfin ses responsabilités dans la gestion des affaires du pays et qu’il arrête de les rejeter sur les autres puisque ce n’est jamais sa faute et que ce sont toujours les autres qui ont pris les mauvaises décisions.

Ne dit-on pas que c’est à l’œuvre qu’on connaît l’artisan ?

Alors soyez C.D.G, monsieur Ghannouchi, et montrez-nous de quoi votre génie est capable ou coupable ! C’est selon.

Amel Belhadj Ali