A Varsovie, des dizaines d’experts venus de tous les continents ont passé trois jours à débattre du tabac fumé et de ses méfaits sur la santé. Le slogan du Forum était « No fire, no smoke » (Pas de feu, pas de fumée, il s’agit bien entendu des cigarettes combustibles). Le tabac dans tous ses états et toutes ses composantes avait été disséqué par les meilleurs au monde et le principal enseignement tiré a été : « Il faut arrêter de fumer du tabac combustible car vous en paierez le prix fort de votre santé ».

Le tabac fumé a été l’un des fléaux les plus ravageurs en matière de santé publique de nos jours et la mise en place de stratégies pour juguler son usage sont devenues vitales.

De notre envoyée spéciale à Varsovie, Amel Belhadj Ali

Ce sont ces stratégies qui ont été discutées cette année, du 13 au 15 juin à Varsovie lors du 6ème Global Forum on Nicotine avec un leitmotiv « It’s time to talk about nicotine » (Il est temps de parler de nicotine). Car de la résistance, il y en a chez les fumeurs invétérés. Fumeurs qui achètent des paquets de cigarettes sur lesquels est écrit en grosses lettres “Fumer tue“.

Plus de 80 experts mondiaux, entre chercheurs, spécialistes des maladies liées au tabac et dans l’élaboration des politiques de santé publique et en science et technologie, se sont donc retrouvés dans la capitale polonaise en conclave face à plus de 650 délégués pour parler des substituts au tabac combustible.

“Vaping is not smoking”, inhaler une cigarette électronique n’est pas réellement fumer comme d’usage, car elle permet de réduire les risques encourus à cause du tabac combustible qui libère plus de 6 000 substances toxiques suite à la combustion comme l’ont démontré les scientifiques. Car comme l’explique Gizelle Baker, directrice des Recherches et Développement (R&D) auprès de Philippe Morris, l’une des plus grandes compagnies de tabac de par le monde (interview à venir) : “L’idéal est de ne pas fumer du tout ou d’arrêter complètement, mais si nous devions le faire, alors faisons-le avec le minimum de risques, et l’usage d’un produit tabagique non combustible tel la cigarette électronique permet de réduire de 95% l’exposition aux substances toxiques que nous trouvons dans une cigarette classique”.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, les produits alternatifs au tabac classique et en premier l’e-cigarette étaient les vedettes du Forum.

Le GFN (Global Forum Nicotine) est la seule conférence internationale à s’intéresser au rôle des produits à base de nicotine comportant le moins de risques pour la santé et qui aident les gens à cesser de fumer. Soit des produits plus sûrs composés de nicotine mais où les  substances toxiques sont de loin moindres que ceux d’une cigarette. Il s’agit de tabacs à usage oral tels que le snus suédois (naffa en Tunisie en plus artisanal) le tabac chauffé et la cigarette électronique. Ce sont des produits en évolution depuis une décennie et qui visent à réduire les risques inhérents à la consommation des cigarettes.

Il faut savoir que de par le monde une personne meurt toutes les six secondes des suites d’une maladie liée au tabagisme. La moitié de ceux qui fument meurent d’une pathologie directement liée à leur consommation du tabac combustible, d’où les études lancées depuis une vingtaine d’années par les grands producteurs mondiaux de cigarettes pour muter vers des produits tabagiques moins nocifs pour la santé. Ceci lorsque nous savons qu’aux horizons 2025, la planète terre aura encore 1 milliard de fumeurs.

A elle seule, la firme Philippe Morris a investi, depuis 2008, près de 6 milliards de $ en recherches et études sur les produits alternatifs au tabac combustible dont La E-cigarette et le tabac chauffé, soit des produits s’imposent de plus en plus sur le marché mondial du tabac  même si nombre de pays, où il y a une grande prévalence tabagique, font de la résistance via des réglementations drastiques et le maintien du monopole de l’Etat sur la commercialisation du tabac sous toutes ses formes.

La Tunisie en est d’ailleurs le parfait exemple quoiqu’aux dernières nouvelles, le ministère des Finances plancherait sur la préparation d’un cahier des charges pour libéraliser et réglementer la vente des cigarettes électroniques. C’est d’autant plus important que populariser la commercialisation de ces cigarettes représente un grand avantage pour la réduction des risques sur la santé et un moyen efficace de lutter contre les maladies liées au tabac combustible qui sont un enjeu majeur de santé publique.

Dans un pays comme le Japon, à titre d’exemple, et grâce à la commercialisation des produits alternatifs au tabac combustible, les ventes de cigarettes ont chuté de 27% en deux ans, un record sans précédent, avec en contrepartie, une émergence du Tabac Chauffé auprès de plus de 22% des fumeurs.  En Suède, le snus dont la prévalence est  30% chez les consommateurs de Nicotine, a contribué à réduire la mortalité liée au tabagisme qui a affiche le niveau le plus bas de l’UE.

La conférence GFN 2019 a offert aux participants l’opportunité de débattre des nouvelles orientations des consommateurs vers un usage plus « sain » de la nicotine. Les experts sur place ont tous été d’accord sur le fait que consommer de la nicotine sous ses différentes formes est moins nocive à partir du moment où elle n’a pas été inhalée à travers la cigarette conventionnelle, comme l’a affirmé Gerry Stimson, professeur émérite à l’Imperial College de Londres, et directeur du Forum mondial.

On meurt plus des cigarettes que du paludisme, du VIH et de la tuberculose

Pr Stimson a rappelé lors de la conférence de presse à l’ouverture de la conférence que «plus de personnes meurent des suites de la cigarette que du paludisme, du VIH et de la tuberculose combinés précisant que l’Organisation mondiale de la santé estime qu’à la fin du siècle, un milliard de personnes mourront d’une maladie liée au tabagisme. C’est une urgence mondiale en matière de santé publique et il est indispensable que tous les consommateurs puissent accéder à des produits plus propres et plus sûrs à base de nicotine et incités à abandonner la cigarette combustible».

David Sweanor, professeur auxiliaire à la Faculté de droit et président du conseil consultatif du Centre de réglementation dans le domaine de la santé, des politiques et de l’éthique à l’Université d’Ottawa, a déclaré que la Suède est le pays où le taux de maladies liées au tabac est le plus bas d’Europe. «En Suède, ils ne fument pas, ils consomment du snus. En Norvège, depuis que la légalisation de la vente de ces produits a été mise en place, la vente de cigarettes a été réduite de moitié. Au Japon, l’avènement du marché du tabac chauffé non combustible a réduit la prévalence de la cigarette d’un tiers en trois ans».

Si tous ces progrès sont réalisés malgré l’absence de réglementations conséquentes, l’inexistence de communication adéquate et de sensibilisation poussant au non usage des cigarettes combustibles, qu’en sera-t-il si tous les moyens sont mis pour commercialiser comme il se doit les produits non combustibles à base de nicotine ?

En Inde, c’est Samrat Chowdhery, fondateur de l’Association des “Vapers“, qui assure le plaidoyer auprès des consommateurs pour les convaincre des méfaits du tabac : «L’Inde est le deuxième plus gros client de tabac au monde avec 275 millions de consommateurs, conjugué à la difficulté d’accès aux soins, ce qui fait de la prévention un outil important pour juguler le mal de la consommation tabagique classique».

Quant à Ricardo Polosa, directeur de l’Institut de médecine interne et d’immunologie clinique de l’Université de Catane en Italie, il estime que, partant du fait que les études montrent clairement que les personnes qui abandonnent la cigarette combustibles pour les produits à base de nicotine non combustibles sont, point de vue santé, pareils à celles qui ont arrêté de fumer, il faut mettre rapidement des politiques et des stratégies pour faciliter leur usage dans les pays où la prévalence tabagique est élevée.

La Tunisie en fait partie.