Diffusé pour la première fois sur grand écran, le 24 avril 2019, dans le cadre des mardis du cinéma tunisien de la Cinémathèque tunisienne, le film documentaire “Le Cinéma tunisien: Trame de l’image.. substance de l’existence” de Marouen Meddeb, retrace l’histoire et l’évolution du cinéma tunisien, en donnant la parole à plus de 30 professionnels du cinéma tunisien dont Ridha Behi, Ammar Khelifi, Hassan Daldoul, Abdellatif Ben Ammar, Nouri Bouzid, Mounir Baaziz, Salma Baccar, Mohamed Challouf.

Une fois débarrassé du diktat du colonisateur, le cinéma tunisien, ont-ils affirmé, a cru trouver son salut dans le soutien du régime de Bourguiba. A l’aube de l’indépendance, était né le premier noyau d’un cinéma national dans le cadre de la Société anonyme tunisienne de production et d’expansion cinématographique (Satpec).

Depuis l’époque coloniale, la censure dans le cinéma passait par le réseau de distribution jusqu’au scénario. Une pratique héritée qui était peu favorable à la création pour les jeunes cinéastes post-indépendance.

Diplômés des écoles françaises, ces réalisateurs sont alors revenus au pays avec l’enthousiasme d’injecter leur vision du réel dans des films.

Contrairement à l’orientation propagandiste du pouvoir, ils ont aspiré à défendre leurs idées et visions. Une situation conflictuelle entre cinéma et politique qui avait fini par faire taire certains esprits libres derrière les barreaux.

Sauf que la censure et la prison étaient deux options peu fiables pour les anciens régimes en place. C’est ce que Salma Baccar qualifie de pratiques qui “aident à donner de la plus-value à ces œuvres, jusqu’à nos jours”.

Le documentaire présente également les avis des générations suivantes comme Elyes Baccar, Ridha Tlili, Sonia Chemkhi, Anis Lassoued ou Abdallah Yahia. Les préoccupations et la narration cinématographique changent quelque part mais le secteur demeure marqué par la réalité sociopolitique dans le pays.

Le cinéma Tunisien connaît depuis la révolution de 2011 une grande dynamique et une visibilité dans les prestigieux festivals internationaux. Le nouveau climat de démocratie a favorisé l’émergence d’un nouveau cinéma et l’intérêt accru pour la question politique. Les jeunes réalisateurs ont pris le flambeau dans un domaine qui demeure sous la pression quasi invisible et à la merci des fonds d’aide à la production.

Cela dit, il ressort des différents témoignages que le cinéma tunisien vit un malaise chronique. Ceci avait commencé par la censure pour tomber aussi dans le filet des coproductions et le manque de moyens financiers face à l’absence d’une véritable industrie cinématographique, toujours en suspens.

Leur argument: les politiques culturelles successives n’ont pas réussi à mettre en place une véritable industrie qui absorbe le large potentiel de compétences en réalisateurs et techniciens de toutes les spécialités.

Les avis de critiques comme Hedi Khalil, Kamel Ben Ouanes, Olivier Barlet ou Baba Diop aident à mieux voir les dessous, les failles ainsi que la force d’un cinéma en perpétuelle mutation.

Marouen Meddeb évoque un documentaire réalisé grâce aux réalisateurs et producteurs interviewés qui étaient assez coopératifs.

Le tournage s’est fait dans divers endroits et souvent sur les sites de tournage qui coïncidaient avec le lieu où avait été tournée chaque séquence de film évoqué.

Au total, 33 séquences de films professionnels tunisiens sont visibles et proviennent des archives tunisiennes et françaises. Sept autres séquences proviennent de films réalisés dans le cadre de la Fédération tunisienne des Cinéastes amateurs (FTCA).

Les séquences choisies témoignent elles aussi de l’évolution technique qui a favorisé l’existence d’un cinéma plus développé et parfois plus libre et ouvert sur l’autre.

En effet, le secteur actuellement en pleine effervescence semble être comme une revanche contre la censure que les précurseurs du cinéma tunisien ont subi des décennies durant.

Ridha Behi qui, malgré les tempêtes et les défaites subies, continue de rêver à faire changer les choses. “Le cinéma tunisien ne mourra jamais”, conclut-il.

Le documentaire est un film initialement réalisé pour la télé. Son réalisateur Marouen Meddeb a tenu à préciser qu’il l’a retravaillé selon les exigences narratives et techniques du septième art.

Le résultat, une copie finale d’un documentaire de 90 mn pour le cinéma “minutieusement réalisé sur deux ans, entre tournage et montage”. Il a été réalisé “pour le compte de la chaîne qatari Al Jazeera Documentaire” dans le cadre d’une série de documentaires sur le cinéma dans la région arabe et maghrébine”.

Présenté auparavant sur la chaîne documentaire, ce film sorti en 2017, est le travail d’une grande équipe technique tunisienne dont le critique Mohamed Nasser Sardi dans la conception et l’écriture cinématographique.