L’affaire des martyrs Chokri Belaid et Mohamed Brahmi “a pris un nouveau tournant” après l’arrêt de la Cour de cassation émis le 6 mars sur la réouverture des enquêtes, a déclaré samedi 16 mars Ridha Raddaoui, membre du Collectif de défense, cité par l’agence TAP.

“La décision ouvre de grands horizons non seulement pour de nouvelles auditions mais pour énoncer les chefs d’inculpation que le collectif de défense avait demandé depuis 5 ans”, estime Raddoui qui s’exprimait en marge d’une conférence de presse organisée à Nabeul pour présenter les derniers développements dans les deux affaires d’assassinat.

Il a ajouté que la cour de cassation “a rendu justice au collectif de défense avec la demande d’ouvrir de nouvelles enquêtes et partant de nouveaux procès, ainsi que de nouvelles auditions, dont celle de Noureddine Guendouz, en particulier la réunion secrète entre Ali Laraydh (ministre de l’Intérieur à l’époque) et Jamal Mejri”.

Selon Raddaoui, le retour du dossier à l’instruction pourrait retarder les enquêtes, “une procédure normale étant donné que la recherche de la vérité est une rude bataille”. Il a indiqué que le parquet “n’a pas le choix et n’a aucun pouvoir discrétionnaire sur la décision du tribunal de cassation d’ouvrir des enquêtes. De ce fait, il est lié par une décision de cassation à exécuter”.

Par ailleurs, il a accusé le tribunal de première instance de Tunis et le ministère public d’avoir “cherché par le passé à dissimuler tous les documents pouvant ouvrir la voie vers ceux qui avaient perpétré l’assassinat” après le vol de l’ordinateur d’Ahmed Rouissi et le vol des photos de Amer Belaazi, des interrogatoires et du disque des interrogatoires.

Il a fait remarquer que “la problématique se complique lorsque le ministère public refuse d’ouvrir des enquêtes sur les vols, malgré leur gravité”, se déclarant étonné que la chambre d’accusation reconnaisse le délit de vol sans réagir.

Raddoui a mis en exergue le fait que la cour de cassation a reconnu après 6 ans (la justesse) de la réouverture des enquêtes, affirmant qu’une “simple analyse conduit à la conclusion que celui qui a dissimulé les documents cherche à masquer la relation avec les assassins”.

L’avocat a rappelé que le collectif a exposé lors de sa première conférence de presse en octobre 2018 un ensemble de documents et de données, notamment le document en possession de Mustafa Khadr dans lequel il mentionnait le nom de Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, et le nom du chef de l’Etat, Béji Caid Essebsi. Il s’est montré surpris à cet égard que le ministère public “sélectionne un document parmi des milliers de documents pour l’examiner et n’examine pas le reste des charges relatives à des crimes”.

Selon lui, les déclarations de Mustafa Khader sur ce document montraient “l’existence d’une structure organisationnelle de l’appareil secret du mouvement Ennahdha, y compris la diffusion de rumeurs”, ajoutant que la défense demandait depuis le 2 octobre 2018 d’ouvrir une enquête sur ces documents.

Raddaoui a souligné que la bataille menée par la défense dans l’affaire des martyrs “n’est pas seulement une bataille pour prouver l’existence d’un appareil secret du mouvement Ennahdha ou une bataille pour dévoiler la vérité sur les assassinats, mais une bataille plus importante liée à l’indépendance du pouvoir judiciaire”.

La conférence de presse du collectif de défense, organisée sur une initiative du syndicat régional des avocats, de l’union régionale du travail et de la section régionale pour les droits de l’homme, a été l’occasion de donner des détails sur les assassinats de Belaid et Brahmi et d’analyser les relations entre différents protagonistes, à la lumière des aveux et témoignages de Amer Belaazi, Ahmed Rouissi, Slim Ghandai (Abu Ayoub) et Jamal Mejri.

Le collectif de défense a révélé, lors de plusieurs points de presse tenues dans certaines villes tunisiennes, nombreuses données relatives aux deux assassinats, notamment la révélation d’une “chambre noire” au ministère de l’Intérieur contenant des documents liés aux deux affaires ainsi que la “révélation” d’un appareil secret du mouvement Ennahdha et l’implication de Mustafa Khader dans cet appareil.

Chokri Belaid, secrétaire général du Parti des patriotes démocrates a été assassiné le 6 février 2013 par balle et le fondateur du Mouvement populaire Mohamed Brahmi a été tué également par balle le 25 juillet de la même année, rappelle-t-on.