Plombées de fait, depuis 2015, les relations entre la Tunisie et les Emirats arabes unis (EAU), pour moult brouilles, seraient sur la voie d’être relancées. Trois indices majeurs laissent augurer le réchauffement des liens entre les deux pays.

Le premier consiste en la nomination d’un nouvel-ancien ambassadeur émirati en Tunisie. Il s’agit de Rached Mohamed Jomaa Mansouri qui a exercé, il y a dix ans, les mêmes fonctions en Tunisie.

Cette nomination ne manque pas d’enjeux dans la mesure où le diplomate émirati a été témoin, en 2008, du démarrage de mégaprojets touristico-immobiliers émiratis dans notre pays. Au nombre de ceux-ci figurent le  projet de Tunis Sport city sur les berges du Lac nord de Tunis du magnat Aboukhater (5 milliards de dollars) et du projet «la Porte de la Méditerranée».

Un nouvel ambassadeur pour faire bouger les lignes

Ce dernier projet consiste en l’édification sur 1000 ha fournis par l’Etat tunisien au dinar symbolique d’une nouvelle ville d’au moins 250.000 habitants que le groupe émirati Sama Dubaï s’était engagé à édifier, depuis 2007, au lac sud de Tunis, moyennant un investissement à terme de 25 milliards de dollars.

Malheureusement, ces deux mégaprojets sur lesquels le gouvernement tunisien a beaucoup misé pour créer de nouveaux emplois et faire de Tunis une grande métropole méditerranéenne similaire à Rome, Barcelone et Marseille, sont toujours en stand by pour diverses raisons.

Abstraction faite des arguments fournis par les investisseurs émiratis dont particulièrement la lourdeur administrative tunisienne et le climat d’insécurité qui a prévalu, depuis 2011 en Tunisie, le principal problème qui a entravé la poursuite de la réalisation de ces mégaprojets est éminemment politique. Et pour cause.

Les Emirats arabes unis, qui n’ont jamais accepté l’accès, en 2011-2013, d’Ennahdha au pouvoir, ont coupé, durant la période de la Troïka toute aide financière et économique à la Tunisie. Après les élections générales de 2014 et la victoire de Béji Caïd Essebsi (BCE), ils ont misé sur le parti Nidaa Tounes pour avoir un pied à terre en Tunisie.

Ils auraient été, une nouvelle fois, déçus car BCE lequel a, non seulement, pris de court tout le monde en co-gouvernant avec le parti islamiste, mais aurait refusé également aux émiratis d’opérer en Libye depuis le territoire tunisien pour neutraliser les islamistes de Tripoli.

Pour mémoire, la Libye est le théâtre d’un bras de fer indirect entre Abou Dhabi -qui soutiendrait le maître de l’Est, Khalifa Haftar-, et Doha -qui appuie les milices islamistes de l’Ouest.

Pis, les Emiratis auraient été offensés par la mise en cause par un magistrat tunisien de l’émir de Dubaï dans des dossiers tunisiens de malversations immobilières en 2015.

En représailles, les Tunisiens ont été interdits de visa aux Emirats jusqu’au début de cette année et aucune avancée significative n’a été enregistrée sur la voie de reprise des travaux de réalisation des mégaprojets émiratis précités.

Les Emirats arabes unis ont des amis en Tunisie

Le deuxième indice, qui annonce une relance des relations entre la Tunis et Doha, l’hypermédiatisation de la célébration de la Journée nationale des Emirats arabes unis (3 décembre 2018). La Chaîne Aljanoubia, propriété de Mohamed Ayachi Ajroudi, qui possède des affaires dans ce pays, lui a consacré une longue émission spéciale.

Etaient présents à cette cérémonie plusieurs personnalités dont Habib Essid (conseiller de Béji Caïd Essebsi), Mohsen Marzouk (le secrétaire général de Machrou Tounes), le secrétaire d’état auprès du ministre des Affaires étrangères chargé de la Diplomatie économique, des hommes d’affaires, artistes et autres journalistes.

Le troisième indice est une information non confirmée. Le prince hériter Mohammed ben Zayed Al Nahyane effectuerait incessamment une visite officielle en Tunisie. Elle serait favorisée, semble-t-il, par “le divorce“ entre le président de la République et Ennahdha.

Les Algériens se sentent concernés

Ce divorce qui, au regard de l’évolution de la situation politique, pourrait aboutir à la marginalisation d’Ennahdha et son écartement définitif du paysage politique en Tunisie, serait très mal vu par l’Algérie. Dans un article paru le 5 décembre 2018, dans le journal algérien Chourouk, son auteur Abdelhamid Othmani n’est pas allé par quatre chemins. Il a mis en garde contre les conséquences néfastes d’un tel scénario.

La visite du prince héritier des Emirats arabes unis ne semble pas du goût des Algériens. Ils y verraient une menace pour leur sécurité et apparemment pour celle de leurs alliés libyens de l’ouest, sachant que l’Algérie soutient le gouvernement de Fayez el-Sarraj à l’ouest de la Libye.

Cela pour dire que quelque chose est en train de se mijoter au plan régional d’autant plus que des informations font état d’une rencontre, début décembre 2018, à Doha entre l’Emir du Qatar avec Rached Ghannouchi et Hafedh Caïd Essebsi, directeur exécutif de Nidaa Tounès en vue d’un nouvel rapprochement.

Parallèlement, au cours de la même période (4-6 décembre 2018), l’Emir de Qatar aurait reçu comme par hasard, à Doha, un message non écrit du président algérien Abdelaziz Bouteflika, message que lui aurait transmis Ahmed Gaïd Salah, général de corps d’Armée et vice-ministre de la Défense nationale.

Affaire à suivre…