“Il est temps de penser sérieusement à mettre à la disposition des femmes sourdes et malentendantes des interprètes dans toutes les structures publiques pour garantir leurs droits fondamentaux”, a souligné jeudi, Haifa Gebs, vice présidente de l’Association Voix du Sourd de Tunisie (AVST).

Dans une déclaration à l’agence TAP en marge d’une conférence organisée à Tunis ayant pour thème “Femmes Sourdes : Accès à la Protection selon la Loi 2017-58”, Haifa Gebs a précisé que la langue des signes est la langue mère de la communauté sourde et en l’absence d’interprètes dans les postes de police, dans les centres d’accueil, au sein des unités spéciales chargées des affaires de violence à l’égard des femmes, ces femmes sourdes ou malentendantes ne peuvent pas faire parvenir leur voix et défendre leurs droits.

“La femme sourde victime de violence ne peut pas porter plainte car l’agent ne peut pas parler sa langue”, a-t-elle regretté signalant que la surdité est un handicap invisible et difficile.

Gebs a fait remarquer que 90% des femmes sourdes et malentendantes n’ont pas été scolarisées ou ont abandonné l’école après quelques années parce que la société ne leur garantit pas les conditions favorables pour poursuivre leurs études.

Selon la vice présidente de l’AVST, il faut coordonner les efforts entre tous les intervenants (structures publiques et société civile) pour que la langue des signes soit reconnue par la loi et pour que les femmes sourdes et malentendantes puissent jouir de leurs droits fondamentaux.

Dans ce contexte, Haifa Gebs a indiqué que la conférence vise, en effet, à examiner les défis auxquels font face les femmes sourdes et malentendantes en Tunisie pour accéder à la protection offerte par la Loi 2017-58. Elle sera couronnée par des recommandations et des solutions participatives proposées via un processus de plaidoyer.

Elle a, en outre, signalé que la conférence s’inscrit dans le cadre du projet “Voix de la violence” lancé en 2022 en partenariat avec l’organisation canadienne d’éducation aux droits humains “Equitas”.

Pour sa part, Basma Soussi, vice présidente de l’organisation IBSAR (Loisirs et Cultures pour les Non et Mal-voyants), a souligné la nécessité d’amender la loi 58 relative à la lutte contre la violence à l’égard des femmes, afin d’y inscrire les droits spécifiques des personnes en situation de handicap et préciser les mécanismes de prise en charge pour chaque type de handicap.

“Cette loi, qui reste un acquis important pour la femme en général, n’a pas pris en considération les spécificités de chaque type de handicap”, a-t-elle dit.

Et d’ajouter “la femme sourde ne peut pas porter plainte si elle n’arrive pas à communiquer avec l’agent de police, la femme mal ou non voyante ne peut pas identifier son agresseur et la femme à mobilité réduite ne peut pas accéder à tous les services faute d’infrastructure”

Soussi a aussi mis l’accent sur la nécessité de renforcer la sensibilisation et la vulgarisation pour lutter contre la violence à l’égard des femmes en général et ce, à travers la révision du contenu des manuels scolaires qui diffusent à ce jour l’image de la femme soumise mais aussi à travers la culture, le cinéma, le théâtre, et dans les médias.

De son côté, Rania Derbel chargée de programmes au sein de l’organisation Equitas (Moyen Orient Afrique du Nord), a indiqué que Equitas travaille en Tunisie et au Maroc sur le thème de l’égalité pour le changement pour renforcer les capacités de la société civile et intégrer une approche fondée sur les droits humains et la perspective genre.

“En Tunisie, Equitas travaille avec 8 associations dont l’AVST pour la promotion de l’égalité du genre;”, a-t-elle signalé.

Selon Derbel, l’AVST travaille sur la violence faite aux femmes notamment sourdes qui sont doublement discriminées et par leur statut de femme et par leur statut de personne en situation de handicap.

“A travers le partenariat avec Equitas, nous travaillons sur l’amélioration de la prise en charge de ces femmes qui n’ont pas accès à tous les services de la même manière que d’autres femmes en Tunisie”, a-t-elle fait savoir.