Plus de deux ans après le lancement et la mise en place des “îlots d’intégrité” dans les secteurs des municipalités, de l’Intérieur, de la douane et de la santé, ces îlots représentent, en dépit des défis auxquels ils font face, un acquis important dans la lutte contre la corruption dans des secteurs clés.

Pour en saisir les premiers résultats clés et les leçons a en tirer, un panel a été consacré, à l’occasion du 3e congrès national de lutte contre la corruption organisé les 7 et 8 décembre 2018 à Tunis, à l’expérience des îlots, sites pilotes d’intégrité mis en place dans le cadre du projet d’appui au renforcement de la gouvernance démocratique et de la recevabilité publique en Tunisie.

Selon Thouraya Bekri, coordinatrice du projet “renforcement de la redevabilité publique en Tunisie – PNUD” et modératrice du panel, la concrétisation de ces îlots d’intégrité fait face, depuis le premier jour, à plusieurs défis dont principalement les moyens financiers et matériels qui dépassent de loin le budget du projet.

“Etant donné qu’on ne peut pas tout couvrir, nous nous sommes trouvés, d’une manière ou d’une autre, dans l’obligation de choisir des priorités”, a-t-elle regretté.

Elle a précisé que “les principaux défis des îlots d’intégrité sont comment développer cette expérience sur le plan national, comment projeter les grandes lignes des réformes nationales sur ces îlots et comment garantir la continuité de ces expériences pilotes”.

Nizar Ben Sfayya, colonel-major de la douane tunisienne, a, pour sa part, indiqué que la continuité de cette expérience, que ce soit au niveau des îlots d’intégrité de la douane ou des autres secteurs, réside dans la dématérialisation des besoins et la mobilisation des ressources financières et humaines. Il s’agit, selon lui, d’intégrer les valeurs et principes d’intégrité dans les visions et stratégies de la douane pour les prochaines années.

Un bilan respectable malgré les défis

Malgré les défis, le bilan de plus de deux ans de travail et de mise en œuvre des îlots d’intégrité s’avère respectable, un avis partagé par tous les panélistes.

Au niveau des municipalités, une cartographie préliminaire des risques de corruption dans les trois municipalités pilotes (Midoun, Houmet Souk et Ajim) a été élaborée selon la démarche Behavioural insight, a indiqué Houcine Jerad, président du conseil municipal de Houmet Essouk.

“Nous avons commencé ce projet bien avant l’arrivée des nouveaux conseils municipaux élus par l’identification des points faibles, à savoir les problèmes au niveau des autorisations de construction, des marchés publics, des taxes municipales et des relations avec le citoyens”, a-t-il expliqué. “Nous nous sommes ensuite inspirés, entre autres, de l’expérience de la municipalité de Séoul que nous avons visitée, pour mettre en place un plan d’action efficace qui a pour but, notamment, de réduire au maximum le contact physique avec les agents des municipalités et d’opter plutôt pour la numérisation des services municipaux”, a-t-il ajouté.

En ce qui concerne la douane, Ben Sfaya a indiqué que ce programme a permis de renforcer les mécanismes de redevabilité des douanes. “La mise en place d’îlots d’intégrité nous a donné l’occasion d’élaborer deux plans d’actions pour les bureaux douaniers pilotes de la Goulette et de Ras Jedir”, a-t-il indiqué. Selon lui, la douane a également, grâce à ce projet, développé des applications mobiles pour réduire le contact directe avec les agents de la douane.

En effet, trois services en ligne ont été développés et mis en place afin de renforcer les capacités en matière de gouvernance des sites douaniers pilotes (Goulette Nord, Ras Jedir, et la direction des régimes douaniers).

Sfaya a, par la même occasion, tenu à souligner que la douane a réussi à avoir une autorisation de l’Instance Nationale de la protection des données personnelles (INPDP) pour opérationnaliser 40 caméras portées. Selon Sfaya, la Tunisie sera parmi les premiers pays à utiliser ce genre de caméras portées dans la région.

Le programme de renforcement de la gouvernance démocratique et de la redevabilité publique en Tunisie a été élaboré depuis juillet 2016 par le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en partenariat avec l’Agence coréenne de coopération internationale (KOICA).

Il a pour objectif de renforcer les capacités, l’efficience et le rôle de coordination de l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), le cadre juridique et institutionnel de la lutte contre la corruption, ainsi que les mécanismes de redevabilité des sites pilotes (îlots d’intégrité) de quatre secteurs (douane, municipalité, forces intérieures de la sécurité et santé).

A travers la mise en place de ces “îlots d’intégrité” au niveau sectoriel, le projet développe une action collective en partenariat avec les ministères et institutions publiques concernés afin de réduire les risques de corruption et d’améliorer la confiance des citoyens.