Autant le discours prononcé par Youssef Chahed à Washington à la Fondation Heritage avait été consistant et a transmis aux Américains des messages percutants et une vision claire des orientations de la Tunisie sur les plans politico-sécuritaire et socio-économique, autant son discours prononcé lors de l’ouverture officielle des rencontres Africa 2017, tenues simultanément pour, leur deuxième édition dans trois capitales africaines, à Nairobi, Abidjan et Tunis, a, aujourd’hui, 5 octobre 2017, juré par ses généralités.

Nous nous attendions à ce que le chef du gouvernement lance des messages clairs définissant les attentes de la Tunisie de la France en tant que premier partenaire économique et avec laquelle il existe des enjeux sécuritaires de grande importance. Mais également avec l’Afrique qui représente l’étendue géographique et économique naturelle de la Tunisie. Mais rien de vraiment concluant.

Youssef Chahed a parlé d’une approche globale progressive avec l’Afrique qui a démarré avec l’ouverture de deux ambassades à Ouagadougou au Burkina Faso et à Nairobi au Kenya. Il a rappelé que la Tunisie est aujourd’hui un membre observateur de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et qu’elle met à disposition le capital humain au service du développement régional, sans oublier le démarrage des négociations pour entrer au marché commun de l’Afrique orientale.

Le chef du gouvernement a conclu par un message adressé aux acteurs du secteur privé: «Je voudrais m’adresser aux opérateurs économiques, créateurs d’opportunités et de richesses ici présents pour leur dire que notre responsabilité est commune, celle de répondre aux attentes légitimes des populations du continent et d’une jeunesse africaine performante et ambitieuse qui aspire à un avenir meilleur».

Edouard Philippe, Premier ministre français, a prononcé un discours plus exhaustif abordant des thèmes brûlants pour son pays comme la démocratie, la sécurité, la démographie et les flux migratoires. Il n’a pas manqué, soit dit en passant, de rappeler le dernier attentat perpétré à Marseille…

Pour remédier à tous ces maux, il ne faut pas que la réponse soit des mots mais des actes et en premier le développement économique: «L’économie ne peut pas résoudre tous les problèmes mais elle est un prérequis pour y arriver».

Citant Tite-Live, historien de la Rome antique, le chef du gouvernement français a déclaré préférer «l’utile à l’éclat», ce qui se traduirait par des réalisations concrètes et utiles autant pour le continent africain -où la France a perdu sa suprématie- que pour l’Hexagone -qui a besoin de renforcer son positionnement dans un continent considéré depuis des lustres comme son «fief».

M. Philippe a insisté sur la dimension méditerranéenne aussi bien de la France que de la Tunisie et sur les défis auxquels sont confrontés les deux pays, particulièrement, de par les flux migratoires non contrôlés entre les deux rives ou encore ceux existants sur les frontières tunisiennes, notamment à cause de la crise libyenne. Il a précisé que la Tunisie est un acteur incontournable et un partenaire essentiel dans la stabilisation régionale.

Flaubert a été aussi présent dans le discours du Premier ministre français à travers son ouvrage Salammbô, soit un clin d’œil à la grande civilisation que fut Carthage. M. Philippe n’a pas manqué de rappeler l’importance de la langue française et l’intérêt que représente pour son pays la tenue du Sommet de la Francophonie en Tunisie en 2020. «La langue française est celle des mots et de l’imagination, une richesse collective», a-t-il affirmé.

Paul Kaba Thiéba, Premier ministre burkinabé, a pour sa part affirmé la volonté de son pays d’ouvrir les horizons à une coopération plus fructueuse entre les pays africains et avec la France : «Il faut renforcer les contrats et les partenariats et encourager les échanges et les investissements… La nation doit se battre pour qu’il y ait du business…».

Pour Wided Bouchamaoui, présidente de l’UTICA, ces «Rencontres» confirment la place importante de l’Afrique dans la politique internationale de la France et démontre une volonté commune de donner un élan significatif à la coopération Afrique-France.

«Aujourd’hui, on ne parle plus seulement de compétitivité de l’économie, ni de l’entreprise, mais de la compétitivité des alliances qui est à même de se mesurer avec les puissances concurrentes qui sont en train de se positionner en Afrique, et les secteurs à développer dans cette optique sont multiples. On pourra citer : le numérique, les secteurs dits traditionnels (agroalimentaires, textile, industries électriques et mécaniques, industries automobile et aéronautique, les BTP), les services ; les secteurs innovants et stratégiques : les énergies, le développement durable et l’économie verte, la santé, l’éducation, les télécommunications et l’environnement», a-t-elle précisé.

Plus de 650 opérateurs économiques participent aux rencontres Africa pour cette deuxième édition. 480 décideurs français se déplaceront entre les 2 et 6 octobre dans les trois pays qui abritent les rencontres à savoir la Tunisie, le Kenya et la Côte d’Ivoire. Ces opérateurs prévoient de rencontrer près de 3600 entreprises africaines.