Dans l’air depuis quelques semaines déjà, l’éviction de Néji Jalloul, ministre de l’Education, du gouvernement a été annoncée dimanche 30 avril 2017 dans la soirée, en même temps que celle de Lamia Boujnah Zribi, ministre des Finances. Mais les deux limogeages n’ont ni les mêmes causes ni les mêmes conséquences.

Il est évident que la ministre des Finances paie très cher sa déclaration sur la valeur réelle du dinar par rapport à l’euro -3 dinars a-t-elle affirmé, en se référant à des experts- qui, lui a-t-on reproché, a fait chuter la monnaie nationale. Les dénégations de Mme Zribi après son retour de Washington n’ont visiblement pas convaincu le chef du gouvernement.

Pour Néji Jalloul, c’est une toute autre histoire que la plupart des Tunisiens –n’en déplaise à Mehdi Ben Gharbia, ministre des Relations avec les Instances constitutionnelles, la Société civile et les Droits de l’Homme, qui a réfuté cette lecture- ont décrypté de la même manière: le ministre de l’Education a été sacrifié sur l’autel des relations du gouvernement avec l’UGTT.

Autant que le timing de l’annonce du remaniement –dimanche soir, à quelques heures du 1er mai, la fête du travail et, partant, de l’UGTT-, apparente accélération des évènements suscite également des interrogations.

Certes, le départ du ministre de l’Education du gouvernement ne faisait plus de doutes depuis que les responsables des syndicats de l’Enseignement primaire et secondaire ont demandé la tête de Néji Jalloul et que la nouvelle direction de la centrale ouvrière l’a officiellement soutenue. Mais on a pu penser que le chef du gouvernement allait pouvoir obtenir de la Place Mohamed Ali de retarder –de deux ou trois mois- le limogeage de M. Jalloul pour l’insérer dans un relativement vaste remaniement afin d’éloigner le soupçon d’une décision prise par Youssef Chahed de son propre chef, et non le couteau sur la gorge. Les choses ne se sont pas déroulées de cette manière.

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Ce qui incite à se demander pourquoi le chef du gouvernement n’a pas attendu cet éventuel remaniement pour se débarrasser de Néji Jalloul. Probablement à cause des troubles sociaux à Tataouine et dans d’autres gouvernorats qui semblent l’avoir poussé à demander le soutien de l’UGTT afin d’y ramener le calme. D’ailleurs, c’est ce que la centrale ouvrière n’a pas manqué –comme par hasard- de lui proposer, et cela le jour même du limogeage du ministre de l’Education.

En effet, de Gafsa où il se trouvait dimanche 30 avril 2017 pour célébrer le 1er mai, Bouali Mbarki, secrétaire général adjoint de l’UGTT, a tendu une perche à un gouvernement qui ne semble plus savoir où donner de la tête face aux mouvements sociaux en cours un peu partout dans le pays.

M.Mbarki a en effet appelé «toutes les parties politiques et civiles» à l’instauration d’un «dialogue social sérieux au sujet de la situation sociale dans le pays», annoncé que la centrale ouvrière «va œuvrer à consacrer cet appel en vue d’examiner la situation du pays, de dialoguer autour de ses problèmes, classer ses priorités, et arrêter une feuille de route claire pour les questions sociales» et, surtout, envoyé un message très clair aux manifestants et aux sit-ineurs en leur disant que «tout en soutenant les demandes des protestataires, (l’UGTT) les appelle à préserver l’intégrité du pays» et à faire en sorte que leurs mouvements «ne soient pas instrumentalisés de manière vile».