Plan 2016 – 2020 : Mention passable!

entrep-tunisie-2013.jpgOn ne voit pas de rupture avec le passé!, c’est l’opinion la plus partagée concernant le plan stratégique nouveau. La nouvelle vision du plan reste assez floue.

Un plan ne vaut que par ses réalisations. Cette réflexion résume le peu d’enthousiasme que rencontre le plan stratégique. Tant qu’à faire on attendra de voir où il peut nous mener, pensent la plupart des observateurs, qui expriment ainsi leur opinion mitigée quant à la consistance du plan. C’est l’esprit qui a prévalu lors de la journée dédiée à l’examen du plan 2016-2020 organisée par l’IACE (Institut arabe des chefs d’entreprise), le mardi 14 juin.

La table ronde organisée à cette occasion était d’un format original. Yassine Brahim, ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération internationale, était challengé par trois experts.

Ainsi, Me Maya Boureghda (avocat dans un cabinet international), évoquera la perspective du PPP. Même si ce mode de financement est en cours dans le pays, c’est la première fois qu’il y est fait mention explicite dans le plan et qu’il dispose d’un cadre légal, à présent; Jacob Kolster, directeur régional de la BAD, évoquera l’aspect du financement; et Pr Adel Hentati, expert international, abordera les problèmes relevant du développement durable.

Le plan en chiffres

C’est seulement dans cinq ans que le pays retrouvera un taux de croissance de 5%. Cela ne soulève pas des montagnes d’enthousiasme (2% en 2016, 3% en 2017, 4,4% en 2018, 4,9% en 2019, et 5,5% en 2020). L’ennui est qu’il est désormais établi dans l’opinion que c’est seulement à partir de paliers élevés soit 7 et 8% que l’on peut transformer la physionomie d’un pays. Le ministre rappela qu’il vaut mieux être réaliste, l’assistance fut dans un état de désenchantement. Il est vrai que le plan, d’une certaine façon, va infléchir la tendance actuelle de monotonie de l’investissement.

Ajouter qu’il intronise l’investissement privé comme moteur de la croissance, de demain. Et, le ministre de rappeler que ces éléments interviennent dans un climat géostratégique agité, avec un voisinage immédiat fortement perturbé et dans un contexte national secoué.

Yassine Brahmi évoque aussi les changements choc introduits par le gouvernement et qui rompent avec le passé immédiat à savoir la réactivité de l’Etat comme acteur économique.

Selon lui, le budget 2016 a été engagé à hauteur de 92% dès le mois de janvier. Mais les chiffres ne lui sont pas tous favorables. Promettre un taux de chômage de 11% à horizon de 2020, pour un pays traumatisé à l’extrême par le chômage des jeunes et des diplômés, ce n’est pas bien enthousiasmant. Et cela nourrit du scepticisme chez l’opinion.

Pas assez audacieux

Le financement est, à n’en pas douter, le talon d’Achille du plan. Jacob Kolster l’a rappelé techniquement. Quand dans un pays le taux de croissance est inférieur au taux d’intérêt réel, cela handicape le retour sur investissement, et le développement économique ne serait pas, fatalement, au niveau attendu. En rappelant les écarts de gestion macroéconomique, en matière de déficit mais principalement en matière d’allocation de la dette pour financer les dépenses courantes, le directeur régional de la BAD a laissé deviner toutes les réserves qu’il porte au plan.

Le plan stratégique ainsi disséqué révèle ses faiblesses. Ainsi en est-il du programme de développement de l’énergie renouvelable. Elle cadre bien avec le 3P. Et, son financement ne semble pas poser problème, en soi. Mais c’est la réflexion autour des monopoles d’Etat -STEG, ONAS et SONEDE- qui gêne. Cette problématique n’est pas encore tranchée. Sans compter que le 3P n’est pas la panacée. A titre d’exemple, pour un pays comme la France, champion du 3P en Europe, cela ne représente que 5% du volume de l’investissement public. Cela procurera un appoint. Financer la station d’épuration d’El Hassine, dans la banlieue de Tunis, sur le mode 3P est un challenge. Mais il ne sera pas structurant pour le reste de l’économie.

Sur le registre des grands projets, le port en eaux profondes ou le maillage routier du pays par les routes corridors à double voie, laisse une impression de déjà vu. Mettre beaucoup d’espoir sur la conférence internationale pour le financement des grands projets prévue pour le mois de novembre prochain est à soutenir absolument. Cela donnera-t-il la cohérence économique d’ensemble tant attendue? Ce n’est pas dit.

Un plan “ touche à tout“

On annonce que le plan est construit autour d’une vision. Or, cette vision, selon la majorité des observateurs, n’est pas bien perceptible. Le ministre avait coutume de dire que ce plan doit apprêter la Tunisie à se hisser au niveau d’un hub économique régional. L’ambition est par trop générique. On ne voit pas de quelle manière le plan y prépare le pays. Et c’est bien cette impression qu’on résume en rappelant qu’un plan ne vaut que par ses réalisations.

Des participants ont rappelé que la planification moderne est plus précise. Partout dans le monde, de la Finlande au Chili, l’objectif du plan devient “le pays se hissera dans le peloton des cinq premiers dans le monde concernant tel secteur d’activité“.

Le plan actuel aurait eu plus de mordant selon les participants s’il avait projeté que grâce à la jonction des IT et les soins médicaux, la Tunisie figurerait dans le peloton de tête, mettons le “Top five“, des destinations de santé du bassin méditerranéen. Cette projection aurait eu plus de sens, pour la simple raison qu’elle est concrète et précise. Quitter le statut de destination économique de low cost et s’arrimer aux chaînes de valeur internationale est un objectif flou.

Le ministre a semblé assez décontenancé face à ce genre de remarques pertinentes et acérées. Il faut qu’il mesure la déconvenue de l’opinion qui ne voit pas dans ce plan la perspective de rupture avec le passé, tant attendue. D’où l’accueil critique qui lui est réservé. L’impression générale est que c’est un plan touche-à-tout.Or,qui sert à tout ne suffit à rien. La grande carence du plan aura été le manque de contenu en matière de politique sectorielle. On ne sait sur quel secteur d’activité le pays va construire la progression de sa compétitivité. Cela fait un déficit de profilage.

                                                2011 -2015                2016-2020

Investissement total                     80 MD*                         120 MD*

En Pourcentage du PIB                  19,4 %                            24%

Investissement public                    35 MD*                        45 MD*

Investissement privé                     34 MD*                         57 MD*

IDE                                              11 MD*                          18 MD*