Tunisie – Economie : L’AJECT inquiète du volume des mesures fiscales de la LF 2016

Par : Tallel

aject-code-investissement-680.jpgL’Association des jeunes experts-comptables de Tunisie (AJECT) a organisé, le 9 courant, une journée dédiée à la nouvelle loi de finances 2016, et ce au siège de l’Institut arabe des chefs d’entreprise, en présence d’environ 200 experts-comptables membres de l’Association.

Le président de l’AJECT, Mehdi MAAZOUN, a ouvert la journée en rappelant les efforts déployés par son association au niveau du projet de loi de finances, qui ont notamment contribué à la suppression, dans la version finale, de certaines dispositions dangereuses prévues initialement telle que la levée du secret professionnel et le rejet de comptabilité.

Au cours de la première partie de la journée, Mustapha MEZGHANI, PDG de Tunisie TradeNet ou “TTN“ (société sous la tutelle du ministère des Finances), a présenté les spécificités techniques et procédurales de la facture électronique. Cette dernière, qui n’était pas admise sur le plan fiscal auparavant, constitue une nouveauté apportée par la loi de finances 2016 et un pas important pour la modernisation et le développement de la numérisation.

Le déploiement de cette nouvelle solution, sa sécurisation et son archivage seront assurées par TTN. Ceci sera confirmé par le décret d’application qui paraitra dans les prochains jours, selon Mustapha Mezghani.

En effet, le recours à la facture électronique n’est obligatoire que pour les entreprises qui relèvent de la Direction des grandes entreprises (DGE), et il reste optionnel pour les autres. En outre, les entreprises ont la possibilité de combiner entre les factures électroniques et les factures papier.

M. Mezghani a également mis l’accent sur le rôle des experts-comptables en tant qu’acteurs majeurs pour la réussite de la mise en place de cette solution à travers leurs accompagnements aux entreprises.

Les membres de l’AJECT présents ont rappelé de leur engagement permanent et de leur disponibilité pour collaborer dans tous les projets de modernisation de l’administration, tout en suggérant la mise en place de la liasse fiscale et le fichier des écritures comptables avec la suppression d’obligations de forme qui n’ont plus aucune raison d’être, tels que les livres manuels côtés et paraphés ainsi que l’obligation de dépôt des logiciels au niveau du bureau de contrôle des impôts.

Dans la deuxième partie de la journée, Faez Choyakh, expert-comptable, a exposé les principales mesures et difficultés d’application des dispositions fiscales de la loi de finances 2016. Au-delà de l’analyse des nouveautés fiscales apportées par ladite loi de finances, l’expert a mis en exergue le phénomène de profusion des textes fiscaux.

Au cours des débats, les jeunes experts-comptables ont insisté sur l’importance de sécurisation de la situation fiscale des contribuables transparents, et ce à travers le réexamen des dispositions qui, en raison de leur caractère laconique ou ambigu, risquent de placer ces contribuables dans une situation de risque fiscal.

Ainsi, la mesure instituant la retenue à la source sur les établissements stables non déclarés et celle relative l’énumération législative des cas de rejet de la comptabilité, dont l’inconstitutionnalité a été reconnue, ont été particulièrement discutées.

Ils ont également insisté sur la complexité croissante du droit fiscal tunisien, particulièrement le volume important de la loi de finances pour 2016 qui a été souligné, avec ses 231 pages du JORT (Journal Officiel de la République Tunisienne), ses 92 articles (dont 5 rejetés par l’Instance provisoire de contrôle de la constitutionnalité des lois) et ses 77 mesures fiscales.

D’ailleurs, avec cette dernière loi de finances, le nombre de mesures fiscales promulguées depuis 2012 a dépassé les 350.

Or, comme il a été souligné lors de l’analyse des dispositions fiscales de la loi de finances, une complexité pareille entraîne les conséquences négatives suivantes:

–      elle remet en cause l’égalité devant la loi, qui ne peut être effective si les citoyens ne disposent pas d’une connaissance suffisante des règles qui leur sont applicables;
–      elle favorise les grandes entreprises au détriment des particuliers et des PME qui n’ont pas la taille critique nécessaire pour disposer de spécialistes du domaine fiscal;
–      elle est un facteur favorable à la fraude, étant donné qu’une règle fiscale simple et rudimentaire ne se prête pas à la fraude. Bien souvent, cette complexité est à l’origine d’incohérences et de lacunes exploitées habilement par les plus avertis;
–      la complexité est aussi source de contentieux permanent. Les plus avertis contesteront les redressements basés sur une fraude à la loi, alors que les moins avertis contesteront les conditions avec lesquelles la loi complexe leur a été appliquée.

Parmi les recommandations formulées par les jeunes experts-comptables, à la fin de leur journée d’étude, il a été préconisé de:

–      mettre en place d’un mécanisme d’évaluation périodique de la qualité de la loi fiscale;
–      améliorer la qualité du débat public précédant la promulgation des lois fiscales;
–      améliorer la qualité de rédaction de la norme fiscale, dans un souci de clarification et de simplification;
–      valoriser les exposés des motifs des lois fiscales afin de mieux connaître la volonté du législateur;
–      réformer l’enseignement de la fiscalité;
–      instituer une analyse systématique d’impact de la réglementation fiscale.

Rappelons que l’Association des jeunes experts-comptables est une association scientifique à but non lucratif et apolitique, créée et composée par des jeunes experts-comptables diplômés, qui a toujours été reconnue par son dynamisme et sa contribution scientifique et professionnelle dans les domaines comptable, fiscal, d’audit financier et de management.