France : la reprise s’installe mais pas assez pour redistribuer les fruits de la croissance

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économique tant attendue en France est enfin sur les rails (Photo : Philippe Desmazes)

[19/06/2015 13:29:35] Paris (AFP) La reprise économique tant attendue en France est enfin sur les rails, mais le gouvernement devrait prendre garde de ne pas redistribuer trop rapidement les premiers fruits de la croissance, estiment des économistes interrogés par l’AFP vendredi.

L’Insee a publié jeudi ses premières prévisions pour la croissance en 2015 et prévoit une accélération, tablant sur une hausse du produit intérieur brut de 1,2% en moyenne sur l’année, un chiffre supérieur à la prévision officielle du gouvernement qui, prudent, s’en tient toujours au chiffre de 1%.

“Il faut rester modeste et continuer à travailler”, a déclaré vendredi le Premier ministre Manuel Valls en visite au salon du Bourget. “Mais ces prévisions sont encourageantes, elles viennent confirmer les très bons indicateurs de ces derniers mois”, a-t-il ajouté.

Ce pronostic est en revanche en ligne avec les prévisions d’autres institutions telles que la Banque de France ou le FMI, et de nombre d’économistes.

“On retrouve des rythmes de croissance qui se rapprochent de rythmes qu’on peut considérer comme une reprise”, commente Mathieu Plane, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), soulignant que pour l’heure la France est seulement dans une “phase de transition”.

“L’enjeu de 2015 est de tout remettre en route pour qu’ensuite la croissance soit capable de s’auto-entretenir davantage”, renchérit Philippe Waechter, économiste en chef chez Natixis. “L’année prochaine, je pense qu’on aura des chiffres de croissance plus élevés qu’aujourd’hui”, ajoute-t-il.

– Une reprise encore modeste –

En attendant, “dire qu’on a fait 1,2% de croissance devient désormais presque un cri de victoire”, relève Denis Ferrand, de l’institut COE-Rexecode. “Quand on présentait une prévision de croissance de 1,2% il y a dix ans, c’était vraiment les vaches maigres”, observe-t-il.

Or, pour l’analyste, pour que la reprise s’installe vraiment, l’investissement doit être au rendez-vous et l’emploi redémarrer suffisamment pour faire baisser le chômage. “On n’y est pas encore”, dit-il. Selon l’Insee, la croissance en 2015 permettra uniquement de stabiliser le chômage, et n’enclenchera pas une inversion de sa courbe. L’investissement devrait pour sa part aller sur une pente ascendante, mais rester encore “modeste” par rapport aux niveaux de 2010 et 2011.

Malgré tout, avec une hausse de 1,2% du PIB, le gouvernement retrouve un peu de souffle après des années de vaches maigres et pourrait être tenté de commencer à redistribuer les fruits de la croissance.

Des observateurs ont vu dans certaines récentes annonces du président François Hollande une volonté de faire quelques cadeaux aux Français à l’approche de la présidentielle, à l’image du coup de pouce à la rémunération des salaires aux fonctionnaires à partir de 2017, ou de la vraie-fausse année blanche fiscale liée à la retenue à la source.

“On peut penser qu’avec la croissance le gouvernement retrouve un peu de marge de manoeuvre, il peut à la fois respecter la trajectoire de déficit et redéployer un peu de pouvoir d’achat”, estime Mathieu Plane, pour qui ces annonces ne représentent “pas des dizaines de milliards d’euros” et ne changent pas la trajectoire de déficit public, fixée à moins de 3% en 2017.

“Quand vous soutenez les ménages, ça fait un peu plus de consommation, ça fait un peu plus d’investissement, donc plus d’activité pour les entreprises”, observe-t-il.

Ce n’est pas avec 1,2% de croissance que l’on va pouvoir “rééquilibrer les comptes publics”, oppose Philippe Waechter. “Dès qu’on a un souffle de croissance un peu plus marqué, au lieu d’imaginer arbitrer dans les dépenses, on a un peu tendance à dépenser un peu plus”, dit-il, estimant que cela pourrait être “pénalisant” pour les ménages qui devront au final financer ces nouvelles dépenses.

“Le risque est de consommer assez rapidement le petit surcroît de croissance que l’on peut avoir en distribution de cagnottes qui seraient de toutes petites cassettes avant de devenir de vrais coffres”, abonde Denis Ferrand.

“Vous ne pouvez pas dire + je fais une vraie maîtrise des finances publiques pour in fine avoir des marges de manoeuvre en terme d’abaissement de fiscalité+ (…) et dans le même temps dire + je lâche les vannes sur pas mal d’aspects de la politique économique+”, juge-t-il.