Bernard Maris, économiste iconoclaste et vulgarisateur hors pair

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à Paris (Photo : Joel Saget)

[07/01/2015 17:08:29] Paris (AFP) Bernard Maris, économiste iconoclaste de gauche qui a été tué mercredi à 68 ans dans l’attentat contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, était un homme “tolérant et bienveillant”, reconnu pour la qualité de sa pensée et son art de la vulgarisation.

“C’était un homme tolérant, bienveillant, amical, bourré d’humour et surtout ne se prenant pas au sérieux”, a raconté à l’AFP, manifestement ému, l’éditorialiste des Echos Dominique Seux, qui débattait avec lui chaque semaine sur France Inter.

“Bernard Maris était un homme de c?ur, de culture et d’une grande tolérance. Il va beaucoup nous manquer”, a déclaré de son côté dans un communiqué Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, saluant celui qui a été nommé en 2011 au conseil général de la banque centrale.

Diplômé de l’Institut d’études politiques de Toulouse en 1968, agrégé de sciences économiques en 1994, il avait récemment achevé sa carrière d’enseignant-chercheur à l’université Paris 8 après un détour plus ancien par Toulouse I.

Mais ce chercheur reconnu, né le 23 septembre 1946, était familier de beaucoup pour ses multiples interventions à la radio et à la télévision et ses tribunes dans la presse.

– Journaliste-économiste –

Actionnaire de Charlie Hebdo depuis 1992, il rédigeait dans l’hebdomadaire satirique chaque semaine une chronique signée “Oncle Bernard”, qui “faisait référence” selon Dominique Seux. Et illustrait ses talents de vulgarisateur jusqu’à devenir tellement inclassable qu’il était souvent présenté comme un “journaliste-économiste”.

Il a d’ailleurs écrit de nombreux ouvrages aux titres évocateurs parmi lesquels “Ah que la guerre économique est jolie !” en 1998 ou “Marx, oh Marx, pourquoi m’as-tu abandonné?” en 2010. Mais ce sont ses “Anti-manuels d’économie” sortis au début des années 2000, et dont le premier tome est consacré aux fourmis et le second aux cigales, qui ont connu le plus de succès.

“C’est tellement emmerdant l’éco ! Faut reconnaître que c’est plus agréable de lire de la poésie? Et en même temps, ça nous concerne tous. Alors, mon vrai plaisir ? en dehors de la petite satisfaction personnelle et égocentrique de voir ma trombine dans les médias ? est de me faire apostropher par un auditeur ou un télespectateur me disant: +Avec vous, on comprend!+, avait-il ironisé dans un entretien avec Telerama en 2008.

Originaire du sud-ouest dont il avait gardé un bel accent qui le rendait reconnaissable dans n’importe quel débat, l’économiste a longtemps défendu les thèses de la décroissance, prônant les valeurs de l’économie collaborative et participative et fustigeant les ravages de la société de consommation.

“Je ne me réveillerai plus jamais avec Bernard Maris le vendredi matin….Infinie tristesse, encore.”, tweete une auditrice, au milieu d’une déferlante d’hommages sur le réseau social.

“Chez moi il y a des Cahiers Pédagogiques, des Charlie Hebdo et l’antimanuel d’économie de Bernard Maris vraiment…”, renchérit une autre, rappelant l’engagement profondément ancré à gauche de cette personnalité atypique.

– Un anti-libéral à la Banque de France –

“On peut dire de lui qu’il était anti-libéral, de gauche…, anarcho-keynesien”, décrit Dominique Seux, insistant sur le fait qu’il représentait “la pensée économique de nombre de Français”.

Membre du conseil scientifique d’Attac et candidat des Verts aux législatives de 2002, Bernard Maris était aussi un universitaire reconnu. En 2011, le président du Sénat Jean-Pierre Bel avait créé la surprise en le choisissant pour intégrer le conseil général de la Banque de France.

Récemment, Bernard Maris s’était attiré les foudres, y compris à gauche, après avoir pris position pour la disparition de l’euro.

Toujours sur plusieurs fronts, il avait publié en 2014 “Houellebecq économiste” (Flammarion). Il voyait en effet dans les romans de l’écrivain provocateur une analyse lucide des rapports économiques, du monde du travail et de la désindustrialisation.

Bernard Maris, père de deux enfants, défendait enfin la mémoire de l’écrivain Maurice Genevoix, grand témoin de la guerre de 14-18, dont il avait épousé la fille, Sylvie Genevoix.