Le secteur du bâtiment en Tunisie en muette agonie

btp-construction-01.jpgIl s’agit d’un secteur qui représente parfaitement l’état de santé de l’économie, et ce en termes de croissance, d’accroissement des investissements, de formation du capital fixe, de création de postes d’emploi et d’amélioration des conditions de vie des populations. Cependant, le secteur commence à souffrir de problèmes structurels: les retombées des évènements du 14 janvier 2011, les modalités d’octroi des marchés, leurs qualités, l’évolution des prix des matières premières, le financement bancaire, les modes des règlements et la carence de la main-d’œuvre qualifiée.

Ainsi, on constate chez les entrepreneurs une montée de mécontentement et de désarroi face à des probabilités élevées de défaut voire de faillites en masse.

Le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) regroupe, conceptuellement parlant, l’ensemble des activités de conception et de construction des bâtiments publics et privés, industriels ou non, et des infrastructures telles que les routes ou les canalisations.

Il compose l’un des piliers de la croissance en Tunisie. Ce secteur réalise un chiffre d’affaires annuel moyen s’élevant à 5 milliards de dinars, participe à la formation d’environ 7% du Produit Intérieur Brut, en se positionnant, ainsi, au 4ème rang sectoriel. Sur le plan de l’investissement, il contribue à raison de 25% des investissements globaux du pays et rassemble 2.800 entreprises, dont 100 emploient plus de 100 employés permanents.

L’importance du secteur dans la sphère socioéconomique est réelle puisqu’il emploie directement 40.000 personnes dont plus de 500 ingénieurs conseils, et il fait appel à 9 bureaux de contrôle technique et à 10 bureaux d’études de renommée internationale.

Il possède un potentiel important en matière de services à l’export mais qui est sous-exploité du fait qu’il ne draine qu’un volume de 1,7 milliard de dinars d’engagements extérieurs.

Trois textes de lois organisent le secteur régi par la Haute instance de la commande publique, à savoir: la Loi n° 2005-60 du 18 Juillet 2005 modifiant et complétant la loi n°91-64 du 29 juillet 1991 relative à la concurrence et aux prix; le décret n°2014-764 du 28 janvier 2014 fixant les conditions et procédures du ministère d’avocats pour représenter les organismes publics auprès des tribunaux et instances judiciaires, administratives, militaires, de régulation et arbitrales; et la circulaire n°19-2011 du 10 septembre 2011 du 06 décembre 2012 assouplissant davantage les procédures de passation des marchés publics.

Vue globale sur le secteur BTP

«Quand le bâtiment va tout va», a-t-on l’habitude de dire. Mais quelles filières et corps de métiers se cachent derrière ce terme de BTP ou Bâtiment et Travaux Publics? Quel poids économique représente le secteur? Et quels sont les défis de demain de ce secteur?

Le secteur regroupe deux filières principales. Le bâtiment constitue la première filière et correspond à la construction d’édifices très variés tels que logements, immeubles, bâtisses commerciales, unités scolaires, complexes sportifs, bureaux, usines, etc. Les entreprises de bâtiment assurent la réalisation et l’aménagement de tous ces bâtiments et ceci va de la maçonnerie à la charpente, en passant par la menuiserie, le revêtement, la peinture, mais aussi la plomberie, l’électricité, le chauffage.

A ce titre, on observe une intervention massive de corps de métiers nécessitant un pilotage et une synchronisation aussi bien technique que financière.

Au niveau des travaux publics, le créneau portent sur la construction des voies de transport et de communication (routes, voies ferrées, ports, tramways, ponts, réseaux de communication), des ouvrages améliorant le cadre de vie des populations (éclairage public, voies piétonnes) ou l’environnement (collecte et traitement des eaux usées, des déchets), des édifices dédiés à la production d’énergie (éoliennes, barrages…) et destinés à acheminer eau potable, électricité et gaz.L’évolution des marchés de la construction repose sur des facteurs multiples à l’instar de la conjoncture, les

comportements des acteurs économiques privés et publics, les prix des matériaux, le taux d’intérêt, le pouvoir d’achat des ménages, et l’évolution démographique qui filent amplement aux décisions des entreprises de la construction elles-mêmes.

Ainsi, pour le bâtiment, les principales incertitudes sont relatives au degré d’industrialisation de la filière ou encore aux politiques publiques incitatives en la matière. Mais ce ne sont pas les seules interrogations, il faut également mesurer l’impact à la fois aux plans quantitatif et qualitatif des évolutions de nature sociologique ou démographique qui risquent d’impacter l’activité de la construction et/ou celle de l’amélioration et l’entretien.

Pour les travaux publics, ce sont ici les enjeux relatifs à la vie publique et politique qui sont fondamentaux, comme la problématique du cycle politique et du cycle de l’investissement ou encore celle des conditions dominant les équilibres des finances publiques.

La normalisation au service de la filière du bâtiment et des travaux publics

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Source : Article de Carole Le Gall, Edition du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, décembre 2008.

Comme tout projet, les chantiers du secteur du BTP sont analysés eu égard à la génération capitalisée des revenus, via des listes de contrôle en matière d’évaluation des coûts estimés et du plan de financement base de la préparation des prévisions financières.

Le secteur bâtiment et travaux publics en Tunisie : Les risques!

Depuis le début des années 1990, l’activité du BTP en Tunisie s’est accrue régulièrement, en particulier sous l’effet de la progression du rythme de réalisation des investissements notamment liés à l’infrastructure. Toutefois, le secteur a commencé à traverser, à partir de 1998, une période difficile en raison de l’essoufflement de l’investissement privé et de la lourdeur bureaucratique.

Les mesures conjoncturelles d’incitation fiscale n’ont pas permis, cependant, de rétablir la situation, et l’activité a montré des signes de ralentissement qui se sont confirmés particulièrement en 2006. Cet essoufflement est dû au ralentissement remarquable des projets régionaux. Il en était de même pour les travaux de reconstruction et de réparation dont le volume est difficilement quantifiable.

Dernièrement et en raison des coups durs essuyés par le secteur tout au long des trois ans de morosité qui ont suivi les évènements du 14 janvier 2011, les responsables de la Fédération nationale des entrepreneurs du bâtiment et des travaux publics indiquent que les défis sont importants et il incombe à toutes les parties prenantes de les relever.

Ils invoquent, principalement, la flambée des prix des matières premières, la spéculation et l’abstention des banques à soutenir les employeurs.

Les professionnels témoignent que le secteur des travaux publics souffre, pareillement, d’un grand problème de transparence et ce, malgré l’existence d’un Observatoire des marchés publics et d’un Comité de suivi et d’enquête qui a été créé au sein de la Commission supérieure des marchés publics auprès du Premier ministère et qui a instauré un système d’information permettant la collecte, le traitement et l’analyse des données relatives aux marchés publics.

Répartition du nombre des marchés par type

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Source : L’Observatoire national des marchés publics

Les acteurs du secteur avancent qu’aucune information n’est publiée, ou n’est accessible au public, ni aux entreprises. Une certaine culture du secret et un silence qui méritent d’être levés en mettant en ligne ces informations du moment que l’administration n’a pas de reproche à se faire. La divulgation de ce type d’information pourra éviter les positions dominantes et une meilleure distribution des projets sur le marché sur la base du prix pondéré pour un produit donné ou une prestation, etc.

Il est clair qu’au vu d’une législation hypothétique pour le fonctionnement normal du secteur et dont la révision nécessiterait, probablement, des années, et considérant la crise sévère de liquidité des établissements de crédit locaux qui ont enregistré, à ce niveau, un gap de 4,714 milliards de dinars à fin février 2014 -ce qui plonge depuis plusieurs mois l’économie nationale dans un contexte de resserrement de crédit de gravité jamais connue-, deux issues essentiellement pourraient être envisagées pour sauver le secteur BTP en Tunisie.

D’abord, il faut tirer les leçons de la manière avec laquelle a été gérée la dette extérieure tunisienne dont une infime partie a été orientée au financement des projets de développement sous la pression d’un déficit colossal engendré par l’ampleur du volume des dépenses de fonctionnement engagées durant les deux dernières années, d’une manière particulière.

La deuxième piste de sortie pourrait être à travers la conquête des marchés extérieurs bien que le soutien de l’Etat soit fondamental pour réussir cette démarche via l’assistance des organismes nationaux d’appui.

Et pour cause, la filière nationale du bâtiment et travaux publics est l’un des secteurs qui se retrouve, après des mois de destruction et de troubles politiques et sociaux, au centre des priorités de plusieurs gouvernements africains et autres. C’est indispensable d’étudier et de cerner les opportunités de partenariats dans ce secteur en organisant des rencontres bilatérales avec la participation des entreprises et de l’ensemble des intervenants et des parties prenantes.

Actuellement, le souci majeur de nos entreprises est de reconquérir de nouveaux marchés où la concurrence est déjà dure et où les intervenants locaux n’acceptent plus de jouer le rôle de spectateurs et comptent être partie prenante dans les différents projets.

Les experts du secteur concluent que les entrepreneurs tunisiens ont la volonté, après les événements du 14 janvier 2011 dans les pays sus indiqués, de promouvoir un travail commun en vue de constituer des entreprises mixtes de bâtiment et travaux publics pour être au-devant des entreprises qui seront chargées d’édifier de gros projets.

Pour relever ce défi, les entreprises tunisiennes devraient veiller à renforcer la qualité de leur main-d’œuvre et d’établir des partenariats porteurs. Un partenariat gagnant-gagnant avec des entreprises solides serait, à notre avis, un atout majeur pour bien se positionner sur le marché régional dans une première étape, et sur la scène internationale dans une seconde phase.

L’évolution des marchés du secteur du bâtiment et des travaux publics nécessite, par ailleurs, de valoriser les techniques récentes et les nouveaux procédés, mais aussi à favoriser la veille technologique et les contacts d’affaires entre professionnels dont les constructeurs, les représentants, les exportateurs et les importateurs.