Guerre de Crimée : Le contingent tunisien participe âprement aux combats

 

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La Tunisie a participé à la guerre de Crimée (1853-1856). Le contingent tunisien, venu prêter main forte aux troupes de l’Empire ottoman, va même s’illustrer. Notamment dans la bataille de Batakava (ancienne citée intégrée aujourd’hui à la ville de Sébastopol, située au sud-ouest de Crimée), en octobre 1854.

Rassurez-vous, un contingent tunisien n’est pas engagé aujourd’hui en Crimée, dans cette péninsule de l’Ukraine, qui connaît, depuis le 21 février 2014, un nouvel épisode de l’ère postsoviétique. Il y a un peu plus d’un siècle et demi, des militaires tunisiens vont être, cependant, mobilisés dans cette partie du monde à l’occasion précisément de la guerre de Crimée (1853-1856). Une guerre appelée ainsi parce qu’elle se déroula principalement autour de la mer Noire et plus particulièrement en Crimée en grande partie. Les militaires tunisiens seront appelés à la rescousse par l’Empire ottoman, qui a encore des liens avec la Tunisie gouvernée par les Husseinites. Des Ottomans, qui se trouvent dans cette guerre, notamment dans la même tranchée que les Français et des Britanniques. Qui décident de barrer la route à la Russie conquérante du tsar Nicholas 1er.

Celui-ci, soucieux d’avoir un débouché sur la mer Méditerranée -comme l’histoire se répète-, décide d’occuper, en juillet 1853, la Moldavie et la Valachie (actuellement région du sud de la Roumanie), vassales de l’Empire ottoman. Une conquête qui ne manque pas de motivation religieuse: le tsar souhaite défendre les communautés chrétiennes orthodoxes de l’Empire ottoman. La Sublime Porte lui déclare la guerre.

Bref, la guerre est déclarée à la Russie, en octobre 1854. Les ennemis de la Russie la gagneront. Et imposeront au tsar Alexandre II, qui succède à Nicholas Ier, de conclure, en 1956, un traité (le Traité de Paris) qui met fin à la guerre et par lequel les Russes reconnaissent l’indépendance de l’Empire Ottoman. Dont les troupes, disent nombreux historiens, vont étonner les troupes tsaristes.

Le contingent tunisien défend trois des quatre fortifications autour de de Sébastopol

Ces troupes comportent de nombreux soldats appartenant aux troupes dites auxiliaires, venues des provinces ottomanes. Dont celles de la Tunisie. Les troupes tunisiennes compteraient entre 10.500 et 12.000 hommes. Les historiens ne sont pas d’accord sur l’effectif mobilisé. Ahmed Ibn Abi Dhiaf parle même, dans son «Ithaf Ahl al-zaman bi Akhbar muluk Tunis wa ‘Ahd el-Aman» («Présent des hommes de notre temps. Chroniques des rois de Tunis et du pacte fondamental»), de la participation de 14.000 combattants.

Ces mêmes historiens sont cependant d’accord pour insister sur la bravoure et le courage de l’infanterie et de l’artillerie tunisiennes, placées sous le commandement des généraux Rechid, Chaouch et Osman. Les Tunisiens s’illustrent notamment dans la bataille de Batakava (ancienne citée intégrée aujourd’hui à la ville de Sébastopol, située au sud-ouest de Crimée), en octobre 1854.

Le contingent tunisien avait «la charge de défendre trois des quatre fortifications autour de la ville de Sébastopol», assure Andrew McGregor. Ce dernier souligne que «le général russe, Pavel Liprandi, affirme que lors de l’entrée de ses troupes dans les redoutes (fortifications), ils découvrent les traces de combats et d’une résistance acharnée». (Voir, à ce propos, Andrew McGregor, «The Tunisian Army in the Crimean War: A Military Mystery», Military History Online, 28 décembre 2006).

Des militaires formés à l’Ecole militaire du Bardo

Ces militaires ont été formés pour l’essentiel à l’Ecole militaire du Bardo (ou l’École polytechnique du Bardo), institution d’enseignement militaire, fondée en 1837 par Ahmed Bey. Bey réformateur et jaloux de sa tunisianité. L’école est fondée d’ailleurs l’année même de son accession au pouvoir. Ahmed Bey mourra en 1855.

On sait qu’Ahmed Bey avait de grandes ambitions pour la Tunisie. Mongi Smida note dans le chapitre qu’il a consacré à «La Tunisie husseinite au XIXème siècle», dans le troisième tome de «L’Histoire générale de la Tunisie» (Tunis : Sud éditions, 2010, page 327 à page 448), qu’Ahmed Bey se refusait à «être le souverain d’un Etat que la faiblesse des moyens apparente à une simple province impériale».

Evidement, il n’est pas homme à faire les choses à moitié lorsqu’il s’est agi d’engager des troupes dans la guerre de Crimée. L’historien tunisien Ahmed Ibn Abi Dhiaf raconte, à ce propos, dans le menu détail, l’effort entrepris par Ahmed Bey dans cette direction. Il est allé jusqu’à envoyer le ministre Kheirreddine en France pour lever des fonds (Voir «Ithaf Ahl al-zaman bi Akhbar muluk Tunis wa ‘Ahd el-Aman», Tunis: la Maison Arabe du Livre, 2001, page 156 à page 162).