Tunisie-Tribunal militaire : Requiem pour une justice impartiale en Tunisie

Par : Autres

tribunal-militaire-320.jpgLe procès des morts et blessés de Thala, Kasserine, Le Kef et Tajerouine qui se tient depuis plusieurs semaines devant la cour d’appel militaire de Tunis, transmis en partie par les médias y compris par la chaîne de télévision nationale, retient l’attention de l’opinion publique et des observateurs avisés. Il permet de déterminer les responsabilités des personnes directement impliquées dans les événements dramatiques survenus dans notre pays durant la période de la «révolution».

Le rôle de la justice militaire est déterminant pour rétablir la vérité et séparer les actes incriminés des allégations non fondées. Autant les parents des morts et des blessés ont le droit de savoir comment leur progéniture ont connu un tel sort, et quelles sont les personnes responsables d’événements aussi tragiques. Autant les prévenus, les présumés innocents jusqu’à preuve du contraire, ont droit à un procès équitable qui tienne compte du principe de la présomption d’innocence. Un principe sacrosaint qui doit normalement être affirmé dans un Etat qui se veut démocratique et respecté parce que devant servir d’exemple pour les jours et mois à venir dans un contexte où la transition s’étale de plus en plus dans le temps.

Le principe du contradictoire dénommé aussi principe d’«égalité des armes» ou du «respect des droits de la défense» représente une condition sine qua none pour un procès équitable devant une juridiction : «il inspire, explique et justifie de nombreuses règles de procédure, formalités ou modalités pratiques d’organisation du procès, dont le respect et la mise en œuvre ont pour but de garantir que toutes les parties concernées aient pu s’exprimer sur l’ensemble des composantes du débat judiciaire : les faits du litige, les arguments en conflit ou d’autres questions encore (preuve de certains faits invoqués, qualité et valeur de pièces ou documents produits au cours des débats, organisation d’expertises, etc.… »). Ce principe garantie le statut d’une justice sereine impartiale et respectueuse de la dignité humaine.

La justice est censée respecter les droits des justiciables, tous les justiciables et de les juger selon ce que stipule la loi, sans prise de partie et en toute objectivité. Qu’elle soit civile ou militaire, il ne faut pas oublier que dans procès pénal qui suppose la possibilité de prononciation de peines privatives (emprisonnement privant de liberté durant des années voire des décennies), il est impératif de respecter les droits de toutes les parties. Un droit qui ne peut en aucune manière être garanti par des juges qui se sentent eux-mêmes impliqués et ne prennent pas le recul nécessaire par rapport aux affaires qui leur soumises, y perdent objectivité et impartialité.

Le respect des standards internationaux relatifs à la bonne administration de la justice, de la déclaration des droits de l’homme der la justice. En voyant la manière avec laquelle est menée l’interrogatoire des prévenus et parfois même des témoins par le Président de la Cour d’appel militaire, nous nous demandons si ces principes, ces standards et cette sérénité indispensable pour identifier les coupables sont bien respectés. (Voir vidéo) Nous avons l’impression que les jugements sont rendus avant même qu’il y ait procès ou que le procès est mené dans le sens d’enfoncer les prévenus. Des fois nous entendons des propos provocateurs et même offensants, la condescendance voire le mépris affiché à l’égard des prévenus n’est pas digne d’une Tunisie post-révolution qui se veut soucieuse du respect de l’être humain avec un grand H.

Nous avons beaucoup de respect pour notre justice militaire et la noble tâche qui lui est confiée. C’est précisément ce respect qui nous permet de rappeler que lorsque les juges s’emportent, ils perdent leur capacité à juger les faits et la sérénité qui leur permet de bien administrer la justice.

Nous déplorons que le Président du tribunal militaire, faute de s’atteler à juger objectivement les faits soumis devant lui, se soit attelé à vanter les mérites de la « révolution » et stigmatiser l’ancien régime. Un régime dans lequel il occupait un poste en tant que haut fonctionnaire de l’Etat.

Nous aurions admiré l’exercice d’un président de tribunal lequel en bon professionnel se concentre plus les faits avant imputation aux personnes responsables et évite les jugements de valeurs ou les idées préconçues. Un président qui ne prenne pas compte des bruits de la rue ou des positions personnelles. Nous en sommes à nous demander s’il ne s’est pas transformé en un procureur général prenant fait et cause pour une partie en ne s’empêchant pas de le montrer de manière ostentatoire et de citer les propos d’un avocat de la partie à l’appui de son jugement intempestif. Pourquoi une telle attitude ?

N’est-il pas légitime compte tenu de tout ce qui précède que l’impartialité supposée requise devant un procès de cette importance !!!

Ce procès aura le mérite de nous avoir permis de déceler les talents oratoires révolutionnaires du «Che» du tribunal militaire.

Nous aurions souhaité que le président du tribunal militaire prenne de la distance par rapport aux faits et se mette au dessus des polémiques qui ont, pendant longtemps, hanté nos rues, nos médias et même nos soirées familiales.

Nous osons espérer que seul le patriotisme exacerbé du président du tribunal militaire l’a incité à diriger ainsi un procès dont les répercussions autant aux échelles nationales qu’internationales se feront ressentir tôt ou tard. Et donc ce cas, quelle image la Justice tunisienne, qu’elle soit civile ou militaire offrira-t-elle au monde ?

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