Amazon, Yahoo, Google : la France en guerre contre les géants américains

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Le logo de Google (Photo : Lionel Bonaventure)

[04/06/2013 14:14:31] PARIS (AFP) Amazon, Yahoo, Google… Fer de lance de la défense de l'”exception culturelle” dans une Europe désunie, la France et son gouvernement socialiste ont trouvé ces derniers mois un fil conducteur pour tenter de mettre au pas les plus grands opérateurs américains d’Internet.

La puissance de l’Etat contre la cupidité du capital, la régulation contre la main invisible du marché, la volonté politique contre la règle d’airain de l’offre et de la demande : la ministre française de la Culture Aurélie Filippetti est en ce début de semaine la protagoniste d’un énième épisode de cet éternel feuilleton en lançant haut et fort que “tout le monde en a assez d’Amazon”.

La ministre, bientôt âgée de 40 ans, produit emblématique de la culture française et de la méritocratie républicaine – elle est diplômée d’une “grande école”, l’Ecole normale supérieure -, a dénoncé lundi le “dumping” du site américain de vente de livres en ligne, dans un pays où une loi d’août 1981 sur le prix unique du livre est un monument sacré.

Aurélie Filippetti a attaqué Amazon le jour où elle annonçait à Bordeaux (sud-ouest) un plan de soutien “sans précédent” aux librairies indépendantes, dont le chiffre d’affaires a reculé de 8% en 10 ans. En jeu : 2.500 à 3.000 petites librairies de quartier, auxquelles les Français qui lisent encore sont tellement attachés et qui représentent 13.000 emplois.

Comme toujours en France, la ministre a agité contre le géant américain les armes de la loi et du règlement en le menaçant d’une mesure purement administrative (fin d’un cumul des fraits de port gratuit avec une réduction de 5% sur les livres).

Mais pour Paris, le combat n’est pas une guerre solitaire. Dans une Europe qui se cherche, ses saillies visent au-delà du marché national à préserver une identité francophone et culturelle qui dépasse ses frontières. Pour sortir la culture du champ des négociations du futur accord de libre-échange Europe-Etats-Unis, la France a ainsi obtenu le soutien de 13 pays européens.

La démarche n’est pas exempte de contradictions. Non moins de gauche et partisan de l’action de l’Etat que son homologue à la Culture, le ministre chargé du Redressement productif, Arnaud Montebourg, avait accueilli Amazon à bras ouverts il y a un an quand l’Américain avait lancé en juin 2012 une plate-forme logistique à Châlon-sur-Saône (centre-est), avec 500 emplois possibles en perspective.

Le groupe possède déjà deux plates-formes en France, à Orléans (centre) et Montélimar (sud-est), ouvertes respectivement en 2007 et 2010.

“Made in France”

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çaise de la Culture Aurélie Filippetti, le 3 juin 2013 à Paris (Photo : Bertrand Langlois)

C’est le même Arnaud Montebourg, champion autoproclamé du “made in France”, qui s’est opposé il y a tout juste un mois à Yahoo! lorsque le portail américain voulait racheter l’un des rares opérateurs européens – et même français – à dimension mondiale, la plate-forme de diffusion de vidéos gratuites Dailymotion.

L’américain souhaitait racheter à France Télécom 75% du capital de Dailymotion, avec une option pour monter à 100%. L’Etat, qui détient encore 27% du capital de France Télécom, ne voulait pas aller plus loin que 50%.

Avec Google, la France a célébré comme “un événement mondial”, selon les termes le 1er février de François Hollande, un accord en forme de cessez-le-feu signé à l’Elysée avec le PDG Eric Schmidt, après une longue bataille politique et fiscale contre l’opérateur multiservices (navigateur, messagerie…).

Cet accord “historique” prévoit que Google, accusé par la France également de dumping fiscal, verse 60 millions d’euros pour le développement de la presse en ligne.

Soutenus par l’Etat, les éditeurs français exigaient que Google paie des droits “voisins” – sorte de droits d’auteur – pour les importants bénéfices publicitaires que l’américain réalise en se contentant de référencer leurs titres.

En France, selon les estimations, le géant aurait réalisé en 2011 un chiffre d’affaires compris entre 1,25 et 1,4 milliard d’euros, mais n’aurait reversé qu’un peu plus de 5 millions d’euros au titre de l’impôt sur les sociétés.