Birmanie : les internautes à la recherche de la liberté en ligne

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é à Rangoun le 31 mai 2013 (Photo : Soe Than Win)

[02/06/2013 20:37:12] RANGOUN (AFP) Kam Khan Cin a mis quatre jours pour arriver à Rangoun depuis sa petite ville de montagne. Pour rien au monde il n’aurait raté le Forum sur la liberté sur internet, qui suscite bien des espoirs alors que le pays tourne le dos à la dictature.

“Je pense que nous obtiendrons ces droits un jour”, a lancé l’étudiant ingénieur, qui a entrepris son voyage malgré la mousson qui ravageait les chemins de terre de l’Etat Chin, dans l’ouest du pays.

La plupart des habitants de sa ville natale de Tedim ne peuvent s’offrir de téléphone portable, mais il y a trois cybercafés, et le jeune homme de 25 ans y passe autant de temps que possible même s’il faut souvent 15 minutes pour ouvrir une page.

“Je peux voir ce qui se passe ailleurs grâce à internet. Je me sens connecté au monde”.

Un demi-siècle de dictature militaire avait conduit la Birmanie à un isolement absolu du monde extérieur. Moins de 1% de la population d’un des pays les plus pauvres du monde a aujourd’hui accès à la Toile, et coupures d’électricité et connexions incroyablement lentes rendent l’expérience pénible pour les plus chanceux.

Mais depuis la dissolution de la junte il y a deux ans, le gouvernement a entrepris des réformes spectaculaires.

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é sur internet le 1er juin 2013 à Rangoun (Photo : Soe Than Win)

“Le système a changé. Au lieu de donner des ordres, le gouvernement écoute la voix du peuple. Nous voulons savoir ce que nous pouvons faire pour créer la liberté sur internet que réclament les gens”, a assuré samedi lors de ce forum le vice-ministre des Technologies de l’Information Thaung Tin.

Le responsable a également esquissé la possibilité d’un accès au web rapide, bon marché et dans tout le pays, une hypothèse impensable sous l’ancien régime qui bloquait des sites comme celui de la BBC et punissait lourdement la dissidence en ligne.

Google, Yahoo, Microsoft et Intel ont depuis tous entamé des discussions avec le gouvernement. Mais des obstacles demeurent.

“J’ai dit à Microsoft que nous voulions utiliser leurs logiciels sous licence à la place des copies pirates”, a expliqué Thaung Tin, notant qu’il avait demandé ces produits à un prix “raisonnable”.

“Ils ont demandé ce qui était raisonnable pour nous. J’ai dit: +honnêtement, n’importe quel montant plus que gratuit est cher+”.

Sous la junte, les connexions étaient ralenties à des dates symboliques, comme l’anniversaire de la révolte populaire de 1988.

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é internet à Rangoun le 31 mai 2013 (Photo : Soe Than Win)

Mais les Birmans faisaient front. Ils avaient ainsi largement utilisé internet pour diffuser des images de la répression de la “révolte safran”, emmenée par des moines bouddhistes en 2007.

Encore en 2012, le pays était considéré comme “pas libre” par le groupe Freedom House, parrain de la conférence de samedi. Mais ces deux dernières années, la censure des médias a été abolie, l’accès aux sites étrangers a été débloqué et des centaines de prisonniers politiques ont été libérés, même si certaines des lois répressives sont toujours en place.

“La liberté ne se mesure pas seulement à la possibilité de regarder des sites librement. Le débit et la vitesse d’internet devraient aussi correspondre aux normes internationales”, a souligné le blogueur Nay Phone Latt, à l’origine de l’événement.

Le militant, ancien prisonnier politique, s’est également inquiété de la prolifération des discours de haine en ligne depuis le début des violences meurtrières entre bouddhistes et musulmans qui ont frappé le pays depuis un an.

Lors d’une visite en Birmanie en mars, le patron de Google Eric Schmidt avait prédit que tout retour en arrière serait “impossible” grâce au web. Une vision partagée par au moins certains des nouveaux dirigeants du pays.

Thaung Tin a ainsi imaginé une Birmanie où les enfants des campagnes pourraient utiliser des tablettes pour leurs devoirs au lieu d’être sans cesse entravés par les pannes de courant.

“Comme c’est agréable quand vous fermez les yeux et pensez à ça (…). Plus rien n’est impossible”, s’est félicité le ministre.