Tunisie – Affaire Zied El Hanni : Risque de comparution sous la loi antiterroriste n°75 de décembre 2003

zied-el-hani-11022013.jpgZied El Hanni est-il passible de prison? Plausible, d’après ses avocats qui évoquent la possibilité de le faire comparaître sous le coup de la loi antiterroriste de 2003 ou de l’article 31 du code de la presse pour diffamation et diffusion de fausses informations.

Au Palais de justice où il a été interrogé, lundi 11 février, par le juge d’instruction, Zied El Hanni, journaliste au journal Al Sahafa et membre du bureau exécutif du Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), était accompagné de nombreux journalistes venus le soutenir et, bien évidemment, par un groupe d’avocats volontaires.

Rappelons que Zied El Hanni a comparu devant le juge d’instruction de la chambre d’accusation n°13 en tant que témoin dans l’affaire de l’assassinat de l’opposant politique Chokri Belaïd, mort en martyr mercredi 6 février. Il avait mis en cause des personnalités situées à différents niveaux au ministère de l’Intérieur et dans des postes importants dans différents partis.

Me Faouzi Ben Mrad, membre du comité de défense de Zied El Hanni, a tenu à préciser lors d’un point presse organisé à la sortie du témoin du bureau du juge d’instruction que la présence des avocats a été informelle: «Nous avons assisté à l’interrogatoire de Zied El Hanni sans que notre présence soit mentionnée dans le procès verbal pour le soutenir moralement et éviter qu’il subisse des pressions de la part du juge d’instruction ou d’une autre partie».

Zied El Hanni a donné des informations très graves incriminant des personnalités qui occupent des hautes positions dans des partis et des structures de l’Etat et a appelé le juge d’instruction à les convoquer pour avoir des éclaircissements à propos des rôles qu’elles auraient pu jouer, a précisé Me Ben Mrad.

L’avocat s’est dit surpris, alors que l’interrogatoire touchait à sa fin, de la présence des agents de la brigade criminelle devant le bureau du juge d’instruction. «En tant que comité de défense, nous avons été extrêmement abasourdis de découvrir ce dispositif des agents de l’ordre. Car Zied El Hanni a comparu en tant que témoin et non en tant qu’accusé. Par conséquent, il ne risque pas de s’échapper ou d’user de violence».

Le chef du poste de police du Palais de justice a expliqué au Comité de défense que le procureur de la République voulait lui-même interroger Zied El Hanni, ce à quoi ont rétorqué les avocats: «Zied El Hanni est une personnalité publique connue, son lieu de travail et son adresse personnelle sont connus et que, par conséquent, le procureur de la République pouvait lui envoyer une convocation personnelle ou la faire passer par un avocat du Comité de défense, et ce dans un souci de respect de la forme et des procédures. Nous nous sommes rendus compte du nombre important des forces de l’ordre présentes et même de la présence des membres de la Brigade antiterroriste, ce qui rendait l’éventualité d’une arrestation de Zied El Hanni encore plus évidente».

Le procureur de la République a, pour sa part, approuvé la demande des avocats pour ce qui est du respect des procédures et a exprimé le souhait de voir comparaître de nouveau Zied El Hanni devant lui pour l’interroger non seulement sur l’objet de ses déclarations télévisées mais également à propos d’une autre affaire en cours d’instruction allant dans le même sens…

Zied El Hanni a déclaré avoir retrouvé sa sérénité après avoir signé le procès verbal et ses déclarations devant le juge d’instruction: «J’avais peur d’être arrêté avant la signature. Maintenant je suis soulagé et fier d’être entouré de mes amis journalistes et avocats qui se sont montrés toujours prêts à défendre les bonnes causes; je les salue et par la même mon père lui-même avocat». Il a assuré être à la disposition du procureur de la République pour répondre à toutes ses questions selon les éléments dont il dispose.

Le journaliste, qui subit depuis le 14 janvier la pression des défenseurs du parti au pouvoir à l’instar d’une grande partie des médias tunisiens jugés non crédibles et subjectifs, risque sérieusement de comparaître sous la loi antiterroriste de 2003.

Quel meilleur moyen que de mettre au pas tous les journalistes si ce n’est leur dire: «Taisez-vous ou vous serez accusés de complots contre la sûreté de l’Etat?»